SÉMINAIRE SUR LA STRATÉGIE LESBIENNE--GAY-- BISEXUELLE--TRANSGENRE

Contre l’ordre moral et l’ordre symbolique

Depuis les débats autour du Pacs, de nouvelles limites aux droits accordables aux gais et lesbiennes ont été dessinées. Les politiciens ont défini la frontière de l’admissible et l’ont justifiée par des arguments pseudo-scientifiques.

Cette homo-lesbophobie moderne suppose que les gais et les lesbiennes ont déjà eu beaucoup, les droits restant à obtenir étant considérés à la fois comme minimes et irrecevables par la société.

Les discriminations bien-pensantes de “gauche”

La contradiction de l’argumentation est immédiate : si ces droits supplémentaires sont si peu importants, comment se fait-il que les mentalités ne soient pas prêtes à les accorder ?

Ces allégations sont le fait d’hommes et femmes politiques, dirigeant le pays, qui n’expliquent jamais ce qui les fait supposer que la société ne peut supporter l’extension des droits des gais et lesbiennes. L’argumentation est étayée par la collaboration (c’est bien le terme) d’intellos qui nous assomment de vérités prétendument indiscutables parce que supposément scientifiques.

La science est ici posée comme indépendante de toute idéologie et du contexte historique dans lequel sont menées les recherches et comme produisant des conclusions indépendantes des enjeux sociaux qui sont pourtant les objets de ses études. Bref, les résultats scientifiques sont uniques et indiscutables. En d’autres temps on appelait cela une religion. Exemple parmi d’autres de scienterrorisme : un enfant aurait « besoin » de deux parents de sexes différents, ce qui justifie les facilités juridiques accordées à une mère pour désigner un père, quelqu’il soit, à son enfant et, au contraire, les difficultés juridiques rencontrées par un couple de concubines pour faire reconnaître le double lien affectif réel de l’enfant avec sa mère biologique et la compagne de celle-ci.

Pourtant peu de voix s’opposent publiquement à ces “scientifiques”. La première raison est l’accès aux médias, aujourd’hui réservé à une élite sociale alors que les principaux concernés, gais et lesbiennes, devraient avoir tout autant voix au chapitre sur ces questions. Pourtant, jusqu’à maintenant, la presse refuse tout droit de réponse aux associations ou aux individus.

Il faut ensuite considérer la réserve d’un certain nombre de “scientifiques” qui estiment n’avoir aucune autorité pour parler sur ces questions. Nous leur savons gré de leur modestie mais nous leur reprochons malgré tout d’autoriser, par leurs silences, les voix publiquement entendues de défendre une position qui semble, ainsi, complètement partagée par tous les “scientifiques” des disciplines en question (sociologie, anthropologie, psychanalyse, histoire… pour ne citer que les plus célèbres).

Quant aux “politiques” relayant l’état d’acceptabilité de nos revendications dans la population, nous savons que ces personnes sont à des années lumière de la réalité d’un grand nombre de gens vivant dans ce pays. Leur projet politique n’est finalement rien d’autre qu’une brutale aspiration à garder le pouvoir et la soi-disante irrecevabilité des revendications des gais et lesbiennes par la société n’est que le produit de leurs craintes et fantasmes de perdre des électeurs, bien éloignés des réelles perceptions de la population.

Dire que nos revendications ne sont pas essentielles, qu’elles se trouveraient à la marge des droits déjà obtenus et que ceux-ci garantissent déjà une prise en compte suffisante des personnes concernées est faux, au moins à deux niveaux. Premièrement, la question de l’égalité des droits se posera tant qu’il existera des catégories de personnes discriminées qui n’ont pas les mêmes droits que les autres, ce qui est notamment la situation des gais et lesbiennes. Un couple homo n’a pas droit au mariage, ni à l’adoption, doit attendre 3 ans pour faire une déclaration commune aux impôts. Un conjoint étranger pacsé rencontre plus de difficulté qu’une personne mariée dans la même situation pour faire reconnaître son droit au séjour en France. Dans de nombreuses entreprises, un conjoint homo ne peut jouir des avantages accordés à un conjoint hétéro. On peut, comme lors des débats sur le Pacs à l’assemblée, insulter publiquement les gais et les lesbiennes en toute impunité …

La fierté, stratégie indissociable de la revendication de droits

Deuxièmement, nos revendications ne se limitent pas à l’obtention de droits. L’autre volet est celui de la lutte contre la répétition des petites et grandes insultes quotidiennes, contre la stigmatisation dès que l’on sort du cadre hétérosexuel. Il est difficile, voire impossible, d’établir la liste de ces vexations et de ces discriminations discrètes et quotiennes, tout simplement parce que ce serait très long et qu’on en oublierait encore. Ces aspects là de nos revendications, construits en réaction à l’homophobie permanente de notre vie courante, sont certainement aussi forts que notre exigence de droits égaux. Juridiquement nous ne sommes plus des malades … mais aux yeux de beaucoup les gais restent de potentiels pédophiles, dangereux pour les enfants, les homos sont égoïstes, hédonistes, profiteurs. Nous voudrions tout, le plaisir et la jouissance et nous refuserions les contraintes et les conséquences de nos actes.

Face à cette litanie, les stratégies mises en place par les gais et lesbiennes ne relèvent pas de choix individuels. Le “look”, les manières, les lieux de loisir et de rencontre, être ou pas dans le placard dans le boulot, à l’école, dans la famille, au club de sport, à la chorale sont autant d’actes pour lesquels les choix qui nous sont offerts sont extrêmement limités. Nos “choix” ressemblent surtout à de la résistance aux pressions hétéro-normatives quotidiennes. Imagineriez-vous vivre dans un monde dans lequel l’homosexualité serait la norme, dans lequel 90% de votre temps se situerait dans des espaces “homos”, où il faudrait “sortir du placard” parce que votre copine ou votre maquillage ne serait pas “comme il faut” ? Oui, ce serait un cauchemar…

Cette dimension souvent indicible individuellement s’exprime notamment dans les marches de fierté et constituent une toile de fond indissociable des revendications exprimées.

L’ordre symbolique c’est toujours l’ordre moral

Il ne faut pas s’y tromper, ce que nos intellos-scientifiques nomment Ordre Symbolique et qu’il faudrait défendre contre les hédonistes gais et lesbiennes n’est rien d’autre que le bon vieil Ordre Moral.

Comme la LCR l’a déjà exprimé lors de son dernier congrès, le principe de l’égalité des droits entre homo et hétéros doit être le fil à plomb de nos revendications. Cette égalité doit être réalisée non seulement entre les différentes formes d’union mais également entre les individus : une personne mariée ne doit pas jouir d’avantages liés à sa situation maritale.

Les combats publics et quotidiens des gais et des lesbiennes concernent toutes les personnes qui refusent les assignations naturalistes du genre, de l’acte sexuel nécessairement procréatif, de la famille patriarcale, de la domination masculine.