Les deux dernières décennies, le fonctionnement du
système capitaliste mondial a connu de profonds changements, ce qui pose
d’importants défis théoriques et stratégiques pour les programmes et les
pratiques des socialistes révolutionnaires. La longue vague dépressive qui
avait commencé par la récession généralisée de 1974-75 a déclenché, à partir des
années 80, une offensive bourgeoise, la montée de la mondialisation néolibérale
et les Programmes d’ajustements structurels. L’économie capitaliste mondiale et
les entreprises qui la composent se trouvent engagées dans un processus de
restructuration qui est toujours en cours et qui a de profondes répercussions
sur les bourgeoisies impérialistes de l’Amérique du Nord, de l’Europe
Occidentale et du Japon, ainsi que sur les bourgeoisies et les élites des pays
dépendants, les travailleurs et les mouvements populaires.
Alors que les mouvements de la classe ouvrière se sont
repliés sur la défensive à la fin des années 70 et 80, d’autres mouvements
sociaux, nouveaux ou reconstitués – tels que les écologistes, les féministes,
les mouvements de lesbiennes/homosexuels/bisexuels/transgenre, les mouvements
indigènes et autres – ont soulevé des questions que les marxistes avaient
négligées. A la fin des années 90, lorsque la gauche commença à retrouver ses
repères après la chute du régime staliniste en Union soviétique et une nouvelle
génération de militants prit la relève, il devint urgent de repenser la
situation, surtout après les protestations dramatiques de Seattle en 1999 et
l’émergence des Forums Sociaux. En outre, après le 11 septembre 2001, les
perspectives d’une amélioration pour la gauche se sont compliquées à cause
d’une nouvelle vague d’interventions américaines agressives et le réveil de la
résistance.
Les marxistes révolutionnaires commencent à peine à
comprendre ce que tous ces changements signifient pour nous. L’École altermondialiste
de l’IIRF doit nous aider à nous réarmer du point de vue théorique et stratégique
afin de pouvoir participer activement dans ce monde transformé. Les débats sur
la gauche se dérouleront dans un esprit ouvert et contestataire. Des
conférenciers qui ont réfléchi en profondeur à certains thèmes nous feront part
de leurs conclusions, mais il est crucial que tous les participants disposent
de suffisamment de temps pour apporter leurs propres contributions au débat. L’École
aura trois parties : l’État du monde, les Défis stratégiques et les Alternatives
: la Politique altermondialiste.
Dans l’État du monde, nous analysons les
changements économiques, sociaux et géopolitiques du capitalisme. Nous
commençons par une discussion des grandes vagues de l’économie capitaliste : la
vague descendante du début des années 70, ses répercussions sur nos sociétés et,
finalement, un débat sur les mythes et les débats autour d’une éventuelle
nouvelle vague haussière. D’autres intervenants examineront les différentes
formes de recomposition sociale surgies de la restructuration capitaliste,
telles que les changements dans les structures familiales, la dimension « genre
» dans la reproduction et la production sociale et les rôles sexuels dans le
contexte culturel plus large ; la fragmentation et la réorganisation des
classes travailleuses ; les migrations et la montée des conflits ethniques et
du racisme ; et les transformations dans l’agriculture et, par conséquent, dans
la vie rurale et la consommation des aliments.
Dans la deuxième partie de l’École, nous passons aux Défis
stratégiques que la gauche doit relever aux niveaux mondial et régional.
Une caractéristique de la mondialisation actuelle est l’inégalité croissante entre
les différentes parties du monde et les crises successives dans les régions
dominées, soit les quatre cinquièmes de la planète. Un rapport examinera
l’apparente omnipuissance de l’impérialisme américain et les principales
difficultés qu’il doit affronter : la désintégration de l’État, « la guerre
asymétrique » et la surenchère des différentes formes de barbarie. Un deuxième
rapport traite des puissantes nouvelles institutions régionales et
internationales (UE, FMI, BM, OMC) et du rôle changeant des États nationaux. Un
troisième rapport (au début du programme) étudie les nouvelles formes
d’organisation du mouvement mondial de la justice et les questions qui en
découlent pour la démocratie et le rôle des socialistes révolutionnaires. Entre
ces rapports généraux, on insérera des débats sur différents continents en particulier
: l’Afrique, où ces développements suscitent des questions sur le rôle, voire
l’existence même, de l’État ; l’Asie déstabilisée par la crise financière de
1997 et les séquelles du 11 septembre ; et l’Europe, où la gauche
anticapitaliste tente de se regrouper et de résister à la construction d’une
deuxième superpuissance potentielle.
Face à ces défis, quelles sont les alternatives que
les mouvements sociaux et les partis de gauche ont à offrir ? Dans les
Alternatives : la Politique altermondialiste, nous examinons comment les
réponses de la gauche peuvent ébaucher de nouvelles stratégies anticapitalistes
et une nouvelle vision d’un avenir socialiste. Nous discuterons des questions
suivantes : Dans quelle mesure la gauche peut-elle tenter de rompre la
mondialisation néolibérale dans un seul pays ou région ? Une alternative
mondiale est-elle indispensable ? Comment structurer de façon complètement différente
la production, les finances et le commerce mondiaux ? Où en est le débat sur
ces questions au niveau régional et dans les Forums Sociaux Mondiaux ? Quelles
sont leurs possibilités et leurs limites ? Nous concluons par une discussion
sur la gauche révolutionnaire elle-même, sur la contribution des marxistes révolutionnaires
et des traditions féministes aux débats actuels, notamment le défi que pose la
construction d’une Internationale anticapitaliste.