Global Justice School / École
altermondialiste 2003 / IIRF
Politiques
alternatives, I : le « délinkage » ou une autre mondialisation ?
Résistance, alternatives.
Stéphanie Treillet
Introduction : 3 idées qui sous-tendent le raisonnement :
- La dynamique des luttes altermondialistes actuelles pose en creux certains des éléments de la société à construire.
- Une double rupture est toujours nécessaire : externe (domination impérialiste) et interne à chaque société (rapports de classe et toutes formes d'oppression).
- Les luttes altermondialistes commencent à poser les bases d'un anticapitalisme et d'un internationalisme concret.
I/ De l'anti-libéralisme
à l'anticapitalisme.
A/ Les luttes anti-libérales et
altermondialistes ont une dynamique anticapitaliste
1)
Des évolutions communes dans les
nouvelles luttes et nouveaux mouvements sociaux dans différentes régions du
monde.
dans
le mouvement altermondialiste ou en dehors de lui.
a) Dynamique de contestation globale du système à partir de problématiques spécifiques.
b) Dans certaines luttes, réseaux de groupes de population et d'intérêts différents qui convergent (ex : syndicats de salariés, associations de consommateurs, de quartiers, de défense de l'environnement, féministes, etc.. contre multinationales).
c) Liens entre anciennes structures de luttes (syndicats..) et nouvelles
d) Nouvelles méthodes de lutte (désobéissance civile).
e) Nouvelles exigences démocratiques présentes dans ces mouvements
f)
Posent en creux la question de nouveaux
rapports entre le « social »et le « politique »
2)
Le mouvement altermondialiste
lui-même est au cœur de la construction de ce nouvel anticapitalisme, pour
plusieurs raisons
a) Tendance à fédérer et articuler les autres mouvements (cf Forum social mondial, Forums continentaux)
b) S'attaque à des problématiques de plus en plus nombreuses, qui font système.
c) L'étape actuelle du capitalisme ne laisse pas d'espace pour des « réformes » ou des « régulations » : toutes les revendications antilibérales acquièrent de fait une dynamique anticapitaliste (ex : contrôle des mouvements de capitaux).
d) Le mouvement altermondialiste s'attaque à ce qui fait l' essence de l'étape actuelle du capitalisme :
- la mise en concurrence généralisée des tou(te)s les travailleur(se)s et de tous les peuples à l'échelle de la planète.
- la liberté totale des capitaux et des multinationales
- la marchandisation générale et absolue de toutes les ressources et de toutes les activités humaines
- le caractère absolu de la propriété capitaliste
B/ Les
réponses aux questions stratégiques montrent en pratique qu'une régulation du
capitalisme mondialisé et libéral n'est pas possible.
1)
Lutte contre les organisations
internationales (OMC, FMI, Banque mondiale, AMI, AGCS)
a) Faut-il chercher à les transformer ou doit-on viser leur démantèlement ?
Chaque
revendication de réforme (ex : publicité des débats) remet en cause leur
logique même de fonctionnement.
b) Inclusion ou exclusion de dimensions sociales ou environnementales ? (cf texte Lee Chang-geun)
Exclure le plus possible de domaines de l'emprise de l'OMC.
2)
Résistance à la mise en
concurrence mondiale des salarié(e)s ou des paysan(ne)s
a)
La piège de la clause
sociale : ne pas se tromper.
-
mettre en cause d'abord le modèle
exportateur.
- sanctionner d'abord les multinationales
- récuser l'OMC pour défendre les droits sociaux (cf 1)b)
b)
Rechercher de nouvelles formes d'articulation
internationale de luttes
- résister à l'idée d'opposition Nord-Sud des peuples.
- idée que toutes résistances participent à construction d'un même rapport de force (ex Alena luttes de salarié(e)s US en solidarité avec salarié(e)s mexicaines même firme).
c)
Lutte contre la mondialisation
capitaliste se fait aussi sur place, contre classes dominantes nationales au
Sud comme au Nord.
Deux
conséquences :
- ne pas considérer Europe comme rempart contre impérialisme US ni oublier capitalisme européen.
au Sud ne pas envisager alliance avec capital local, par opposition aux multinationales (cf débat W. Bello /P. Bond).
3) Nécessaire perspective de classe et de lutte contre toutes les oppressions (notamment de genre) : contre toute alliance au nom de l' « anti-libéralisme » ou « anti-impérialisme » avec fores religieuses ou nationalistes réactionnaires.
C/ Peut-on s'en tenir à une démarche de contrôle et de contre-pouvoir ?
1) Mouvement pour l'instant n'envisage pas rupture politique centrale
2) Risque pas tant « réformisme » que valorisation et systématisation stratégies d'îlots de survie avec adaptation soit au marché soit aux relations traditionnelles d'oppression. (« économie solidaire »).
II/
« Un autre monde est possible » : lequel ?
A/
Démondialisation ou autre mondialisation ?
Cf Débat W. Bello/ P. Bond et W. Wallis
1)
Réorienter les économies vers l'intérieur :
sur quelles bases ?
a)
Comment définir les priorités
sectorielles ?
- Selon quelle procédure démocratique ? (ex budget participatif : possible à grande échelle ?)
- En fonction des intérêts de quelle(s) classe(s) ?
- En fonction de quels rythmes d'accumulation (biens d'investissement ou de consommation) ?
b)
Quelle réforme agraire ?
c) Les leçons des expériences passées (Nicaragua, etc.)
2)
Quelle nouvelle architecture de l'économie
mondiale ?
a) de nouvelles institutions sur d'autres principes ?
b) une nouvelle régionalisation ?
c) la possibilité de « sas » et de contrôle de leurs échanges pour les économies du Tiers-Monde
3)
refuser une autre
mondialisation : un danger politique
a) « souverainisme » et courants chauvins dans les pays industrialisés
b) replis « culturalistes » partout, renforçant les oppressions traditionnelles
c) caractère contradictoire de la mondialisation, qui renforce les potentialités de luttes communes.
B/ Une
autre société se dessine dans les luttes.
1)
L'espace de la gratuité
a) Les possibilités « technologiques » : contre le brevetage (médicaments, logiciels…)
b) Services
publics et protection sociale : un espace disputé à la marchandise.
2)
Une orientation vers les besoins
de la majorité de la population
a) Capitalisme incapable de satisfaire ces besoins : consommations essentielles ou services.
b) L'exigence de satisfaction de ces besoins implique une remise
en cause des droits de la propriété capitaliste.
c) Elle implique aussi une certaine croissance, dont il faut déterminer le contenu (social et écologique) : des crèches-hôpitaux- écoles plutôt que des automobiles à refuser les illusions dangereuses de la « décroissance » et du « refus du développement »
Conclusion :
- la problématique anti-impérialiste est essentielle mais ne suffit pas pour poser les bases d'une alternative globale au capitalisme
- il est nécessaire d'articuler les luttes entre toutes les dimensions d'oppression et de domination, sans les hiérarchiser.