La révolution socialiste
et la lutte de libération des femmes
INTRODUCTION
Les positions de base du marxisme sur l'oppression des femmes font
partie des fondements programmatiques de la IV• Internationale. Mais la
résolution qui suit est la première résolution sur la libération des femmes
adoptée par l'Internationale. Son but est de préciser notre analyse de
l'oppression des femmes, ainsi que la place que la lutte contre cette
oppression occupe pour nous dans les trois secteurs de la révolution mondiale :
les pays capitalistes avancés, les pays coloniaux et semi-coloniaux et les
États ouvriers.
LE CARACTERE DE L'OPPRESSION DES FEMMES LA NOUVELLE
MONTEE DES LUTTES DES FEMMES
1. Depuis la fin des années 1960, une révolte grandissante des femmes s'est
fait jour contre l'oppression dont elles sont victimes en tant que sexe. A
travers le monde, des millions de femmes, et particulièrement de jeunes femmes
- étudiantes, travailleuses, ménagères - commencent à mettre en question
certains des aspects les plus fondamentaux de leur oppression séculaire.
Le premier pays dans lequel cette radicalisation des femmes est apparue
comme phénomène de masse, a été les Etats-Unis. Les signes annonciateurs en ont
été l'éclosion de milliers de groupes femmes et la mobilisation de dizaines de
milliers de femmes, le 26 août 1970 et lors des manifestations commémorant le
50° anniversaire de l'issue victorieuse de la lutte des femmes américaines pour
le droit de vote.
Mais la nouvelle vague des luttes de femmes en Amérique du Nord n'est pas
restée un phénomène exceptionnel et isolé comme l'a rapidement prouvé
l'émergence de mouvements de libération des femmes dans les pays capitalistes
avancés.
Ce nouveau mouvement de libération des femmes est apparu sur la scène de
l'histoire dans le cadre d'un mouvement beaucoup plus général de la classe
ouvrière et de toutes les couches et secteurs exploités et opprimés de la
population mondiale. Ce mouvement a pris de multiples formes : grèves
économiques, luttes contre l'oppression nationale, manifestations étudiantes,
revendications écologiques, mouvement international contre la guerre
impérialiste au Vietnam. Bien qu'il ait débuté parmi les étudiantes et les
femmes des professions libérales, les revendications mises en avant par le
mouvement des femmes, combinées aux contradictions croissantes du système
capitaliste, ont commencé à mobiliser des couches beaucoup plus larges. Il a
commencé à influencer la conscience, les aspirations et les actions de couches
significatives de la classe ouvrière, hommes et femmes.
Résolution adoptée par le
Congrès mondial. Cette résolution a obtenu 100 votes pour, 0,5 votes contre, 6
abstentions, 6,5 NPPV.
Dans de nombreux pays, la
nouvelle montée des luttes de femmes a précédé touffe modification importante
de la combativité de la classe ouvrière organisée. Dans d'autres pays comme
l'Espagne, cette montée à fait partie de l'explosion de luttes de la classe
ouvrière sur tous les fronts. Mais dans pratiquement tous les cas, le mouvement
est né en dehors, et de façon indépendante, des organisations de masse de la
classe ouvrière, qui ont alors été obligées de répondre à ce phénomène nouveau.
C'est ainsi que le développement du mouvement des femmes est devenu un facteur
important de la bataille politique et idéologique pour affaiblir le pouvoir de
la bourgeoisie et de ses agents au sein de la classe ouvrière.
La rapide croissance du mouvement de libération des femmes et le rôle qu'il
a joué dans l'approfondissement de la lutte des classes, aussi bien au niveau
international que dans divers pays, confirment que le combat pour la libération
des femmes doit être considéré comme l'une des composantes essentielles de la
nouvelle montée de la révolution mondiale.
2. Cette radicalisation des femmes est sans précédent quant à la profondeur
des remises en cause économique, sociale et politique qu'elle exprime et quant
à ses implications pour la lutte contre l'oppression et l'exploitation
capitalistes,
Pays après pays, les femmes participent en nombre croissant à des campagnes
de masse contre les lois réactionnaires sur l'avortement et la contraception,
contre les lois oppressives du mariage, contre l'inadéquation des structures de
garde des enfants, contre toute restriction légale à l'égalité. Elles dénoncent
le sexisme et se battent contre la façon dont il s'exprime dans tous les
domaines : depuis la politique, l'emploi et l'éducation jusque dans les aspects
les plus intimes de la vie quotidienne,
y compris le fardeau du travail ménager, la violence et l'intimidation dont
elles sont victimes à la maison et dans la rue.
Les femmes avancent des revendications qui mettent en cause les aspects
spécifiques de leur oppression dans le système capitaliste aujourd'hui et qui
s'attaquent à la division traditionnelle du travail, division profondément
enracinée entre hommes et femmes, à la maison comme à l'usine.
De plus en plus, elles exigent des mesures préférentielles ouvrant aux
femmes les portes qui leur étaient fermées jusque-là dans tous les domaines, afin de triompher d'une discrimination
institutionnalisée depuis des siècles. Elles insistent sur leur droit à
participer, en totale égalité, à toutes les formes de la vie sociale,
économique et culturelle : égalité dans l'éducation, dans l'accès au travail,
salaire égal pour un travail égal.
Pour qu'une telle égalité devienne possible, les femmes recherchent les
moyens de mettre fin à leur servitude domestique. Elles exigent la
socialisation des tâches domestiques et que ces dernières ne soient plus
considérées comme un « travail de femmes ». Les plus conscientes reconnaissent
que c'est la société, et non la cellule familiale qui devrait être responsable
des jeunes, des personnes âgées et des malades.
La lutte pour que l'avortement ne soit plus considéré comme un crime, pour
que toutes les femmes puissent y avoir recours, a été au centre même de l'émergence
du mouvement de libération des femmes. Le droit de disposer de son corps, de
choisir si l'on veut des enfants, quand et combien, est un droit considéré par
des millions de femmes comme une précondition élémentaire de leur libération.
De telles exigences touchent au coeur même de l'oppression spécifique des
femmes qui s'exerce à travers la famille et elles ébranlent les fondements de
la société de classes. Elles montrent à quel point la lutte pour la libération
des femmes est un combat qui vise à la transformation de toutes les relations
sociales et humaines, en quoi elle les place à un niveau différent, plus élevé.
3. Le fait que le mouvement de libération des femmes ait commencé à prendre
la dimension d'un phénomène international, avant même que ne s'exacerbent les
contradictions économiques du capitalisme mondial au milieu des années 1970,
montre bien la profondeur sociale de cette révolte. C'est l'un des symptômes
les plus clairs de la profondeur de la crise sociale que connaît aujourd'hui
l'ordre bourgeois.
Ces luttes montrent à quel point sont dépassés les institutions et les
rapports capitalistes qui engendrent des contradictions croissantes dans tous
les secteurs de la société et qui accélèrent l'expression de formes nouvelles
de la lutte des classes. L'agonie du capitalisme fait entrer de nouvelles
couches sociales en conflit direct avec les besoins fondamentaux et les
prérogatives de la bourgeoisie, amenant ainsi de nouveaux alliés à la classe
ouvrière et la renforçant dans son combat pour balayer le système capitaliste.
D'ores et déjà, le développement de la lutte des femmes contre leur oppression
commence à priver la classe dominante de l'une des principales armes dont elle
s'est longtemps servie pour diviser et affaiblir les exploités et les opprimés.
4. L'oppression des femmes a été l'une des principales caractéristiques de
la société de classes à travers les âges. Mais la tâche pratique consistant à
s'attaquer aux racines de cette oppression et à en combattre les effets ne
pouvait se poser, à une échelle de masse, avant l'ère de transition du
capitalisme au socialisme. La lutte pour la libération des femmes est
inséparable du combat des travailleurs pour renverser le capitalisme. Elle est
partie intégrante de la révolution socialiste et de la perspective communiste
d'une société sans classes.
Le remplacement de la famille patriarcale basée sur la propriété privée par
un type supérieur de relations humaines est l'un des premiers objectifs de la
révolution socialiste. Ce processus s'accélèrera et s'approfondira au fur et à
mesure que les fondements matériels et idéologiques du nouvel ordre communiste
verront le jour. Le développement du mouvement de libération des femmes
aujourd'hui fait progresser la lutte des classes, la renforce et améliore les
perspectives du socialisme.
5. Les femmes ne pourront mener à bien leur libération qu'à travers la
victoire de la révolution socialiste mondiale. Ce but ne pourra être atteint
que par l'organisation et par des mobilisations de masse des femmes, partie
prenante de la lutte des classes. C'est là que réside la dynamique
révolutionnaire objective des luttes pour la libération des femmes et la raison
fondamentale pour laquelle la IV° Internationale doit s'investir dans ces
luttes et contribuer à offrir une direction révolutionnaire aux femmes qui se
battent pour leur libération.
ORIGINE ET NATURE DE L'OPPRESSION DES FEMMES
1. Contrairement à ce que beaucoup prétendent, l'oppression des femmes n'est
pas déterminée par leur biologie. Ses fondements sont de nature économique et
sociale. Tout au long de l'évolution de la société pré-classiste et de la
société de classes, la fonction de reproduction des femmes a toujours été la
même. Mais leur statut social n'a pas toujours été le statut dégradant d'une
servante domestique soumise au contrôle et à l'autorité de l'homme.
2. Avant le développement de la société de classes, durant la période
historique que les marxistes appellent traditionnellement le communisme
primitif (société de subsistance), la production sociale était organisée de
façon communautaire et ses produits équitablement répartis. C'est pourquoi il
n'y avait alors ni oppression ni exploitation d'un groupe ou d'un sexe par un
autre car les bases matérielles pour de telles relations sociales n'existaient
pas. Les deux sexes participaient à la production sociale, contribuant à
assurer la subsistance et la survie de tous. Le statut social des femmes aussi
bien que des hommes était le reflet du rôle indispensable que les unes et les
autres jouaient dans le processus de production.
3. L'origine de l'oppression des femmes est liée à la transition de la
société pré-classiste à la société de classes. Le processus exact selon lequel
cette transition complexe s'est opérée est un objet permanent de recherches et
de débat, y compris parmi ceux qui souscrivent à une vue matérialiste de
l'histoire. Quoi qu'il en soit, les traits fondamentaux de l'émergence de
l'oppression des femmes sont clairs.
Cette transformation du statut des femmes s'est effectuée en même temps que
la croissance de la productivité du travail basée sur l'agriculture, la
domestication du bétail et la constitution de stocks, que l'apparition de
divisions nouvelles dans le travail, l'artisanat et le commerce, que
l'appropriation privée d'un surproduit social croissant et que le développement
de la possibilité pour certains de prospérer grâce à l'exploitation du travail
des autres.
Dans ces conditions socio-économiques spécifiques, en même temps que
l'exploitation d'êtres humains devenait source de profits pour un petit nombre
de privilégiés, les femmes, à cause de leur rôle biologique dans la
reproduction, devinrent une propriété rentable. Comme les esclaves ou le
bétail, elles étaient source de richesses. Elles seules pouvaient produire de
nouveaux êtres humains dont le travail pourrait être exploité par la suite.
C'est pourquoi l'appropriation des femmes par les hommes qui s'octroyaient
ainsi tous les droits sur leur future progéniture, devint l'une des
institutions économiques et sociales du nouvel ordre basé sur la propriété
privée. Les femmes se virent de plus en plus attribuer le rôle social de
servantes et de productrices d'enfants.
Parallèlement à l'accumulation privée de richesses, la famille patriarcale
se développa comme institution grâce à laquelle la responsabilité des membres
non productifs de la société - et particulièrement des jeunes - était
transférée de la société dans son ensemble à un individu particulier ou à un
petit groupe d'individus. Ce fut la première institution socioéconomique
assurant la perpétuation d'une génération à l'autre de la division de la
société en classes - division entre ceux qui possèdent des richesses et vivent
du travail des autres et ceux qui, ne possédant rien, sont obligés de
travailler pour d'autres afin de pouvoir vivre. La destruction des traditions
égalitaires et communautaires du communisme primitif fut essentielle pour la
naissance d'une classe exploiteuse et accéléra l'accumulation privée des richesses.
C'est là que réside l'origine de la famille patriarcale. En fait le mot
famille lui-même, encore en usage dans les langues d'origine latine
aujourd'hui, vient du mot latin « famulus » qui signifie l'esclave domestique,
et du mot latin « familia » désignant l'ensemble des esclaves appartenant à un
même homme.
Les femmes cessèrent d'avoir un rôle indépendant dans la production
sociale. Leur rôle productif était déterminé par la famille à laquelle elles
appartenaient et par l'homme dont elles dépendaient. Cette dépendance
économique détermina le statut social de second ordre des femmes sur lequel ont
toujours reposé la cohésion et la stabilité de la famille patriarcale. Si les
femmes avaient tout simplement pu prendre leurs enfants et s'en aller, sans que
cela suppose aucun handicap économique ou social, la famille patriarcale
n'aurait pas survécu durant des millénaires.
La famille patriarcale et la soumission des femmes en son sein apparut en
même temps que les autres institutions de la société de classes naissante pour
affermir la nouvelle division en classes et perpétuer l'accumulation privée des
richesses. L' État, avec sa police et son armée, ses lois et ses tribunaux,
renforça ce type de rapports. L'idéologie de la classe dominante, y compris la
religion, naquit sur cette base et joua un rôle vital pour justifier la
dégradation à laquelle était soumis le sexe féminin.
4. La famille est l'institution fondamentale de la société de classes qui
détermine le caractère spécifique de l'oppression des femmes en tant que sexe
et la maintient.
A travers l'histoire de la société de classes l'institution familiale a
prouvé sa valeur comme institution de la domination de classe. La forme de la
famille a évolué et s'est adaptée aux besoins changeants des classes dominantes
au fur et à mesure que les modes de production et les formes prises par la
propriété privée évoluaient dans les diverses étapes du développement social.
L'institution familiale dans le mode de production esclavagiste classique était
différente de l'institution familiale sous le mode de production féodal (il n'y
avait pas vraiment de famille chez les esclaves). Toutes deux différaient de ce
que l'on appelle « la famille nucléaire » urbaine d'aujourd'hui.
De plus, l'institution familiale répond dans le même temps, à des exigences
sociales et économiques différentes selon les classes qui ont des rôles
différents dans la production, des droits de propriété différents, et dont les
intérêts sont diamétralement opposés. Par exemple la « famille » du serf et la
«r famille » du noble étaient des formations socio-économiques fort
différentes. Cependant elles faisaient partie l'une et l'autre de l'institution
familiale, institution de la société de classes qui a joué un rôle
indispensable à chaque étape de son évolution historique.
Dans la société de classes, la famille est le seul lieu vers lequel la
plupart des gens puissent se tourner pour tenter de satisfaire un certain
nombre de besoins humains fondamentaux tels que l'amour ou la vie commune.
Aussi pauvrement que la famille puisse satisfaire ces besoins pour beaucoup
d'entre eux, il n'y aura pas d'alternative tant qu'existera la propriété
privée. La désintégration de la famille sous le capitalisme entraîne beaucoup
de souffrance et de misère précisément parce qu'il ne peut y avoir aucune forme
supérieure de relations humaines dans ce système.
Mais procurer affection et vie commune n'est pas ce qui définit la nature
de l'institution familiale. C'est une institution économique et sociale dont
tes fonctions peuvent être résumées comme suit
a) La famille est le mécanisme de base par lequel las classes dominantes se
débarrassent de la responsabilité sociale de l'entretien économique de ceux
dont allas exploitent la force de travail - la majorité du genre humain. La classe
dominante tenta, dans la mesure du possible, de rendre chaque famille
responsable d'elle-même, institutionnalisant ainsi la répartition inégale des
revenus et des richesses.
b) L'institution familiale fournit le moyen de transmettre les richesses d'une
génération à l'autre. C'est le mécanisme social fondamental pour la
perpétuation de la division de la société en classas.
c) Pour la classe dominante, l'institution familiale représente le
mécanisme da reproduction da la force da travail le moins cher et la plus
acceptable idéologiquement : rendre la famille responsable de la prise an charge des jeunes, cela revient à
réduire au maximum la part de richesses sociales - devenues propriété privée -
consacrées à la reproduction des classes laborieuses. Bien plus, le fait que
chaque famille, isolément, lutte pour assurer la survie des siens, empêche les
plus exploités et les plus opprimés da s'unir dans une action commune.
d) L'institution familiale renforce la division sociale du travail au sein
da laquelle les femmes sont fondamentalement définies par leur rôle da
génitrices, et se voient assigner des tâchas en liaison directe avec cette
fonction da reproduction : s'occuper des autres membres de la famille. Ainsi
l'institution familiale repose sur, et renforce, une division sociale du
travail où les femmes sont soumises au joug domestique et à la dépendance
économique.
e) L'institution familiale est une institution répressive et conservatrice
qui reproduit en son sein les rapports hiérarchiques et autoritaires
nécessaires au maintien de la société da classes dans son ensemble. Elle
entretien las attitudes possessives, compétitives et agressives nécessaires à
la perpétuation de la division en classes.
Elle façonne le comportement et le caractère des enfants depuis leur plus
jeune âge jusqu'à l'adolescence. Elle les modèle, les discipline, les
embrigade, leur apprenant la soumission à l'autorité établie. Elle brise les
rébellions et les impulsions anticonformistes. Elle réprime et dévie toute
sexualité, la canalisant dans des comportements sexuels masculins ou féminins
socialement acceptables, qui correspondent à ses objectifs en matière de
reproduction ainsi qu'en ce qui concerne le rôle socio-économique des hommes et
des femmes. Elle inculque toutes les valeurs sociales et les normes de
comportement que les individus doivent assimiler pour survivre dans la société
de classes et se soumettre à sa domination. Elle dévoie toutes les relations
humaines en leur imposant le .cadre de la contrainte économique, de la dépendance
individuelle et de la répression sexuelle.
5. Sous le capitalisme, comme durant les autres périodes historiques,
l'institution familiale a évolué. Mais elle demeure une institution
indispensable de la société de classes, remplissant toutes les fonctions
économiques et sociales esquissées plus haut.
Dans la bourgeoisie, la famille assure la transmission de la propriété
privée d'une génération à l'autre. Les mariages procurent souvent des alliances
profitables ou la fusion de capitaux importants, tout particulièrement dans les
premiers stades de l'accumulation du capital.
Dans la petite bourgeoisie traditionnelle, chez les paysans, les artisans
ou les petits commerçants, la famille est également une unité de production,
basée sur le travail de ses membres.
Dans la classe ouvrière, bien qu'elle procure un minimum de protection
mutuelle à sas membres, la famille est, au vrai sens du terme, une institution
de classe étrangère à la classa ouvrière, une institution imposée au
prolétariat qui sert les intérêts économiques de la bourgeoisie non ceux des
travailleurs. Néanmoins, depuis leur enfance, les travailleurs sont
conditionnés à la considérer (de même qua le salariat, la propriété privée ou
l'État), comme la plus naturelle et la plus durable des relations humaines.
a) Avec l'avènement du capitalisme et la croissance de la classe ouvrière,
l'unité familiale parmi las travailleurs cesse d'être une unité
petite-bourgeoise de production, bien qu'elle demeure l'unité de base où sont
assurés l'entretien et la reproduction da la force de travail. .
Chaque membre de la famille vend individuellement sa force da travail sur
le marché. Le lien économique fondamental qui maintenait auparavant la famille
dans les couches dominées et exploitées - par exemple, le fait qu'il fallait
travailler ensemble pour survivra -- commence à se dissoudra. Les femmes étant
entraînées sur le marché du travail, elles acquièrent un minimum d'indépendance
économique pour la première fois depuis l'apparition de la société de classes. Ca
qui tend à miner, chez elles, l'acceptation da leur soumission dans la cadra
domestique. En conséquence, c'est l'institution familiale elle-même qui se voit
mise an causa.
b) De fait il y a contradiction antre l'intégration croissante des femmes
au marché du travail et la survivance da la famille. Lorsque les femmes
acquièrent une plus grande indépendance sur le plan économique et plus
d'égalité, l'institution familiale commence à se désintégrer. Mais la famille
est un pilier indispensable de la société de classa. Son maintien est essentiel
à la survivance du capitalisme.
c) Le nombre croissant de femmes sur le marché du travail crée de profondes
contradictions pour la classe dominante tout particulièrement pendant las
périodes d'expansion accélérée. Le patronat doit employer davantage de femmes
pour profiter da leur surexploitation. Mais l'emploi des femmes lui ôte la
possibilité de perpétuer le système selon lequel les femmes sont responsables
de l'essentiel du travail domestique gratuit qui consiste à s'occuper des
enfants. Ainsi l'État doit-il suppléer partiellement à la famille, en assurant
certaines fonctions socio-économiques qui étaient les siennes auparavant comme
l'éducation et la garde des enfants.
Mais ces services sociaux coûtent plus cher que le travail domestique des
femmes qui, lui, est gratuit. Ils absorbent une partie de la plus-value
qu'autrement les détenteurs du capital se seraient appropriée. Ils diminuent
leurs profits. Bien plus, des services sociaux de cette sorte renforcent l'idée
que c'est la société et non la famille qui devrait être responsable de ses
membres improductifs. Ils font naître de nouvelles aspirations dans la classe
ouvrière.
d) Le travail domestique effectué gratuitement par les femmes - cuisine,
nettoyage, lessive, soins des, enfants - joue un rôle économique spécifique
dans le système capitaliste. Ce travail domestique est un élément nécessaire de
la reproduction de la force de travail vendue aux capitalistes (qu'il s'agisse
de la force de travail de la femme, de son mari, de ses enfants ou de n'importe
quel membre de la famille).
Toutes choses égales, si la femme n'effectuait pas de travail gratuit dans
les familles prolétariennes, cela impliquerait une élévation du niveau général
des salaires. Les salaires réels devraient être assez élevés pour permettre
d'acheter les biens et les services qui, à l'heure actuelle, sont produits eu
sein de la famille. (Bien sûr, le niveau de vie général nécessaire pour la
reproduction de la force de travail est une donnée déterminée historiquement dans
chaque pays et pour chaque période. Il ne peut être réduit brutalement en
l'absence d'une défaite écrasante de la classe ouvrière.) En conséquence, toute
réduction générale du travail domestique effectué gratuitement par les femmes
impliquerait une réduction de la masse globale des profits, modifiant
l'équilibre entre profits et salaires en faveur du prolétariat.
Quelle que soit son utilité, le travail domestique effectué par une- femme
ne produit pas de -biens d'échange pour le marché ; il ne produit donc ni
valeur ni plus-value, pas plus qu'il ne s'insère directement dans le processus
d'exploitation capitaliste. En termes de valeur, le travail domestique effectué
gratuitement au sein de la famille affecte le taux de ta plus-value. Il augmente
indirectement la masse totale de la plus-value sociale. Et ceci est vrai, que
ce travail soit effectué par les femmes ou qu'il soit partagé par les hommes.
C'est la classe capitaliste (non les hommes en général, et certainement pas
les salariés masculins), qui profite du travail gratuit effectué par les femmes
au sein du foyer. Cette "exploitation" de la famille prolétarienne,
dont le poids repose avant tout sur les femmes, ne peut être éliminée qu'avec
le renversement du capitalisme et avec la socialisation des tâches domestiques
dans le cadre du processus de la construction de la société socialiste.
e) Le rôle indispensable de la famille et le dilemme que crée pour les
capitalistes l'augmentation de l'emploi des femmes deviennent des plus clairs
en période de crise économique. La classe dominante a alors deux objectifs
essentiels
• elle doit chasser du marché du travail un nombre important de femmes pour
recréer une réserve de main d'oeuvre et imposer un abaissement du niveau
salarial.
• elle doit diminuer les coûts croissants des services sociaux fournis par
l'État et retransférer le poids économique et la responsabilité de ces services
sur chaque famille ouvrière prise individuellement.
Pour réaliser à la fois ces deux objectifs les capitalistes doivent lancer
une offensive idéologique contre l'idée de l'égalité et de l'indépendance des
femmes et renforcer la responsabilité de la famille individuelle à l'égard de
ses propres enfants, de ses vieillards et de ses malades. Ils doivent renforcer
l'image de la famille comme seule forme « naturelle » des relations
humaines et convaincre les femmes qui avaient commencé à se rebeller contre
leur statut subalterne que le vrai bonheur ne peut leur venir qu'en remplissant
leur rôle « naturel » essentiel d'épouse-mère-ménagère. A leur grand
dépit, les capitalistes commencent à découvrir que malgré leurs cris à propos
de ta crise et de l'austérité qui s'impose, plus les femmes sont intégrées au
monde du travail et plus il est difficile de les renvoyer eu foyer en nombre suffisant,
f) Lors des premiers stades de l'industrialisation capitaliste,
l'exploitation, non réglementée, débris et brutale des femmes et des enfants va
souvent jus qu'à ébranler sérieusement la structure familiale dans la classe
ouvrière et menace son utilité en tant que système permettant d'organiser, de
contrôler et de reproduire la force de travail. C'était sur cette tendance que
Marx et Engels avaient attiré l'attention dans la Grande-Bretagne du 190
siècle, lis prédisaient la disparition rapide de la famille dans la classe
ouvrière. Ils avaient raison quant aux fondements de leur analyse et de leur
compréhension du rôle de la famille en système capitaliste, mais ils ont
sous-estimé la capacité latente du capitalisme à ralentir le rythme de
développement de ses contradictions internes. Ils ont sous-estimé la capacité
de la classe dominante à intervenir pour réglementer l'emploi des femmes et des
enfants et renforcer la famille afin de préserver le, système capitaliste
lui-même. Sous la forte pression exercée par le mouvement ouvrier pour atténuer
l'exploitation brutale des femmes et des enfants, l'Etat est intervenu en
fonction des intérêts à long terme de la classe dominante, allant même à
l'encontre de l'objectif de cheque capitaliste pris individuellement : à
savoir, pomper, 16 heures par jour, chaque goutte de sang de chaque
travailleur, et les laisser mourir à 30 ans.
g) Les politiciens capitalistes, responsables de l'élaboration de
politiques destinées è protéger et à défendre les intérêts de la classe
dominante,- sont très conscients du caractère indispensable du rôle économique,
social et politique de la famille et de la nécessité de la conserver comme
structure sociale de base du capitalisme. « La défense de la famille »,
ce n'est pas seulement un slogan démagogique de l'extrême-droite. Le maintien
de l'institution familiale est l'orientation politique fondamentale de tout
Etat capitaliste, dictée par les nécessités sociales et économiques du
capitalisme lui-même.
6. Sous le capitalisme, l'institution familiale fournit aussi le mécanisme
nécessaire à la surexploitation des femmes en tant que travailleuses.
a) Il procure au capitalisme une réserve de main d'œuvre exceptionnellement
souple, qui peut être lancée sur le marché du travail ou renvoyée eu foyer avec
beaucoup moins de conséquences sociales que n'importe quelle autre composante
de l'armée de réserve.
Parce que toute la superstructure idéologique renforce la fiction selon
laquelle la place des femmes est à la maison, un haut niveau de chômage parmi
tes femmes a relativement moins de conséquences sur le plan des mobilisations
sociales. Après tout, dit-on, les femmes ne travaillent que pour apporter un
appoint, aux revenus déjà existants d'une famille. Quand elles n'ont pas
d'emploi, elles sont tout de même occupées par les tâches domestiques et ne
sont donc pas « sans travail » de manière aussi évidente. Souvent, leur
colère et leur ressentiment ne peuvent se traduire par une menace sociale
réelle vu leur isolement et leur atomisation de femmes au foyer, séparées les
unes des autres. C'est pourquoi, dans lés périodes de crise économique, les
mesures d'austérité prises par la classe dominante impliquent toujours des
attaques contre le droit des femmes au travail, se traduisent par des pressions
accrues pour que les femmes acceptent des emplois à temps partiel, des
allocations pour s ménagères » et la réduction des services sociaux tels que
les crèches.
b) Parce que la place « naturelle » des femmes est supposée être au foyer,
le capitalisme dispose d'explications rationnelles très largement admises pour
perpétuer;
1. l'emploi des femmes dans des travaux peu payés et non qualifiés. « Cela
ne vaut pas la peine de les former puisqu'ensuite elles tombent enceintes, se
marient et s'en vont. » ;
2. l'inégalité et le bas niveau des salaires. « Elles ne travaillent de
toute façon que pour s'acheter des gadgets et des fanfreluches. »
3. de profondes divisions au sein de la classe ouvrière elle-même : « Elle
prend le travail d'un homme. » ;
4. le fait qu'en proportion, peu de femmes travailleuses font partie des
syndicats ou des autres organisations ouvrières. « Elle ne devrait pas
courir partout à des réunions, Sa place est à la maison pour s'occuper des
gosses. » ;
c) Puisque tout le système salarial est structuré à partir des salaires les
moins élevés, cette surexploitation des femmes, comme main-d’œuvre de réserve,
joue un rôle irremplaçable pour maintenir le bas niveau des salaires des
hommes;.
d) La soumission des femmes au sein de l'institution familiale fournit les
bases économiques, sociales et idéologiques qui rendent possible leur
surexploitation. Les travailleuses sont exploitées non seulement en tant que
force de travail salariée, mais aussi en tant que parias de la main-d’œuvre en
raison de leur sexe.
7. Parce que l'oppression des femmes est historiquement liée à la division
de la société en classes et au rôle de la famille comme unité de base de la
société de classes, cette oppression ne pourra être supprimée qu'avec
l'abolition de la propriété privée des moyens de production. Aujourd'hui, c'est
le caractère de classe de ces rapports de production - et non les capacités
productives de l'humanité - qui constitue l'obstacle à ce que les fonctions
économiques et sociales attribuées à la famille sous le capitalisme ne soient
transférées à la société dans son ensemble.
8. L'analyse matérialiste des origines historiques et des racines
économiques de l'oppression des femmes est essentielle pour avancer un
programme et des perspectives capables d'imposer la libération des femmes.
Rejeter cette explication scientifique conduit inévitablement à l'une des deux
erreurs suivantes
a) L'une de ces erreurs, faite par beaucoup de ceux qui affirment suivre la
méthode marxiste, consiste à refuser, ou tout au moins à minimiser l'existence
de l'oppression des femmes en tant que sexe tout au long de l'histoire de la
société de classes. Ils considèrent que l'oppression des femmes n'est qu'un
aspect pur et simple de l'exploitation de la classe ouvrière. De ce point de vue
ils n'accordent de poids et d'importance qu'aux luttes que les femmes mènent en
tant que travailleuses sur leur lieu de travail. Ils pensent que les femmes
seront libérées, au passage, par la révolution socialiste et qu'ainsi elles
n'ont aucun besoin de s'organiser en tant que femmes luttant pour leurs propres
revendications. En niant la nécessité pour les femmes de s'organiser pour
lutter contre leur oppression, ils ne font que renforcer les divisions au sein
de la classe ouvrière et retardent le développement de la conscience de classe
parmi les femmes qui commencent à se révolter contre leur statut d'infériorité.
b) Une erreur symétrique est commise par celles et ceux qui estiment que la
domination des hommes sur les femmes existait avant l'émergence de la société
de classes et qu'elle se concrétisait à travers la division sexuelle du
travail. Ainsi l'oppression patriarcale devrait-elle être expliquée autrement
que par le développement de la propriété privée et de la société de classes. Le
patriarcat est conçu comme un système de relations oppressives parallèle aux
rapports de classes, mais indépendant d'eux.
Les courants qui ont développé ce point de vue de façon systématique
isolent en général la question du rôle des femmes dans la reproduction et concentrent
leur analyse sur ce seul point. Ils ignorent largement la primauté du travail
coopératif, essence de la société humaine, et accordent peu d'importance à la
place des femmes dans le processus de production à chaque étape historique.
Certains vont même jusqu'à théoriser l'existence d'un mode patriarcal de
reproduction, atemporel, basé sur le contrôle des hommes sur les moyens de
reproduction (les femmes). Ils mettent souvent en avant des explications
psychanalytiques, qui tombent dans un idéalisme a-historique, situant dans la
biologie ou la psychologie les racines de l'oppression, et tournant ainsi le
dos à toute conception marxiste des rapports sociaux.
Ce courant, parfois organisé sous le nom de s féministes radicales »,
regroupe à la fois des antimarxistes déclarées et d'autres femmes considérant
qu'elles proposent une «redéfinition féministe du marxisme ». Mais l'idée que
l'oppression des femmes est parallèle au développement de la société de
classes, et non qu'elle s'enracine dans l'émergence de celui-ci, conduit les
plus cohérentes à affirmer la nécessité d'un parti politique de femmes basé sur
un programme « féministe » qui se veut indépendant de la lutte des classes.
Elles sont hostiles et rejettent la nécessité pour les hommes et les femmes
de s'organiser ensemble sur la base d'un programme révolutionnaire de la classe
ouvrière pour mettre fin tout à la fois à l'exploitation de classe et à
l'oppression sexuelle. Elles ne voient pas la nécessité de s'allier dans la
lutte avec les autres couches opprimées et exploitées.
Chacune de ces approches unilatérales nie la dynamique révolutionnaire de
la lutte pour la libération des femmes, partie prenante de la lutte des
classes.
Aucune des deux ne réussit à comprendre que la lutte de libération des
femmes, pour triompher, devra dépasser les limites des rapports de propriété
capitalistes. Chacune rejette ce que cela implique pour' la classe ouvrière et
pour sa direction marxiste-révolutionnaire.
LES RACINES
DE LA NOUVELLE RADICALISATION DES FEMMES
1. L'actuel mouvement de libération des femmes est l'héritier des premières
luttes de femmes à la fin du siècle dernier.
Avec la consolidation de l'industrie capitaliste, au cours du 19° siècle,
les femmes ont été intégrées au marché du travail en nombre croissant. L'écart
entre le statut social et légal des femmes, hérité du féodalisme, et leur
nouveau statut économique de travailleuses salariées vendant leur force de
travail sur le marché, a produit des contradictions criantes. Pour les femmes
de la classe dominante aussi, le capitalisme a ouvert la porte de
l'indépendance économique. De ces contradictions est née la première vague de
lutte de femmes pour l'égalité totale des droits avec les hommes.
Différents courants politiques prenaient part à cette lutte pour les droits
des femmes. Beaucoup des dirigeantes suffragettes croyaient remporter le droit
de vote en montrant à la classe dominante qu'elles apportaient un soutien loyal
au système capitaliste. Certaines liaient la lutte des suffragettes au soutien
à la Première Guerre mondiale impérialiste et s'opposaient souvent au droit de
vote pour les non-possédants, hommes et femmes, immigrés -et noirs.
Mais il existait aussi dans un certain nombre de pays un fort courant de
femmes socialistes pour qui le combat pour les droits des femmes était partie
prenante de la lutte de la classe ouvrière et qui mobilisèrent les hommes et
les femmes de la classe ouvrière sur cette base. Elles se battaient pour le
droit de vote et jouèrent un rôle décisif dans cette lutte dans des pays comme
les USA. Elles se battaient également pour d'autres revendications comme
l'égalité de salaire et la contraception. Même certains pays semi-coloniaux
tels que le Chili, l'Argentine et le Mexique ont vu l'émergence de groupes
féministes durant la même période.
Grâce à cette lutte, les femmes des pays capitalistes les plus avancés
remportèrent, à des degrés divers, plusieurs droits démocratiques importants :
le droit à l'enseignement supérieur, le droit de faire du commerce et d'exercer
des professions libérales, le droit de percevoir leur propre salaire et d'en
disposer (qui était considéré jusque-là comme le droit du mari ou du père), le
droit d'être propriétaires, le droit au divorce, le droit de participer à des
organisations politiques. Dans plusieurs pays, cette première révolte culmina
dans des luttes de masse pour le droit de vote.
2. Le vote des femmes, conquis juste après ou parfois en même temps que le
suffrage universel pour les hommes, fut un acquis objectif important pour la
classe ouvrière. Il reflétait, et contribuait en retour à faire progresser les
transformations qui s'opéraient dans le statut social des femmes. Pour la
première fois dans la société de classes, les femmes étaient considérées comme
des citoyennes légalement aptes à participer aux affaires publiques, avec le
droit de s'exprimer sur les problèmes politiques majeurs, et non plus seulement
sur des questions d'ordre privé et domestique.
Même si la raison fondamentale du statut subalterne des femmes réside dans
les racines mêmes de la société de classes et dans le rôle particulier des
femmes au sein de la famille, et non dans le fait que formellement la loi leur
refuse l'égalité, l'extension des droits démocratiques aux femmes leur donna
des marges d'action plus importantes, et elle aida les générations suivantes à
comprendre que la source de l'oppression des femmes était plus profonde.
3. Les racines de la nouvelle radicalisation des femmes sont à rechercher
dans les bouleversements économiques et sociaux de d'après-Seconde Guerre
mondiale qui ont engendré de profondes contradictions dans l'économie
capitaliste, dans le statut des femmes et dans la famille patriarcale. A des
degrés divers, les mêmes facteurs ont joué dans tous les pays liés au marché
capitaliste mondial. Mais il n'est pas surprenant que la résurgence du
mouvement actuel des femmes ait d'abord eu lieu dans les pays capitalistes les
plus avancés - tels les États-Unis, le Canada et la Grande-Bretagne - où ces
transformations et contradictions étaient les plus profondes.
a) Les progrès de la médecine et de la technologie dans le domaine de la
contraception et de l'avortement ont créé les moyens grâce auxquels les femmes
peuvent avoir un contrôle plus grand sur leurs fonctions reproductrices. Le
contrôle des femmes sur leur propre corps est une précondition à la libération
des femmes.
Alors que de tels moyens médicaux deviennent plus facilement accessibles,
les lois réactionnaires, renforcées par les coutumes bourgeoises, la bigoterie
et toute la superstructure idéologique de la société de classes font souvent
obstacle au contrôle par les femmes de leur reproduction. Des barrières
financières, légales, psychologiques et « morales » sont forgées pour
tenter d'empêcher les femmes de décider si et quand elles veulent avoir des
enfants. En outre, la recherche de profits inhérente au système capitaliste, de
même que le mépris sexiste en ce qui concerne la vie des femmes impliquent,
pour celles qui usent de moyens contraceptifs, de prendre continuellement des
risques sur le plan de leur santé.
Cette contradiction entre ce qui est possible et ce qui existé réellement,
concerne toutes les femmes. Elle a été à l'origine des luttes massives pour le
droit à l'avortement, qui ont été au centre du mouvement des femmes à l'échelle
internationale.
b) Le a boom » économique prolongé de l'expansion d'après-guerre a provoqué
un accroissement très important du pourcentage de femmes sur le marché du
travail. Pour prendre l'exemple des États-Unis, 33,9 % de l'ensemble des femmes
âgées de 18 à 64 ans faisaient partie de la main-d’œuvre en 1950. En 1975 ce
pourcentage atteignait 54 %. Entre 1960 et 1975, près des 2/3 des emplois
nouvellement créés furent occupés par des femmes. Les femmes travailleuses
représentaient 29,1 % de la population active en 1950, 43 % en 1978.
Fait également important, le pourcentage de femmes travailleuses avec des
enfants a augmenté massivement ainsi que le pourcentage de femmes travailleuses
chefs de famille.
En Espagne trois fois plus de femmes qu'en 1930 travaillent aujourd'hui. En
Angleterre de 1881 à 1951, la proportion de femmes qui travaillaient était
restée assez stable, aux environs de 25-27 %. En 1965, 34 % des femmes de 16 à
64 ans travaillaient à plein temps, 17,9 % à temps partiel, et en tout 54,3 %
entraient dans la catégorie des « économiquement actives ». Près de 2/3 des
femmes travailleuses étaient mariées.
Seuls les pays qui avaient encore un fort pourcentage de population
agricole après la Seconde Guerre mondiale ont connu une baisse de l'emploi
féminin durant cette période. Ceci est dû au fait qu'avec l'exode rural,
beaucoup de femmes n'ont pas retrouvé de place dans la « population active ».
En Italie, par exemple, où ce facteur s'est combiné à un développement massif
du chômage dans les petites entreprises du secteur « typiquement féminin », le
pourcentage de femmes au travail a décliné.
Dans des régions très retardées comme l'Italie du sud ou le nord du
Portugal, ce recul s'est combiné avec la résurgence du travail à domicile à une
échelle significative. Les femmes sont poussées à faire à domicile un travail à
la pièce sur leurs machines à coudre, évitant ainsi aux patrons les frais
d'entretien d'une usine, le paiement des cotisations sociales, les grèves et
autres «problèmes» liés à l'existence d'une force de travail organisée.
Tandis que se produisait un afflux des femmes sur le marché du travail, le
degré de discrimination vis-à-vis des femmes sur le plan salarial ne s'est pas
modifié. Dans de nombreux pays, la différence entre salaires masculins et
féminins est en fait en train d'augmenter.
La première raison, c'est que l'accroissement de l'emploi ne s'est pas
effectué dans toutes les catégories d'emploi. Dans presque tous les pays, les
femmes représentent 70 ou 90 % des salariés dans l'industrie textile, celle des
chaussures, du prêt-à-porter, du tabac et autres industries légères où les
salaires sont les plus bas.
Les femmes forment également plus de 70 % des salariés des services, où la
grande majorité d'entre elles occupent les postes les moins rémunérés
secrétaires, employées de bureau, infirmières, institutrices, perforeuses, etc.
La discrimination dans les secteurs de l'emploi, -exacerbée par le fait
que, pour le même travail, le salaire des femmes est souvent moindre - est la
raison fondamentale pour laquelle, même dans les pays où le mouvement ouvrier a
le plus lutté sur cette question, le salaire moyen des femmes dépasse rarement
75 % du salaire moyen des hommes. Cela explique aussi pourquoi cette différence
peut même augmenter avec l'entrée massive des femmes dans les secteurs de
l'économie où les salaires sont les plus bas. C'est le cas aux USA, où le
revenu moyen des femmes travaillant toute l'année à plein temps, représentait
64 % de celui des hommes en 1955, mais où il est tombé à 59 % en 1977.
En dépit de leur place grandissante dans la population active, les femmes
sont encore obligées d'assumer la majorité, si ce n'est la totalité des tâches
domestiques en plus de leur travail salarié. En conséquence, elles cessent
souvent de travailler temporairement quand elles ont des enfants, en
particulier quand elles sont contraintes à faire de nombreuses heures de
travail supplémentaire, et elles ont du mal à retrouver du travail plus tard.
Si elles continuent à travailler, elles sont obligées de rester à la maison
quand un enfant est malade.
Cette situation a conduit à un accroissement du travail à temps partiel des
femmes - soit parce qu'elles ne peuvent trouver un emploi à plein temps, soit
parce qu'elles ne peuvent autrement faire face à leurs tâches domestiques. Mais
le travail à temps partiel correspond toujours aux salaires les plus bas, à une
sécurité d'emploi moindre, à des avantages sociaux inférieurs, et implique plus
de difficulté à se syndiquer.
Le pourcentage croissant des femmes dans la main-d’œuvre a eu un impact
important sur l'attitude de leurs compagnons de travail. C'est vrai tout
particulièrement là où les femmes ont commencé à se battre pour obtenir des
emplois dans les secteurs industriels de base dont les femmes étaient exclues
jusqu'ici.
Mais les femmes travailleuses continuent à se heurter à de nombreuses
formes de discriminations et d'agressions sexistes, provoquées, organisées et
maintenues par les patrons. Souvent, leurs Compagnons de travail n'en ont pas
conscience et ils font parfois preuve du même type d'attitude réactionnaire. Et
la bureaucratie syndicale s'oppose à ce que le pouvoir des syndicats serve de
levier pour surmonter les obstacles spécifiques auxquels les femmes sont
confrontées, tels que le refus de leur accorder des congés payés en cas de
maternité, les conditions de travail qui sont doublement dangereuses pour les
femmes enceintes, ou les agressions des petits chefs et des contremaîtres qui
usent de la place qu'ils occupent pour tenter de contraindre les femmes à avoir
des relations sexuelles avec eux.
c) L'élévation du niveau moyen d'études des femmes a contribué à augmenter
ces contradictions. Avec l'accroissement de la productivité du travail et
l'élévation du niveau culturel général de la classe ouvrière, plus nombreuses
sont les femmes qui finissent leur éducation secondaire. Les femmes sont
admises dans les instituts d'enseignement supérieur à une échelle beaucoup plus
large qu'auparavant.
Mais, comme le révèlent les statistiques, le pourcentage de femmes occupant
un emploi en rapport avec leur niveau d'études est resté très bas. Dans tous
les secteurs du marché du travail, de l'industrie aux professions libérales,
les femmes qui ont des qualifications professionnelles plus élevées sont dépassées
par des hommes qui ont fait moins d'études. Bien plus, durant toutes les études
primaires et secondaires, on continue à pousser les filles - grâce aux filières
d'études obligatoires, ou à partir de pressions plus indirectes - dans les
emplois considérés comme correspondant au rôle des femmes.
Comme les femmes font davantage d'études, et que les luttes sociales
augmentent leurs aspirations individuelles, le fardeau des tâches domestiques -
étouffant et mortel pour l'esprit - ainsi que les contraintes de la vie
familiale, leur deviennent de plus en plus insupportables. Ainsi le niveau
d'études plus élevé des femmes, combiné à l'intensification de la lutte des
classes, a approfondi la contradiction entre les capacités dont les femmes ont
fait la preuve, leurs aspirations plus larges, et leur statut actuel sur le
plan économique et social.
d) Les fonctions de la famille dans la société capitaliste avancée n'ont
cessé de se restreindre, correspondant de moins en moins à une unité de petite
production - soit agricole soit domestique (conserves, tissage, fabrication des
vêtements, du pain, etc.). La famille nucléaire urbaine d'aujourd'hui a peu de
choses à voir avec la famille paysanne productrice des siècles précédents. En
même temps, dans leur recherche du profit, les industries capitalistes des
biens de consommation et la publicité visent à augmenter l'atomisation et la
répétition du travail domestique pour vendre à chaque famille sa propre machine
à laver ou à sécher le linge, son lave-vaisselle, son aspirateur, etc.
Avec l'élévation du niveau de vie, le nombre moyen d'enfants par famille
diminue énormément. La nourriture préparée industriellement, ainsi que d'autres
services, deviennent de plus en plus accessibles. Pourtant, en dépit des
progrès de la technologie, des études faites dans plusieurs pays capitalistes
avancés montrent que les femmes qui ont plus d'un enfant et un emploi à plein
temps doivent travailler de 80 à 100 heures par semaine - davantage qu'en 1926
et 1952 où des études semblables avaient été faites. Les appareils facilitent
certains travaux ménagers mais la diminution de la taille moyenne de la famille
fait que les femmes peuvent moins souvent qu'auparavant demander de l'aide aux
grands-parents, tantes ou soeurs.
Avec tous ces changements, les fondements objectifs du confinement des
femmes à la maison sont de moins en moins contraignants. Cependant, les
intérêts de la classe dominante exigent le maintien de l'institution familiale.
L'idéologie bourgeoise et le conditionnement social continuent à renforcer la
fiction réactionnaire selon laquelle l'identité d'une femme et sa pleine
réalisation doivent lui venir de son rôle d'épouse, de mère et de ménagère. La
contradiction entre la réalité et le mythe devient de plus en plus évidente et
de plus en plus intolérable pour un nombre croissant de femmes.
A propos de cet état de fait, on parle souvent de « crise de la
famille », crise qui s'exprime au travers de l'augmentation énorme du taux
de divorces, du nombre d'enfants qui fuguent, de la violence domestique.
4. L'extension des droits démocratiques et des services sociaux n'a pas «
satisfait » les femmes et ne les a pas non plus poussées à accepter passivement
leur statut social inférieur et leur dépendance économique. Au contraire, cela
a stimulé de nouvelles luttes et des revendications plus élevées.
Ce furent en général les femmes jeunes, qui avaient reçu un enseignement
secondaire, des femmes qui jouissaient d'une relative liberté de choix et qui
avaient été les plus touchées par la radicalisation de la jeunesse dans les
années 1960 qui, les premières, permirent l'expression organisée des « griefs »
des femmes. Cela a conduit certains, qui se disent marxistes, à conclure que le
mouvement de libération des femmes est fondamentalement un mouvement de protestation
des couches moyennes ou de la bourgeoisie, et qu'il n'a aucun intérêt pour les
révolutionnaires ou pour la masse des femmes de la classe ouvrière. Ils ne
pouvaient pas se tromper davantage.
Le tout premier développement du mouvement de libération -des femmes a
surtout servi à souligner la profondeur et l'étendue de l'oppression des
femmes. Même des femmes, qui avaient de nombreux privilèges en matière
d'éducation ou en d'autres domaines, sont entrées et continuent à entrer en
action. Les plus opprimées et les plus exploitées ne sont pas nécessairement
les premières à exprimer leur mécontentement.
5. La tendance des pays capitalistes les plus avancés à restreindre les
dépenses sociales a contribué à la croissance du mouvement de libération des femmes
ces dernières années, entraînant une participation toujours plus grande en son
sein de femmes de la classe ouvrière. Après la Seconde Guerre mondiale, dans un
contexte où la classe ouvrière exigeait la prise en charge croissante par
l'État des services sociaux, la bourgeoisie, surtout en Europe, fut obligée
d'étendre les facilités de logement, les services de santé, et les allocations
familiales. Plus tard, comme le boom des années 1950-60 augmentait les besoins
en main-d’œuvre féminine, les systèmes de garde d'enfants, les garderies, etc.,
furent développés pour pousser les femmes à prendre un emploi.
Aujourd'hui, face aux difficultés économiques croissantes, la bourgeoisie
effectue des coupes claires dans les dépenses sociales, et tente en retour d'obliger
la famille à en supporter le fardeau, avec toutes les conséquences que cela a
pour les femmes. Mais la résistance des femmes à se voir arracher les places
qu'elles ont récemment acquises sur le plan du travail et l'opposition dont
elles font preuve face à la suppression des services sociaux, tels que les
fermetures de crèches, crée d'épineux problèmes de façon inattendue pour les
classes dirigeantes dans de nombreux pays. Ayant acquis une conscience
féministe grandissante, les femmes sont plus combatives et acceptent moins que
jamais d'avoir à supporter la part la plus importante des conséquences de
l'actuelle crise économique.
6. Bien que la radicalisation des femmes ait sa propre dynamique
indépendante, déterminée par le caractère spécifique de l'oppression des femmes
et les transformations objectives décrites plus haut, elle n'est pas isolée de
la montée plus générale de la lutte des classes. Certes, elle n'est pas
directement dépendante d'autres forces sociales, subordonnées à leur direction,
ou soumise à leur initiative. Mais en même temps, le mouvement des femmes a
été, et demeure, profondément lié à la montée des autres luttes sociales qui,
tout comme lui, ont influencé la conscience de l'ensemble de la classe
ouvrière.
a) Dès le départ, la nouvelle montée des luttes de femmes fut fortement
marquée par la radicalisation internationale de la jeunesse, par la crise des
valeurs bourgeoises et des institutions qui l'ont accompagnée. En effet, les
jeunes - hommes et femmes - se mirent à contester la religion ; à refuser le
patriotisme ; à mettre en question toute forme d'autorité hiérarchique, que ce
soit au sein de la famille, à l'école, à l'usine ou à l'armée, à rejeter le
caractère inéluctable d'une vie entièrement consacrée à un travail aliéné. Les jeunes
qui se radicalisaient se mirent à exprimer leur refus de la répression
sexuelle, à mettre en cause la morale traditionnelle qui tire un trait
d'égalité entre sexualité et reproduction. Pour les femmes, cela entraîna la
contestation de l'éducation traditionnelle voulant qu'elles soient passives sur
le plan sexuel, sentimentales, craintives et timides. De manière massive, les
jeunes, y compris les femmes, devinrent plus conscients de leur misère
sexuelle, recherchant des formes plus épanouissantes de relations affectives et
personnelles.
b) L'un des facteurs qui a contribué à la radicalisation internationale de
la jeunesse, c'est le rôle qu'ont joué les luttes de libération des nations et
des minorités opprimées, aussi bien dans le monde colonial que dans les pays
capitalistes avancés. De plus, ces dernières ont eu un impact décisif dans la
prise de conscience concernant l'oppression des femmes en général. La lutte des
Noirs aux États-Unis, par exemple, a joué un rôle crucial pour la compréhension
massive et dans le rejet des schémas racistes. Les similitudes évidentes entre
les attitudes racistes et les schémas sexistes représentant la femme comme
inférieure, émotive, dépendante, comme une créature muette mais heureuse, ont
suscité une sensibilité croissante et un refus toujours plus grand de telles
caricatures.
Alors que le mouvement féministe se développait dans les pays capitalistes
avancés, les femmes des nationalités opprimées ont commencé à jouer un rôle
toujours plus important. En tant que minorités opprimées, en tant que femmes,
et fréquemment en tant que travailleuses surexploitées, ces femmes subissent
une double et souvent une triple oppression. Leur place objective dans la
société implique qu'elles soient en position de jouer un rôle important sur le
plan stratégique, au sein de la classe ouvrière comme parmi ses alliés.
Mais il y a généralement eu un retard dans le rythme selon lequel les
femmes des minorités opprimées ont pris conscience de l'oppression spécifique
qui les touche en tant que femmes. Il y a plusieurs raisons à cela. Pour
beaucoup d'entre elles, dans un premier temps, le poids de l'oppression
nationale qui les accable masque leur oppression en tant que femmes. De
nombreux mouvements nationalistes ont refusé de prendre en charge les
revendications des femmes, considérant qu'elles représentaient un facteur de
division de la lutte de libération nationale. Le mouvement des femmes, pour sa
part, a souvent failli dans ses tâches, s'avérant incapable de répondre aux
besoins des couches de femmes les plus opprimées et les plus exploitées, ou de
comprendre les difficultés spécifiques auxquelles ces dernières étaient
confrontées. De plus, le poids de la famille est souvent particulièrement fort
parmi les femmes des minorités opprimées, dans la mesure où celle-ci apparaît
comme un certain havre face aux pressions dévastatrices du racisme et à la
négation des valeurs culturelles.
Quoi qu'il en soit, une fois que la radicalisation est amorcée,
l'expérience a déjà montré qu'elle prenait un caractère explosif, portant les
femmes des minorités opprimées à la tête de nombreuses luttes sociales et
politiques, y compris des luttes sur le lieu de travail, dans les syndicats,
dans les campus ou dans les quartiers, les portant aussi à la tête des luttes du
mouvement féministe. Ces femmes en viennent rapidement à comprendre que la
lutte contre leur oppression en tant que femmes n'affaiblit pas mais renforce,
au contraire, la lutte contre l'oppression nationale.
c) La crise des religions traditionnelles, et en particulier de l'Église
catholique, a contribué à la naissance du mouvement des femmes.
L'affaiblissement du poids de l'Église (qui s'accompagne d'un développement de
l'occultisme et du mysticisme) est une manifestation évidente de la crise
idéologique de la société bourgeoise. Toute religion organisée, qui fait partie
des superstructures de la société de classes, prêche et renforce l'idée que les
femmes sont des êtres inférieurs quand elles ne sont pas présentées comme
l'incarnation du mal et de l'animalité. Le christianisme et le judaïsme, qui
ont marqué la culture des pays capitalistes avancés, ont toujours affirmé
l'inégalité des femmes, et leur ont toujours refusé le droit à une vie sexuelle
indépendante de la reproduction.
Dans les pays où l'Église catholique a une influence particulièrement
forte, ce sont souvent les femmes radicalisées qui sont à la pointe du combat
contre le pouvoir et contre l'influence idéologique de l'Église, comme le
montrent les manifestations de dizaines de milliers de femmes pour l'avortement
en Italie, ou les manifestations contre les lois sur l'adultère en 1976 en
Espagne.
En Israël également, la lutte pour le droit à l'avortement a ébranlé la
stabilité du gouvernement Begin jusque dans ses fondements en 1979.
Dans beaucoup de nations opprimées, comme le Québec, l'Irlande, l'Euzkadi
(pays basque) et chez les Chicanos, l'idéologie répressive de l'Église
catholique s'est combinée de manière particulièrement oppressive avec le mythe
de « la femme-mère i, comme centre de la famille, seul pôle de stabilité
sociale, affective et politique, seul refuge contre les ravages de l'oppression
nationale. Au Québec, depuis des années, cet amalgame s'est exprimé à travers
l'idée de « la revanche des berceaux.» suggérant que les femmes doivent sauver
la nation de l'assimilation en ayant beaucoup d'enfants.
d) Le mouvement des féministes lesbiennes est apparu comme un aspect à la
fois lié mais aussi distinct de la radicalisation des femmes.
Les lesbiennes se sont organisées en tant que courant du mouvement pour les
droits des homosexuels, éprouvant en général le besoin de lutter au sein du
mouvement homosexuel afin de faire valoir leurs revendications en tant que
femmes homosexuelles. Beaucoup d'entre elles se sont radicalisées en tant que
femmes d'abord, et elles ont découvert que les discriminations dont elles
étaient victimes en raison de leur orientation sexuelle n'étaient qu'un aspect
des obstacles économiques et sociaux auxquels elles sont confrontées quand
elles cherchent à décider du cours de leur vie. C'est pourquoi beaucoup de
lesbiennes se sont trouvées à la tête du mouvement des femmes dès son origine.
Elles ont fait partie de tous les courants politiques du mouvement de
libération des femmes, depuis les courants de lesbiennes séparatistes jusqu'aux
marxistes-révolutionnaires, et elles ont contribué à ce que le mouvement dans
son ensemble devienne plus conscient des aspects spécifiques de l'oppression
des lesbiennes.
Parce que les lesbiennes insistent sur le droit des femmes à vivre indépendamment
des hommes, elles sont souvent- la cible privilégiée des attaques de la
réaction : de la propagande haineuse aux violences physiques, les attaques
contre les lesbiennes et leur mouvement sont de fait dirigées contre l'ensemble
du mouvement des femmes. Les tentatives faites pour diviser le mouvement des
femmes par le rejet des lesbiennes doivent être refusées clairement et sans
compromis pour que la lutte de libération des femmes puisse progresser.
e) Dans de nombreux pays capitalistes avancés, les femmes immigrées ont
également joué un rôle spécifique. Non seulement elles sont surexploitées en
tant que main-d’œuvre salariée, mais elles sont victimes de lois
discriminatoires particulières. En tant que femmes, elles n'ont souvent pas- le
droit de suivre leur mari dans un pays donné à moins qu'elles n'aient pu
s'assurer de trouver un emploi avant d'émigrer. Et lorsqu'elles trouvent du
travail, elles sont souvent obligées de suivre leur mari ailleurs. Les mesures
gouvernementales adoptées récemment dans plusieurs pays capitalistes avancés
pour réduire le nombre des travailleurs immigrés ont rendu ces lois encore plus
discriminatoires.
Dans un pays comme la Suisse où les travailleurs immigrés représentent près
de 30 % de la force de travail industrielle, ainsi que dans d'autres pays
européens où les femmes immigrées représentent la majorité de ta force de
travail dans certains secteurs (comme les hôpitaux), les travailleuses
immigrées ont joué un rôle décisif dans la prise de conscience politique du mouvement
des femmes. Elles ont contribué à impulser des luttes dans les secteurs industriels
employant une majorité de femmes travailleuses. Plus encore, elles ont permis
de stimuler les débats du mouvement des femmes concernant la politique de la
classe dominante sur le plan économique et social. Les lois discriminatoires à
l'égard de l'immigration en général ; la xénophobie et le racisme ; les
divisions qui en résultent au sein de la classe ouvrière ; la façon dont les
femmes immigrées_ sont particulièrement touchées par ces divisions ; la
nécessité que les syndicats et le mouvement des femmes luttent pour défendre
les intérêts des couches les plus exploitées ; les .problèmes auxquels sont
confrontées ces femmes isolées à la fois dans leur foyer et par un environnement
qui leur est hostile : ce sont autant de questions qui se posent au mouvement
des femmes, amenant celui-ci à débattre de certains problèmes essentiels dans
une perspective de lutte de classes.
7) La fin du boom de l'après-guerre, les problèmes économiques, sociaux et
politiques qu'a rencontrés l'impérialisme à l'échelle mondiale, problèmes mis
en lumière par la récession internationale de 1974-75, ont entraîné une
intensification des attaques contre les droits des femmes à tous les niveaux.
Cela n'a pas conduit au déclin des luttes de femmes, pas plus- que cela- ne les
a reléguées en marge alors qu'apparaissaient des forces sociales plus
puissantes. Au moment où les luttes de la classe ouvrière organisée
s'aiguisaient durant ces dernières années, la prise de conscience féministe et
les luttes de femmes, loin de décroître, continuent au contraire à s'étendre :
elles sont ancrées de plus en plus profondément dans le développement de la
conscience sociale et de la combativité politique des hommes et des femmes de
la classe ouvrière. La résistance des femmes à l'offensive économique,
politique et idéologique de la classe dominante a été consolidée par
l'élévation de la conscience féministe. Leurs luttes ont été une force motrice
de la contestation sociale et de la radicalisation politique.
LES REPONSES
DE LA BOURGEOISIE ET DES DIVERS COURANTS DU MOUVEMENT OUVRIER
1. Des divisions sont rapidement apparues au sein de la classe dominante
quant à la meilleure façon de répondre à la nouvelle montée des luttes de
femmes, dans le but de réduire leur impact et de les faire dévier de leur
objectif. Après les tentatives initiales pour casser le mouvement des femmes en
le couvrant de ridicule et de mépris, l'attitude qui prévalut dans la classe
dominante fut une reconnaissance formelle du fait que les femmes avaient
quelques justes motifs de mécontentement.
On vit alors la bourgeoisie essayer de se montrer concernée - en mettant en
place des départements ministériels particuliers, des commissions, des projets
pour capter l'attention des femmes tout en travaillant assidûment à gagner la
direction du mouvement des femmes à ses schémas politiques de collaboration de
classes. Dans la plupart des pays, la classe dominante fut obligée de faire
quelques concessions, - apparaissant comme peu dangereuses sur le plan
économique comme sur le plan idéologique - pour tenter ensuite de revenir en
arrière.
Dans chaque cas le but était le même, quelle que soit la tactique adoptée :
contenir la radicalisation naissante grâce, à quelques réformes minimes du
système capitaliste.
Dans beaucoup de pays européens, on a pu constater une amélioration de la
protection de la maternité : extension des congés maternité, augmentation du
pourcentage du salaire touché par les femmes bénéficiant de ce congé, garantie
pour les femmes de retrouver un emploi après un congé sans solde pour
maternité, etc. Dans d'autres pays, les gouvernements ont ostensiblement mené
des débats sur l'opportunité de passer des lois sur l'égalité des salaires, ou
des lois libéralisant le divorce. Aux USA, les deux partis capitalistes se sont
disputés l'honneur de l'adoption d'un amendement à la constitution sur
l'égalité des droits, alors que dans la pratique, ils sabotent tout ce qui est
fait pour réunir suffisamment de votes afin que cet amendement prenne force de
loi.
Quant aux mesures sociales qui pourraient avoir un résultat économique
immédiat et significatif - telle, par exemple, l'extension des crèches - les
acquis sont pratiquement inexistants.
La victoire la plus sérieuse remportée par le mouvement des femmes sur le
plan international durant les dix années qui se sont écoulées depuis sa
naissance, ce fut l'extension importante des droits donnant la possibilité aux
femmes d'avorter légalement.
Dans plus de vingt pays, une libéralisation marquée des lois sur
l'avortement a vu le jour
Dans tous les pays où les femmes ont obtenu que soient faits des pas en
avant vers la reconnaissance du droit à l'avortement, il est très vite apparu
clairement que ce droit n'est jamais vraiment acquis dans le système
capitaliste. Partout où les femmes commencent à se battre pour le droit de
contrôler leur fonction reproductive, l'aile la plus réactionnaire des
défenseurs du capitalisme s'est aussitôt mobilisée pour empêcher que ne soit
acquise cette précondition élémentaire à la libération des femmes. Le droit de
choisir remet trop fortement en cause les fondements idéologiques de
l'oppression des femmes.
Quoi qu'il en soit, il est politiquement important de comprendre clairement
que les organisations d'extrême-droite telles que Laissez-les vivre, Oui à la
vie, Right to Life (Droit à la vie) et la Société pour la protection de
l'enfant non né (Society for the Protection of the Unborn Chi/d) qui ont des
liens avec les courants xénophobes, cléricaux, racistes ou fascistes,
s'appuient sur la politique gouvernementale officielle. Ils ont pour fonction
la défense fanatique du statu quo, faisant tout ce qui est en leur pouvoir pour
en appeler aux préjugés les plus arriérés qui sont ancrés dans la classe
ouvrière et la petite bourgeoisie, et ils rendent un service important à la
classe dominante. Mais sans les encouragements en coulisse - mais aussi parfois
de façon ouverte - des secteurs dominants de la bourgeoisie, leur rôle serait
de beaucoup moins influent.
2. L'émergence du mouvement de libération des femmes a posé de gros
problèmes à tous les courants politiques qui affirment représenter les intérêts
de la classe ouvrière. Les staliniens et les sociaux-démocrates en particulier
ont été pris de court par le développement rapide d'une radicalisation
importante qui ne se tournait pas vers eux pour trouver une direction.
Les réponses données par les deux courants réformistes de masse implantés
dans la classe ouvrière, ont varié d'un pays à l'autre selon leur force
numérique, leur base ouvrière et leur degré de pénétration dans la bureaucratie
syndicale, ou la proximité de leur venue au gouvernement. Mais dans tous les
cas les réflexes des staliniens et des sociaux-démocrates ont été déterminés par
deux objectifs, parfois contradictoires : leur respect des institutions
fondamentales de la domination de classe, y compris la famille ; et leur besoin
de maintenir ou de renforcer leur influence sur la classe ouvrière de façon à
pouvoir contenir les luttes de la classe ouvrière dans le cadre des rapports de
propriété capitalistes.
La naissance du mouvement des femmes a obligé les staliniens aussi bien que
les sociaux-démocrates à s'adapter à une situation politique en pleine
évolution. L'année 1975 en particulier a vu une floraison de prises de
position, partiellement en réponse aux initiatives de la bourgeoisie dans le
contexte de l'Année internationale de la femme.
3. Sous la pression d'une partie de leur propre base, les partis
sociaux-démocrates ont généralement réagi plus rapidement que les partis
communistes à la montée du mouvement des femmes. Même si les PS ont montré des
résistances à reconnaître officiellement l'existence du mouvement autonome des
femmes, des militantes des PS, à titre individuel, ont souvent participé
activement aux regroupements de femmes qui se créaient.
Les positions formelles prises par les PS se sont souvent avérées plus
progressistes que celles des partis staliniens en particulier à propos de
l'avortement en tant que droit des femmes. Partout où les partis socialistes
ont pu, sans que cela leur coûte, améliorer leur image de marqué en se
déclarant favorables à des lois libérales sur l'avortement, ils n'ont pas
hésité à le faire. Kreisky en Autriche, Brandt en Allemagne ont choisi dès le
départ cette tactique. Face à la croissance du mouvement des femmes en
Australie, le Parti travailliste australien a essayé d'améliorer son image de
marqué en accordant des subventions à de nombreux projets du mouvement, tels
que des centres de soins pour les femmes et des refuges. Bien qu'en termes
financiers, cela coûtât Peu aux sociaux-démocrates, cela leur permit temporairement
de détourner l'attention des femmes par rapport à l'inadéquation de leur
politique d'ensemble. (A propos de l'avortement et des crèches par exemple.)
Cela permit au Parti travailliste de se poser comme un gouvernement « favorable
aux femmes ».
Mais lorsqu'ils se trouvèrent confrontés aux premiers signes de réaction de
certains secteurs de la bourgeoisie, les partis sociaux-démocrates ont vite
battu en retraite. Alors que le Parti travailliste en Grande-Bretagne s'était
formellement prononcé en faveur du droit à l'avortement, ce parti resta
silencieux face aux propositions réactionnaires faites au parlement, qui visaient
à imposer un retour en arrière, ramenant la toi sur l'avortement au statut
antérieur à 1967.. Introduites au départ par la motion d'un député du Parti
travailliste en 1975, les nouvelles propositions tendaient toutes à restreindre
la période durant laquelle les femmes peuvent obtenir un avortement, à limiter
le droit à l'avortement des femmes immigrées, et à infliger de fortes
pénalisations pour toute infraction à la loi. Ce n'est qu'en 1977, après une
campagne de masse impulsée par le .mouvement indépendant des femmes au travers
du NAC (National Abortion Campaign - Campagne nationale pour
l'avortement) et sous la pression de sa propre base que le congrès du Parti
travailliste adopta une résolution en défense de la loi de 1967.
Les sociaux-démocrates se sont montrés particulièrement utiles au patronat
quand il s'est agi d'imposer des mesures d'austérité pour réduire le niveau de
vie de la classe ouvrière. Bien que faisant de grandes déclarations sur leur
volonté d'alléger les charges des femmes ouvrières, les gouvernements
sociaux-démocrates n'ont pas hésité à réduire les subventions accordées aux
services sociaux comme le demandait la bourgeoisie. Récemment au Danemark ils
ont supprimé d'un seul coup 5 000 emplois de personnes travaillant dans les
crèches comme fonctionnaires de l'État.
4. Depuis les années 1930, après que la bureaucratie stalinienne eut
consolidé son pouvoir en URSS et qu'elle eut transformé les partis de la IVe Internationale
en apologistes de la politique contre-révolutionnaire du Kremlin, la défense de
la famille comme mode idéal des relations humaines est devenue la ligne des
partis staliniens à travers le monde. Cela n'a pas seulement servi les intérêts
de la caste bureaucratique en Union soviétique : cela répondait aussi à la
nécessité de défendre le statu quo capitaliste partout ailleurs. Les théories
ouvertement réactionnaires du PC français sur la famille furent développées
pour la première fois quand le nouveau code de la famille fut introduit en URSS
en 1934 et quand les avortements furent interdits en 1936.
Quelle que soit la démagogie des PC en ce qui concerne la double journée de
travail des femmes, les revendications qu'ils avancent aujourd'hui vont servir
dans le sens d'un aménagement de celle-ci afin de permettre aux femmes de
remplir plus aisément les tâches domestiques qui leur incombent. Que ce soit â
propos de l'amélioration des congés maternité, de la réduction des heures de
travail, ou de l'amélioration des conditions de travail, là lutte est souvent
justifiée par la nécessité de libérer lés femmes pour qu'elles puissent
accomplir leurs tâches ménagères - plutôt que dé lés libérer de ces tâches en
socialisant ces dernières. L'outré Solution parfois proposée, étant de demander
aux hommes de partager plus équitablement le travail au - foyer.
Mais la naissance du mouvement des femmes, les tentatives de la bourgeoisie
pour récupérer celui-ci, les réponses apportées par d'autres courants du
mouvement ouvrier ainsi que les pressions de leurs propres rangs ont obligé les
partis communistes modifier et ajuster leur ligne. Même les plus suivistes et
les plus inconditionnels par rapport au Kremlin, comme le PC américain, ont été
finalement obligé§ d'abandonner certaines de leurs positions les plus
réactionnaires, comme leur opposition à un amendement à la constitution sur
l'égalité des droits.
Plus la radicalisation s'est approfondie, plus les PC ont été contraints de
manoeuvrer et de faire preuve de souplesse, prenant part eux-mêmes au mouvement
autonome des femmes et adoptant un langage toujours plus radical.
Les PC ont laissé leurs militantes s'engager dans dès débats publics et
dénoncer de manière cinglante les responsabilités du capitalisme en ce qui
concerne le statut scandaleux des femmes. Mais quant au programme et à
l'action, l'opposition de fait des PC à la libération des femmes reproduit leur
opposition à foute lutte sur des bases de classe pour la satisfaction des
besoins de la classe ouvrière en général. Ils sont prêts à enterrer n'importe
quelle revendication, à dévoyer n'importe quelle lutte, pour préserver les
alliances de collaboration de classes auxquelles ils tendent. Ainsi, malgré un
changement de position formel du PC italien, malgré sa décision de soutenir la
libéralisation des lois sur l'avortement en 1976, les députés communistes ont
fait bloc avec la Démocratie chrétienne, empêchant la réforme de ces lois,
parce que c'était un obstacle à la réalisation du « compromis historique ».
De plus, il existe souvent un conflit entre les positions adoptées par les PC
au niveau local – où ils apportent
parfois leur soutien aux luttes pour la mise en place de crèches ou de centres
avortement-contraception – et la politique nationale des PC qui appuient les
mesures d'austérité entraînant des coupures dans les budgets des secteurs
sociaux.
Le fossé existant entre les positions formelles des PC et les trahisons
dont ils font preuve dans la lutte des classes a déjà provoqué de violentes
tensions en leur sein ainsi que dans les syndicats qu'ils contrôlent. Et ceci
en particulier parce que l'absence de démocratie interne accroît les
frustrations des femmes qui commencent à percevoir les contradictions entre
leur engagement personnel dans la lutte de libération des femmes et la ligne de
leur parti. Elles n'ont aucun moyen d'influer sur les positions de leur
organisation. Ainsi, quand le PC espagnol a signé le pacte de la Moncloa, pacte
de collaboration de classes, des femmes du PC de Madrid, ont formé un groupe
oppositionnel pour lutter pour la démocratie interne.
En France, au moment où des noyaux oppositionnels commençaient à se former
dans le PC en 1978, des militantes de ce parti se regroupèrent autour du
journal « Elles voient rouge ». Elles entendaient défendre leur point de
vue et lutter contre la politique sectaire du parti qui refusait toute unité
d'action avec d'autres forces politiques, que ce soit à propos de l'avortement
ou d'autres objectifs de lutte.
Sur le plan organisationnel aussi, les staliniens ont été contraints à des
ajustements. Dans un certain nombre de pays, les PC avaient constitué leurs
propres organisations de femmes après la Seconde Guerre mondiale. Face à la
nouvelle radicalisation des femmes, ils ont presque toujours tenté de faire
passer ces organisations pour el seul vrai mouvement des femmes aux yeux de la
classe ouvrière. Le mouvement autonome met en question leur prétention à être
le parti qui parle au nom des femmes de là classe ouvrière, et leur réaction
première a été de renforcer leur position sectaire.
En Espagne par exemple, le MDM (Movimiento Democratico de la Mujer - Mouvement
démocratique des femmes, contrôlé par le PC, déclarait être, lui seul, le
mouvement des femmes ; et le PC s'est auto-proclamé le parti de la libération
des femmes. Mas 'malgré la force du PC, le MDM était incapable de contrôler la
radicalisation des femmes qui s’exprimait à travers la multiplication des
groupes femmes à tous les niveaux de l'État espagnol. Vu son incapacité à
imposer le MDM comme seul mouvement des femmes, le PC fut obligé de reconnaître
l'existence d'autres groupes et de travailler avec eux.
5. Des contradictions semblables sont apparues dans les partis
sociaux-démocrates avec l'engagement de certaines militantes dans le mouvement
des femmes. Mais en même temps, la capacité des staliniens et des sociaux-démocrates
à s'adapter aux nouvelles exigences mises en ayant par les femmes radicalisées,
â accru leur possibilité d'influencer le mouvement. Lorsque ces partis décident
d appuyer des mobilisations de masse comme ils l'ont fait récemment dans
plusieurs pays a propos de la question de l'avortement, les positions
réformistes qu'ils défendent ont d'autant plus d'impact sur la masse des
femmes. Ce serait 'une erreur de sous-estimer leur poids politique.
6. Les organisations maoïstes et centristes ont pour la plupart adopté des
positions sectaires et économistes sur le mouvement de libération des femmes,
considérant ce dernier comme un mouvement petit-bourgeois, en contradiction
avec leur conception du mouvement ouvrier.
Deux types de réponse se sont néanmoins dégagés dans ces organisations.
Certaines ont refusé de participer aux structures autonomes et aux actions du
mouvement de' libération des femmes. Beaucoup de ces groupes sectaires ont mis
en place leurs propres groupes de femmes, qui leur sont subordonnés et qui
opposent au véritable mouvement des femmes arguant qu'une telle démarche
constitue la seule stratégie authentiquement révolutionnaire.
D'autres groupes maoïstes et centristes se sont orientés vers la
participation au mouvement des femmes. Mais ils n’ont pas de compréhension
claire de l'articulation entre la lutte de classe et la lutte de libération des
femmes. Ils rejettent toute politique de front unique et sont suivistes par
rapport au mouvement des femmes. Cela fut un facteur important dans les crises qui
ont fait éclater plusieurs de ces groupes à la fin des années 1970.
7. Le mouvement syndical a lui aussi ressenti l'impact de la radicalisation
des femmes et la bureaucratie a été obligée de répondre aux pressions des
femmes dans et hors du mouvement ouvrier organisé.
Comme les staliniens et les sociaux-démocrates, dans le meilleur des cas,
les directions syndicales ont essayé de limiter leur engagement quant aux
revendications des femmes à des questions économiques comme l'égalité des
salaires ou les congés maternité. Ils ont tardé à s'engager dans des luttes
comme celle de l'avortement. Cependant le caractère de masse des syndicats, el
nombre croissant dans leurs rangs de femmes dont beaucoup sont de plus en plus
actives dans les commissions féminines, rend cette position des bureaucrates
beaucoup plus difficile. Cela est apparu clairement en octobre 1979 lorsque le
TUC (Confédération nationale des syndicats) de Grande-Bretagne, sous la
pression toujours plus grande de sa propre base, a appelé a une manifestation
nationale en défense du droit à l'avortement. Près de 50 000 personnes -
hommes_ et t femmes y participèrent.
Des questions telles que les crèches, la socialisation. du' travail
domestique, les conditions de travail des travailleuses à temps partiel, les
revendications préférentielles pour les femmes, sont de plus en plus
fréquemment posées dans le mouvement syndical à l'heure actuelle. Dans certains
cas, les femmes lient explicitement ces revendications à la nécessité plus
générale de briser la division traditionnelle du travail entre hommes et
femmes.
En imposant ces revendications, les femmes travailleuses remettent en cause
les tentatives des réformistes de maintenir la division entre questions
économiques et luttes politiques et de limiter par ailleurs toute lutte
susceptible' de sa développer. Elles aident la classe ouvrière à poser lés
problèmes, non en termes individuels, mais en termes collectifs et elles
encouragent la base des syndicats à se tourner vers ses organisations de classe
et à s'appuyer sur elles pour engager la lutte pour la satisfaction de tous les
besoins sociaux.
Quand les femmes essayent de gagner le soutien des syndicats et de leurs
directions pour défendre leurs revendications, elles sont obligées de poser en
même temps la question de la démocratie syndicale. Elles doivent se battre pour
avoir el droit de s'exprimer librement, d'organiser leurs propres commissions
ou réunions non-mixtes, pour être représentées dans les directions ; elles ont
à se battre pour que les syndicats organisent des crèches pendant les ré ü=
nions, qui leur permettent d'être réellement actives dans les organisations
ouvrières.
Certains syndicats ont sorti des publications spéciales, ont réactivé des
commissions femmes moribondes, ont organisé des réunions de femmes syndiquées,
ont mis sur pied des cours de formation pour les responsables syndicales.
Dans un certain nombre de pays, des comités inter-syndicaux de femmes ont
été organisés par les directions syndicales au niveau national, régional ou local.
Ailleurs, de tels comités ont été créés sous l'impulsion de la base. La
radicalisation des femmes et la crise économique grandissante ont aussi conduit
à une montée du taux de syndicalisation des femmes dans certains pays
capitalistes avancés.
Dans la plupart des cas, la création de commissions femmes dans les
syndicats s'est faite avec la bénédiction des bureaucrates syndicaux. Ils
espèrent ainsi contenir la radicalisation des femmes qui s'exprime dans les
syndicats et canaliser leur énergie dans une voie ne menaçant pas le
confortable statu quo qui existe à tous les niveaux - depuis le monopole
masculin dans les postes de direction syndicale jusqu'à l'entente entre
bureaucratie et patronat pour ignorer les besoins spécifiques des femmes
travailleuses. Mais cela reflète l'impact énorme que le mouvement de libération
des femmes a déjà sur les organisations du mouvement ouvrier. Aujourd'hui, les
commissions féminines syndicales sont de plus en plus souvent le produit du
mouvement des femmes autant qu'elles font partie du mouvement ouvrier. Elles
sont à l'intersection de ces deux mouvements et peuvent, si elles ont une
orientation correcte, aider à montrer la voie à chacun d'entre eux.
LA
LIBERATION DES FEMMES DANS LES PAYS COLONIAUX ET SEMI-COLONIAUX
1. La libération des femmes ne concerne pas seulement les femmes des pays
capitalistes avancés ayant un niveau d'éducation et un niveau de vie
relativement élevés. Il s'agit au contraire d'un élément vital pour la masse
des femmes dans le monde entier. Les pays coloniaux et semi-coloniaux ne font
pas exception.
Il existe une grande diversité dans les conditions socio-économiques et
dans les traditions culturelles des pays coloniaux et semi-coloniaux. Cela va
de conditions extrêmement primitives dans certaines régions à un degré
d'industrialisation considérable dans des pays comme Porto-Rico ou l'Argentine.
Tous les pays coloniaux et semi-coloniaux souffrent cependant des effets de la
domination impérialiste qu'ils subissent en commun. Ce qui se traduit de manière
spécifique pour les femmes de ces pays.
La domination impérialiste signifie que les rapports de production
capitalistes se sont superposés et combinés avec des modes de production et des
rapports sociaux précapitalistes, de type archaïque, transformant et intégrant
ces derniers à l'économie capitaliste. En Europe de l'ouest, l'apparition du
capitalisme fut marquée, dans les pays les plus avancés, "par des
révolutions démocratiques bourgeoises visant à briser le pouvoir économique et
politique des anciennes classes féodales dominantes. Mais dans les pays
coloniaux, la pénétration impérialiste a le plus souvent renforcé les
privilèges, la hiérarchie et les traditions réactionnaires des classes
dominantes précapitalistes, sur lesquelles elle s'est appuyée, partout où elle
le pouvait, pour maintenir la stabilité et renforcer l'exploitation
impérialiste.
Usant de la torture, de l'extermination, du viol et d'autres formes de
terreur à une échelle de masse, allant même jusqu'à la mise en esclavage
ouverte des populations natives d'Afrique, l'expansion du capitalisme européen
s'est exprimée par une colonisation brutale de l'Amérique latine et de
certaines parties de l'Asie et de l'Afrique, les précipitant sur le marché
mondial. Le christianisme, dont l'introduction fut simultanée à la pénétration
des conquérants européens et parfois américains représenta souvent l'un des
principaux moyens de domination utilisés par ces derniers.
Pour les femmes du monde colonial et semi-colonial, la pénétration de
l'économie de marché capitaliste a un effet contradictoire : d'une part, elle
introduit de nouveaux rapports économiques qui jettent les bases permettant aux
femmes de commencer à dépasser leur oppression séculaire. Mais d'autre part,
elle reprend à son compte et elle utilise les traditions archaïques, les codes
religieux et les préjugés hostiles aux femmes, renforçant ces derniers au
travers de nouvelles formes de discrimination - et de surexploitation.
De manière générale, la situation des femmes est directement liée au degré
d'industrialisation existant. Mais le développement inégal et combiné peut être
à l'origine de contradictions frappantes dans certaines sociétés : dans
certaines régions d'Afrique, par exemple, les femmes qui sont responsables de
l'agriculture - à un stade encore très primitif -, jouissent parfois d'une
indépendance économique relative.
2. Dans les pays coloniaux, le développement de la production capitaliste
s'effectue en fonction des besoins de l'impérialisme. C'est pourquoi
l'industrialisation ne progresse que lentement et, pour autant que ce soit le
cas, de manière déséquilibrée et déformée. Dans la plupart des pays
semi-coloniaux, la majorité de la population vit encore à la campagne ; elle
dépend de cultures de subsistance, utilisant des méthodes agricoles extrêmement
arriérées. La famille qui inclut en général tantes, oncles, nièces, neveux et
grands-parents - demeure l'unité de base de la petite production agricole.
Les femmes jouent un rôle économique décisif. Non seulement elles
travaillent aux champs durant de longues heures, mais elles mettent au monde
des enfants qui, plus tard, prendront en charge leur part de travail et
assureront la sécurité des vieux sur le plan économique. Elles se marient à
l'âge de la puberté et donnent souvent naissance au plus grand nombre d'enfants
possible. Leur valeur est généralement déterminée par le nombre d'enfants
qu'elles ont eus. Une femme stérile est considérée comme un déshonneur social
et comme une calamité économique. La stérilité est souvent source de divorce.
En raison de sa fonction économique, la famille maintient sur tous ses
membres, mais en particulier sur les femmes, une emprise qui reste extrêmement
forte. Cette combinaison entre une situation économique primitive et le poids
des relations familiales place tes femmes paysannes vivant dans les régions
agricoles dans un état de privation et d'avilissement profonds. En pratique,
elles n'ont quasiment aucun droit en tant qu'individus sur le plan légal comme
sur le plan social, et souvent, c'est à peine si elles sont considérées comme
des êtres humains. Elles vivent de fait sous la domination et sous le contrôle
absolus des individus mâles de leur famille. Très souvent, le peu de ressources
de l'unité familiale est réparti d'abord entre les hommes ; il n'est pas rare
que les petites filles aient droit à moins de nourriture et à moins de soins
que les garçons, ce qui se traduit par une stature chétive ou une mort précoce
pour cause de malnutrition. L'infanticide des fillettes est encore pratiqué
dans de nombreuses régions, que ce soit de manière directe ou par le biais de
négligences délibérées. Le taux d'analphabétisme chez les femmes atteint
souvent près de 100 %.
3. L'incorporation des pays coloniaux et semi-coloniaux dans le marché
capitaliste mondial a des conséquences inévitables dans les régions agricoles.
L'inflation et l'impossibilité d'être compétitif face à des unités de
production plus grandes, qui usent de méthodes plus rentables, est à l'origine
des vagues continuelles de migration de la campagne vers les villes. Souvent,
cette migration commence par les hommes de la famille qui laissent aux femmes,
aux enfants et aux vieillards un fardeau encore plus lourd lorsque ces derniers
doivent se débrouiller pour tirer eux-mêmes de la terre ce qui leur permettra
tout juste de subsister.
La recherche désespérée d'un travail finit par entraîner des millions de
travailleurs à quitter leur pays d'origine pour émigrer vers les pays
capitalistes avancés. Pour autant qu'ils aient la chance d'y trouver un emploi,
ce sera dans des conditions de surexploitation généralement atroces.
L'isolement et les traditions arriérées des régions agricoles tendent à
être mis en question et à disparaître, non seulement en raison de la migration
vers et en provenance des villes, mais aussi en raison de la pénétration des
mass-media comme la radio et la télévision.
4. Avec la migration vers les villes, les nouvelles conditions de vie et de
travail commencent à remettre en cause les normes traditionnelles et les mythes
relatifs au rôle des femmes.
Dans les villes, la famille petite-bourgeoise disparaît rapidement dans la
plupart des cas comme unité de production. Chacun de ses membres est obligé de
vendre individuellement sa force de travail. Néanmoins, vu la situation
extrêmement précaire de l'emploi, et vu les responsabilités qu'ont souvent les
masses semi-prolétaires des villes vis-à-vis de leurs parents restés à la
campagne, l'unité familiale continue fréquemment à comprendre les tantes, les
oncles, les cousins, les frères, les soeurs et leur progéniture, en plus du
père, de la mère et des enfants.
Au sein de la bourgeoisie moyenne comme dans les secteurs plus stables du
prolétariat urbain, l'unité familiale tend cependant à se réduire.
Quand elles émigrent vers les villes, les femmes sont mieux placées pour
avoir accès à l'éducation, pour entretenir des contacts sociaux plus larges et
jouir d'une certaine indépendance 'économique. Les besoins du capitalisme, qui
entraînent un nombre toujours plus grand de femmes à sortir de leur isolement
familial, entrent en contradiction" avec les vieux schémas sur le rôle des
femmes dans la société. En prenant des emplois comme travailleuses
industrielles ou comme employées dans les services, les femmes se mettent à
occuper des positions qui leur étaient interdites auparavant vu les préjugés et
les traditions arriérées. Celles qui parviennent à acquérir une formation leur
permettant d'entrer dans des professions comme celles d'institutrice ou
d'infirmière font figure d'exemples qui apparaissent comme conflictuels avec
les attitudes traditionnelles, et ceci même aux yeux des femmes qui ne
travaillent pas. Le mythe de l'infériorité des femmes est de plus en plus
ébranlé par cette réalité qui met en cause leur soumission ancestrale.
Même pour les femmes qui ne peuvent avoir accès à l'éducation ou à un
travail extérieur à leur foyer, les conditions de vie en ville leur permettent
d'échapper à la prison mentale que faisait peser sur elles l'isolement de la
famille rurale. Ceci tant en raison de l'impact des mass media, que de la
proximité de la vie et des luttes politiques ou de l'existence d'appareils
ménagers modernes, de laveries, etc.
5. Dans les pays coloniaux et semi-coloniaux, les femmes représentent
généralement un pourcentage de la main d'oeuvre beaucoup plus faible que dans
les pays impérialistes. Cela varie entre 8 et 15 % - avec des pointes qui vont
parfois jusqu'à 20 %'par comparaison avec les pays capitalistes avancés où
cette proportion va de 30 à 40 %.
Comme de bien entendu, les femmes occupent surtout les emplois les moins
qualifiés, les moins bien payés et les moins protégés en ce qui concerne les
conditions de travail, la garantie d'un salaire minimum, etc. C'est
particulièrement vrai pour les travaux agricoles, pour le travail à domicile et
pour les emplois de travailleuses domestiques où elles forment l'essentiel de
la main-d’œuvre. Le salaire moyen des travailleuses représente à peu près le
tiers ou la moitié de celui des travailleurs masculins. Lorsque les femmes ont
accès à l'éducation et qu'elles acquièrent une certaine qualification, elles
sont confinées, encore plus strictement que dans les pays capitalistes avancés,
dans des emplois r typiquement féminins » comme ceux d'infirmières et
d'institutrices.
Mais les femmes sont aussi présentes dans les industries du textile, de
l'habillement, de l'alimentation et de certaines parties de l'industrie
électrique où elles forment souvent la majorité de la main-d’œuvre employée.
Compte tenu de la prédominance absolue de l'industrie légère dans les pays
coloniaux les plus industrialisés, cela signifie que, malgré leur faible
pourcentage dans l'ensemble de la force de travail, les travailleuses peuvent
occuper une place stratégique décisive. A Porto-Rico, par exemple, les femmes
forment la majeure partie des secteurs pharmaceutique et électrique qui sont
les principales industries du pays.
L'emploi des femmes dans de tels secteurs industriels est crucial pour les
surprofits impérialistes, à la fois parce que cela représente une source de
travail bon marché et parce que l'emploi des femmes dans des travaux moins bien
payés permet aux capitalistes de diviser et d'affaiblir la classe ouvrière,
ainsi que de maintenir au plus bas le niveau général des salaires. Le processus
d'accumulation impérialiste ne peut être clairement compris si l'on n'explique
pas le rôle que joue la surexploitation des femmes travailleuses dans les pays
semi-coloniaux.
Dans l'ensemble du monde colonial, le chômage et le sous-emploi sont
sources de crise permanente et ce sont avant tout les femmes qui font les frais
de cette situation. Pour aider leur famille à survivre, elles sont souvent
contraintes d'avoir recours à des sources de revenus précaires telles que la
vente d'objets de pacotille ou de plats cuisinés à la maison, les lessives à
domicile. La prostitution est souvent leur seul recours.
Le chômage endémique exacerbe également l'alcoolisme et le recours à la
drogue qui se traduisent par un renforcement de la violence à l'égard des
femmes et par un état de pauvreté encore plus désespéré.
6. Dans beaucoup de pays coloniaux et semi-coloniaux, les femmes n'ont pas
encore obtenu les droits démocratiques les plus élémentaires que les femmes des
pays capitalistes avancés ont acquis au 19' et au 20' siècle. Dans de nombreux
pays, les lois continuent à assujettir les femmes au contrôle légal des hommes.
Cela inclut notamment les lois exigeant l'autorisation du mari pour qu'une
femme puisse travailler, permettant à celui-ci de disposer du salaire de son
épouse, ou les lois accordant automatiquement au mari la garde des enfants et
le contrôle du lieu de résidence de sa femme. Dans certains pays, les femmes
sont encore vendues en mariage. Elles peuvent être assassinées impunément pour
avoir violé l'a honneur p de leur mari.
Là où des réformes sont intervenues dans le code légal, assurant plus de
droits aux femmes, cela reste le plus souvent formel. En pratique, les femmes
sont incapables de faire valoir leurs droits vu le poids écrasant de la
pauvreté, l'analphabétisme, la malnutrition, leur dépendance économique et les
traditions arriérées qui forment les limites de leur existence. L'impérialisme
à l'agonie représente donc un obstacle à l'obtention des droits démocratiques
les plus élémentaires pour les femmes du monde colonial.
7. Le pouvoir et l'influence de la religion sont particulièrement forts
dans les pays coloniaux et semi-coloniaux en raison de l'arriération
économique, ainsi que du renforcement et de la protection des hiérarchies
religieuses de la part de l'impérialisme. Dans beaucoup de pays, il n'y a pas
de séparation entre les institutions religieuses et les institutions d'État. Et
même là où une séparation officielle existe, les coutumes et les dogmes
religieux gardent tout leur poids. Certaines lois, notamment parmi les plus
barbares à l'égard des femmes, se fondent sur des codes religieux. En Inde, la
misère de millions de femmes est accentuée par le système de castes qui, bien
que n'étant plus sanctionné par la loi, se base sur la religion hindoue. Dans
les pays musulmans, la tradition voulant que les femmes soient voilées _-
tradition encore très influente --, vise à exclure totalement les femmes de la
vie publique et à leur dénier toute existence propre. Dans les pays
catholiques, le droit au divorce est souvent limité quand il n'est pas tout
simplement nié.
8. La violence contre les femmes, qui a toujours été une composante
inhérente de leur soumission économique, sociale et sexuelle tout au long des
divers stades de développement de la société de classe, est encore accentuée
avec les contradictions introduites par la domination impérialiste. Les plus
grandes facilités d'accès pour les femmes à l'éducation et au travail, liées à
une plus grande participation de leur part à la société en général, leur permet
de mener une existence moins confinée, plus ouverte à la vie publique, en
rupture totale avec les anciennes valeurs et la tradition. Mais la tentative
des femmes d'user de ces possibilités et de briser avec leur rôle traditionnel
provoque bien souvent des réactions chez leur mari ou chez leurs parents de
sexe masculin, réactions qui peuvent se traduire par leur exclusion du cercle
familial, par le fait qu'elles sont battues, mutilées, voire assassinées. Ce
type de violence barbare vis-à-vis des femmes est souvent sanctionné par la
loi. Et même là où elle est illégale, la violence est souvent si largement
admise dans la pratique qu'elle reste impunie.
9. Les possibilités d'éducation pour les femmes dans les pays coloniaux et
semi-coloniaux demeurent extrêmement limitées en comparaison de celles qui
existent dans les pays capitalistes avancés. Cela se traduit par un taux très
élevé d'analphabétisme parmi les femmes. Depuis l'école primaire jusqu'à
l'université, le pourcentage des filles est beaucoup plus faible et le fossé se
creuse généralement dans les degrés supérieurs.
Tout le système d'éducation dans les pays coloniaux et semi-coloniaux est
organisé - de manière encore plus criante que dans les pays impérialistes -
pour maintenir l'exclusion des femmes de toute vie sociale et pour inculquer
aux filles leur rôle de femme-mère-ménagère. La mixité est très peu fréquente
et les écoles de filles doivent presque toujours faire face à des budgets
moindres, à un moins grand nombre d'enseignantes et à de plus mauvaises
conditions d'enseignement. Là où la mixité existe, les filles sont encore
obligées de suivre des cours séparés comme la couture, la cuisine ou les
travaux domestiques.
En dépit de ces discriminations, la pression du marché mondial a provoqué
un certain nombre de modifications en ce qui concerne l'éducation des femmes.
Le besoin d'une couche de techniciens plus qualifiés a ouvert les portes de
l'éducation supérieure aux femmes, même si leur nombre reste limité.
10. Les femmes du monde colonial ont encore moins de possibilités de
contrôler leurs fonctions reproductives que les femmes des pays impérialistes.
Le peu d'opportunité sur le plan de l'éducation, lié à la forte emprise de la
religion dans le contenu même de l'éducation, signifie que les femmes ont très
peu, voire pas du tout accès à l'information scientifique concernant la
reproduction ou la sexualité. Sur te plan économique comme sur le plan social,
elles subissent des pressions les incitant à avoir plus, et non pas moins
d'enfants. Lorsqu'elles peuvent obtenir une information sur le contrôle des
natalités et sur les moyens permettant de limiter les naissances, c'est presque
toujours dans le cadre d'une politique raciste de contrôle des populations
imposée par l'impérialisme. Dans certains pays, le gouvernement a mis en place
un programme de stérilisation forcée touchant la masse des femmes. A
Porto-Rico, plus d'un tiers des femmes en âge d'avoir des enfants a été victime
de la politique de stérilisation forcée impulsée par le gouvernement américain.
La stérilisation forcée est également parfois imposée à des groupes de
minorités opprimées, comme la population indienne en Bolivie.
Même dans les pays où la stérilisation forcée n'est pas une politique
officielle, la propagande raciste pour le contrôle de la population imprègne la
société tout entière et constitue un obstacle à la lutte des femmes pour
imposer le contrôle sur leur propre corps. Les femmes du monde colonial et
semi-colonial ont été massivement utilisées comme cobayes pour tester les
méthodes contraceptives. Et l'avortement lui aussi découle d'une contrainte et
non d'un choix. Chaque année, des millions de femmes sont obligées d'avorter
illégalement dans les pays coloniaux, dans les pires conditions possibles, et
le nombre de décès qui s'ensuit, est incalculable.
Dans tous les cas, on refuse aux femmes le droit de décider si, et quand
elles veulent des enfants.
Dans le cadre de la crise économique, la politique de contrôle des
populations ne fera que se renforcer, multipliant les exemples semblables à
celui de Porto Rico. La prétendue « explosion démographique i sera mise au
compte des difficultés économiques des pays coloniaux et semi-coloniaux dans le
but de détourner l'attention des responsabilités incombant à l'impérialisme qui
provoque et maintient la misère.
Le racisme et le sexisme sont également imposés au monde colonial par le
biais d'une propagande mettant en avant des schémas culturels étrangers aux
coutumes de ces pays. Si les normes de « beauté » imposées par les industries
cosmétiques sont source d'oppression pour les femmes européennes ou d'Amérique
du Nord, c'est encore plus vrai lorsque ces normes sont imposées aux femmes des
pays coloniaux et semi-coloniaux au travers de publicité, oie films ou de tout
autre forme de propagande.
11. La forte influence de la religion renforce l'extrême arriération en ce
qui concerne la sexualité, ce qui se traduit par une situation particulièrement
avilissante pour les femmes. La conception générale qui fait des femmes des
êtres asexués, mais en même temps esclaves des besoins sexuels de leurs
"époux, est: imposée encore plus brutalement aux femmes des pays coloniaux
et semi-coloniaux qu'à celles des pays impérialistes. Elle s'exprime dans les
traditions, dans les lois et dans l'usage de la violence incluant la mutilation
sexuelle des fillettes. Les femmes sont censées rester vierges pour leur époux.
Très souvent, si les femmes ne donnent pas satisfaction à leur mari sur le plan
sexuel, ou si elles sont accusées de n'être pas vierges au moment du mariage,
c'est une raison suffisante pour le divorce. La double morale sexuelle pour les
hommes et pour les femmes est une réalité encore plus forte que dans les pays
impérialistes. La pratique de la polygamie n'en est qu'un exemple extrême.
Un autre aspect de l'arriération sur le plan de la sexualité, c'est
l'oppression extrême qui touche les homosexuels, hommes et femmes, dans les
pays coloniaux.
12. Le fait que le développement capitaliste dans le monde colonial ait
incorporé des relations économiques et sociales de type précapitaliste (dont
beaucoup subsistent de manière déformée), implique que pour parvenir à se
libérer, les femmes - comme toutes les couches opprimées et exploitées - sont
confrontées à des tâches combinées. La lutte contre la domination impérialiste
et contre l'exploitation capitaliste commence souvent par les problèmes non
résolus de l'indépendance nationale et de la réforme agraire, ou de l'obtention
de droits démocratiques.
Les revendications démocratiques élémentaires, comme celles qui donnent aux
femmes des droits en tant qu'individus indépendants du contrôle de leur mari,
auront un poids décisif dans la lutte de libération des femmes au sein des pays
coloniaux. Mais en même temps, ces revendications seront posées et se
combineront immédiatement avec des problèmes économiques et sociaux dont la
solution exige une réorganisation de la société tout entière sur des bases
socialistes. En font partie les questions de l'inflation, du chômage, du
logement, du système inadéquat de la Sécurité sociale et de l'éducation. Cela
inclut également les revendications générales mises en avant par le mouvement
des femmes dans les pays capitalistes avancés, portant sur les crèches, sur le
droit à l'accès aux moyens médicaux qui permettraient aux femmes d'exercer un
contrôle sur leur fonctions reproductives, sur le droit au travail et à
l'éducation, etc. Mais aucune de ces revendications, même celles qui touchent
aux droits démocratiques les plus élémentaires, ne pourra être imposée sans la
mobilisation et sans l'organisation de la classe ouvrière qui représente la
seule force sociale capable de mener de telles luttes à leur terme et de
remporter la victoire.
13. A cause de la faiblesse relative du capitalisme et de la classe
dominante dans les pays coloniaux et semi-coloniaux, les droits civiques, quand
ils existent, sont en général restreints, et souvent éphémères. La répression
politique est très étendue. Quand les femmes entrent en lutte - de même que
lorsque d'autres secteurs de la population commencent à se rebeller, elles sont
souvent rapidement confrontées à la répression, ce qui entraîne pour elles la
nécessité de lutter pour l'obtention de libertés politiques telles que le droit
de tenir des réunions, d'avoir leur propre organisation, de pouvoir publier un
journal ou d'autres publications, ou le droit de manifester. La lutte de
libération des femmes ne peut être dissociée de la lutte plus générale pour les
libertés politiques.
La participation toujours plus grande des femmes aux luttes sociales et
politiques s'est traduite par le fait qu'elles représentent une proportion
croissante des prisonniers politiques dans les pays coloniaux et
semi-coloniaux. Dans les, prisons, les femmes sont confrontées à des formes de
torture particulièrement brutales et humiliantes. La lutte pour la libération
de 'tous les prisonniers politiques, mettant particulièrement en évidence la
situation des femmes dans les prisons, a été et sera un aspect important de la
lutte de libération des femmes dans ces pays.
Cette lutte possède une dimension internationale très claire. Il existe des
prisonniers politiques non seulement dans le monde colonial, mais dans
l'ensemble des pays capitalistes avancés. L'exigence de leur libération
continuera à être un point de ralliement pour des campagnes de solidarité
internationale, au sein même du mouvement des femmes.
14. La lutte de libération des femmes a toujours été étroitement liée à la
lutte de libération nationale. Quoi que fassent les femmes, elles s'affrontent
au pouvoir impérialiste et la nécessité de briser les chaînes de cette
domination est une tâche urgente et imprescriptible pour tous les opprimés de
ces pays, comme les exemples de l'Iran et du Nicaragua l'ont clairement
démontré une fois de plus. De nombreuses femmes s'engagent pour la première fois
dans une action politique à travers leur participation aux mouvements de
libération nationale. Dans le processus de développement des luttes, il devient
évident que les femmes pourront et devront jouer un rôle encore plus grand pour
remporter la victoire. Les femmes sont transformées par l'action, notamment
parce qu'elles font des choses qui leur étaient défendues selon les anciennes
coutumes. Elles deviennent des combattantes, des dirigeantes, des
organisatrices et des individus à part entière qui pensent politiquement. Les
profondes contradictions qu'elles vivent stimulent leur révolte contre
l'oppression qui les touche en tant que sexe, et font surgir des exigences de
plus grande égalité à l'intérieur même du mouvement révolutionnaire. Au
Vietnam, en Algérie, à Cuba, en 'Palestine, en Afrique du Sud, au Sahara et
ailleurs, les luttes que les femmes ont menées pour mettre fin aux formes les
plus brutales de l'oppression dont elles sont l'objet sont étroitement liées
aux luttes anti-impérialistes qui se sont développées.
Au Nicaragua, les femmes organisées dans l'AMPRONAC (Association des femmes
face à la problématique nationale) ont joué un rôle décisif dans la préparation
de l'insurrection finale contre la dictature de Somoza. Et 30 % des forces du
FSLN étaient composées de femmes organisées dans des brigades féminines aussi
bien que dans d'autres unités.
En Iran, la participation des femmes à la lutte pour renverser le shah
amena des millions d'entre elles à participer pour la première fois à la vie
politique et sociale, ce qui éveilla en même temps leur désir de changer leur
propre statut. En dépit du poids des idées religieuses réactionnaires et des
mesures prises contre les femmes, l'approfondissement de la conscience et de la
lutte anti-impérialistes parmi les masses iraniennes ne peuvent qu'améliorer
les conditions dans lesquelles les femmes auront à lutter pour une égalité et
une liberté plus grandes.
La participation des femmes aux luttes de libération nationale commence
également à modifier la conscience des hommes en ce qui concerne les capacités
et le rôle des femmes. Dans le cadre de la lutte qu'ils mènent contre leur
propre exploitation et contre leur propre oppression, les hommes peuvent
devenir plus sensibles à l'oppression des femmes, plus conscients de la
bataille à mener à cet égard, et plus sensibles à l'importance de gagner les
femmes comme alliées dans la lutte.
15. Il existe aussi des minorités nationales opprimées au sein des pays
coloniaux et semi-coloniaux. En Iran, par exemple, les nationalités opprimées
constituent 60 % de la population. En Amérique latine, la population indigène
indienne est une minorité opprimée. Les femmes de ces minorités sont
confrontées à une double dimension de l'oppression nationale. Une fois qu'elles
ont commencé à se mettre en marche, leur lutte peut se développer de manière
explosive.
Les revendications des femmes et celles des minorités opprimées seront
souvent .étroitement liées et se renforceront mutuellement. Par exemple, la
revendication des femmes pour le droit à l'éducation sera combinée à la
revendication des hommes et des femmes des minorités opprimées pour le droit à
l'éducation dans leur propre langue.
16. Dès le commencement de la révolution coloniale au début de ce siècle,
les femmes ont participé aux soulèvements anti-impérialistes, mais il n'a pas
existé de tradition concernant l'organisation des femmes en tant que telles,
autour de leurs revendications spécifiques, comme une composante distincte de
ces luttes. Cependant, le développement du système capitaliste mondial depuis
la Seconde Guerre mondiale a accentué les contradictions économiques, sociales
et politiques dans les pays coloniaux et semi-coloniaux, et cela permettra de
plus en plus qu'à l'avenir les femmes entrent en lutte pour imposer leurs
propres revendications.
a) Dans la période suivant la Seconde Guerre mondiale, il y eut une
croissance de l'industrialisation dans les pays coloniaux et semi-coloniaux,
bien que le degré de cette croissance ait varié considérablement selon les différents
pays et en fonction des besoins des puissances impérialistes. Cela impliqua une
possibilité accrue pour les femmes d'avoir accès au travail et à l'éducation.
b) Les progrès technologiques dans le domaine des tâches domestiques et du
contrôle de la reproduction - bien que beaucoup moins accessibles que dans les
pays développés - commencèrent à être connus, et montraient la possibilité de
libérer les femmes d'un travail fastidieux et de leur permettre de contrôler
l'un des éléments les plus importants de leur existence : leur fonction
reproductive.
c) La crise économique du capitalisme mondial dont la dépression
internationale en 1974-75 fut un signe évident, a eu un effet amplifié dans le
monde colonial dans la mesure où les impérialistes tentaient de faire supporter
les effets de la crise aux masses du monde colonial. Une part disproportionnée
de cette crise retombe sur le dos des femmes, sous forme de montée des prix, de
coupures dans les budgets déjà rudimentaires du système de la santé et de l'éducation,
et dans l'augmentation de la misère à la campagne. Ainsi, le fossé entre ce qui
est possible pour les femmes et ce qui existe va s'amplifiant.
d) L'impact de cette contradiction dans la prise de conscience des femmes
est renforcé aujourd'hui par l'écho du mouvement international de libération
des femmes qui a inspiré les femmes tout autour du monde, popularisant et
justifiant leurs revendications.
Ces divers facteurs nous amènent à conclure que les luttes des femmes vont
devenir une composante toujours plus importante des luttes révolutionnaires à
venir dans les pays coloniaux et semi-coloniaux.
Cette lutte des femmes peut prendre une dimension explosive en raison du
fossé existant entre les normes et les valeurs archaïques, et les possibilités
ouvertes par les progrès technologiques du capitalisme en ce qui concerne la
libération des femmes. De même, les normes et les valeurs traditionnelles
maintenues par les impérialistes et leurs valets entrent en constante
contradiction avec le mode de vie de nombreuses femmes. Cela signifie qu'une
fois que les femmes commencent à mettre en question leur oppression, même d'un
point de vue encore élémentaire, cela se combine avec d'autres formes
d'explosion sociale et cela peut conduire très rapidement à des mobilisations
de la masse des femmes dans des luttes qui prennent une orientation radicale, anticapitaliste.
17. Les attitudes et la politique concernant les revendications et les
besoins des femmes dans les pays coloniaux et semi-coloniaux sont l'un des
tests décisifs du caractère révolutionnaire, des perspectives et du programme
de toute organisation aspirant à prendre la tête de la lutte contre
l'impérialisme. Le rôle et l'importance que nous assignons à la lutte de
libération des femmes dans ces pays, et le programme que nous mettons en avant
dans ce but, nous distinguent des forces non prolétariennes prétendant à la
direction de la lutte de libération nationale.
Il y a un élément qui a toujours été un trait distinctif du programme des
marxistes révolutionnaires, et qui était reflété dans les résolutions du III°
Congrès de l'internationale communiste.
Ces résolutions accordaient une attention particulière au travail
exemplaire des communistes chinois, organisant et dirigeant les mobilisations
de femmes qui précédèrent la seconde révolution chinoise en 1925-27.
Si le parti marxiste révolutionnaire ne parvient pas à voir l'importance
d'organiser, de mobiliser les femmes, et de prendre la tête de la lutte pour
leur libération, les courants bourgeois et petit-bourgeois auront alors tout
loisir de prendre la direction de ces mouvements, les faisant dévier vers une
orientation réformiste, si ce n'est carrément anti-ouvrière.
18. Seule la voie de la révolution socialiste peut ouvrir la voie à une
transformation qualitative dans la vie de la masse des femmes des pays
semi-coloniaux. Les exemples de Cuba, du Vietnam et de la Chine sont des points
de mire importants pour les femmes d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine. Ces
révolutions socialistes offrent la preuve évidente que des changements rapides
sont possibles à partir du moment où la classe ouvrière, en alliance avec la
paysannerie, brise les chaînes de la domination impérialiste. Lorsque les lois
de l'accumulation capitaliste sont remplacées par celles de l'économie
planifiée basée sur la nationalisation des secteurs clés de- la production, il
devient possible, même dans les pays pauvres du monde semi-colonial, de
consacrer des ressources massives au développement de l'éducation et des
crèches, des services médicaux et du logement.
Une fois que le capitalisme est éliminé, le chômage et le sous-emploi
deviennent des résurgences du passé. On voit au contraire se développer une
réduction du temps de travail qui permet aux femmes de sortir de leur foyer et
de s'intégrer massivement dans tous les secteurs du travail productif. Les
moeurs et les traditions sociales enracinées dans les modes de production
précapitaliste et capitaliste disparaissent progressivement au fur et à mesure
que s'accomplit cette transformation et que la classe ouvrière devient plus
large et plus puissante.
19. En raison de l'extrême oppression qu'elles subissent, et vu qu'il
n'existe aucune perspective pour que leur vie s'améliore dans le cadré du
système capitaliste, les femmes des pays coloniaux et semi-coloniaux se
retrouveront à l'avant-garde de la lutte pour le changement social.
Par le biais d'écoles internes et d'autres méthodes d'éducation, les
sections de la IV• Internationale doivent préparer systématiquement leurs
propres membres à comprendre l'importance de la lutte de libération des femmes,
même si aucune lutte de masse ne se profile encore à l'horizon. Nous devons
adopter une orientation politique consciente nous permettant de gagner les
femmes à la lutte pour le socialisme, éduquant et intégrant les plus
déterminées d'entre elles comme dirigeantes de notre mouvement.
LES FEMMES
DANS LES ETATS OUVRIERS ET LA REVOLUTION TRAHIE
1. La révolution d'Octobre 1917, ainsi que toutes les révolutions
socialistes victorieuses qui l'ont suivie se sont traduites par des acquis
substantiels pour les femmes, y compris l'obtention de droits démocratiques et
leur intégration dans la force de travail productive. Les mesures prises par
les Bolcheviks sous la direction de Lénine et de Trotsky ont montré explicitement
que la révolution prolétarienne impliquait des progrès immédiats pour les
femmes.
Entre 1917 et 1927, le gouvernement soviétique passa une série de lois
établissant l'égalité entre hommes et femmes sur le plan légal pour la première
fois. Le mariage devint une simple mesure d'enregistrement, basée sur le
consentement mutuel. Le concept d'illégitimité fut aboli. L'avortement légal et
gratuit devint un droit pour toute femme. En 1927, il n'était plus nécessaire
d'enregistrer les mariages et le divorce pouvait être obtenu sur la simple
demande de l'un des deux conjoints. Les lois anti-homosexuelles furent abolies.
.
Il fut décidé lue l'éducation serait gratuite et obligatoire jusqu'à l'âge
de 16 ans pour tous les enfants des deux sexes. La législation accorda des
avantages particuliers aux femmes en ce qui concerne la maternité.
Le programme de 1919 du Parti communiste affirmait : « La tâche
du parti à l'heure actuelle, c'est d’abord d'intervenir sur le plan des idées
et de l'éducation afin de détruire complètement toute trace de l'inégalité et
des préjugés antérieurs, en particulier dans les couches arriérées du
prolétariat et de la paysannerie. Le parti ne limite pas son action à la
question de l'égalité formelle des femmes, mais s'efforce de les libérer des
fardeaux matériels qui pèsent sur elles et des tâches domestiques désuètes, en
les remplaçant par des maisons communautaires, par des restaurants publics, des
laveries, des crèches, etc. » Ce programme fut mis en pratique dans la mesure
du possible, compte tenu de l'arriération économique et de la pauvreté de la
nouvelle République soviétique, sans compter la dévastation causée par près de
dix ans de guerre et de guerre civile.
Une tentative consciente fut effectuée pour tenter de combattre les normes
et les attitudes réactionnaires envers les femmes, qui reflétaient la réalité
d'un pays dont la population était encore en grande majorité paysanne, où les
femmes représentaient un pourcentage relativement faible de la main-d’œuvre, et
où le poids des traditions et des habitudes féodales pesait sur l'ensemble des
relations sociales. Comme de bien entendu, dans un tel contexte, l'expression
d'attitudes réactionnaires envers les femmes se reflétait également dans le
Parti bolchevik, y compris au sein de sa direction. Le parti n'était absolument
pas homogène dans sa compréhension quant à l'importance de mettre en pratique
et d'affiner les mesures indispensables permettant d'appliquer le programme de
1919.
2. L'épuisement de l'avant-garde de la classe ouvrière, décimée durant les
années de guerre, ainsi que l'échec des soulèvements révolutionnaires en Europe
de l'Ouest au lendemain de la guerre mondiale, créèrent les bases, durant les
années 1920, pour le triomphe de la caste bureaucratique contre-révolutionnaire
à la tête de laquelle se trouvait Staline. Alors que les fondements économiques
du nouvel Etat ouvrier n'étaient pas détruits, une couche sociale privilégiée
parvint à croître rapidement sur le terrain fertile de la pauvreté de la
Russie, s'appropriant toute une part des bénéfices provenant de la nouvelle
économie. Dans le but d'étendre ses nouveaux privilèges, la bureaucratie
inversa la politique de Lénine et de Trotsky dans presque tous les domaines,
depuis l'existence d'un gouvernement basé sur la démocratie soviétique jusqu'au
contrôle des travailleurs sur l'économie planifiée en passant par le droit à
l'autodétermination des nationalités opprimées et par le caractère
internationaliste et prolétarien de la politique étrangère.
A la fin des années 1930, la contre-révolution avait physiquement anéanti
tous les survivants de la direction bolchevique, établissant une dictature qui,
à ce jour, continue à maintenir des centaines de milliers de prisonniers dans
les camps et dans les hôpitaux psychiatriques, qui exile et qui réprime
férocement tous ceux qui font preuve de la moindre velléité d'opposition.
Pour les femmes, la contre-révolution stalinienne s'est traduite par une
remise sur pied et un renforcement du système familial. Trotsky a décrit ce
processus dans les termes suivants
« L'émancipation réelle des
femmes est inconcevable sans une élévation générale du niveau économique et
culturel, sans la destruction de l'unité familiale économique
petite-bourgeoise, sans la socialisation de l'éducation et de la préparation de
la nourriture. Cependant, guidée par son instinct de conservation, la
bureaucratie s'est alarmée de la "désintégration", de la famille. On
s'est mis à chanter les louanges du repas familial, de la lessive familiale,
c'est-à-dire de l'esclavage domestique de la femme. Pour couronner le tout, la
bureaucratie a restauré les peines criminelles à propos de l'avortement,
renvoyant officiellement les femmes à leur statut de bête de somme. En
contradiction absolue avec l'ARC du communisme, la caste dominante a donc
restauré la structure la plus réactionnaire et la plus obscurantiste de la
société de classe : la famille petite-bourgeoise. » (« Writings of Leon
Trotsky », 1937-38, II édition, 1976, p. 129)
3. Le facteur essentiel qui facilita ce retour en arrière, ce fut
l'arriération culturelle et matérielle de la société russe qui ne disposait pas
des ressources nécessaires pour construire des crèches, des logements et des
laveries en nombre suffisant, pour financer les services indispensables sur le
plan du ménage et de l'alimentation permettant d'éliminer les bases matérielles
de l'oppression des femmes. Cette arriération contribua aussi et plus
généralement à maintenir la division sociale du travail héritée de la période
tsariste.
Mais au-delà de ces limitations objectives, la bureaucratie stalinienne
réactionnaire renonça consciemment à mettre en avant toute perspective allant
dans le sens d'une socialisation qui permettrait d'alléger le fardeau qui
reposait sur les épaules des femmes, et elle se mit au contraire à glorifier le
système familial, cherchant à renforcer ce dernier par le biais de restrictions
légales et de contraintes économiques.
Comme Trotsky le soulignait dans la « Révolution trahie », « Ce recul ne
s'effectue pas seulement sur un mode hypocrite absolument répugnant, mais il va
beaucoup plus loin que ne l'exigent des contraintes économiques implacables. »
La bureaucratie a renforcé le système familial pour l'une de ces mêmes
raisons qui font qu'il est maintenu dans la société capitaliste - c'est-à-dire
comme moyen d'inculquer des attitudes de soumission à l'autorité et afin de
perpétuer les privilèges d'une minorité. Trotsky expliquait que « la raison la
plus importante du culte actuel de la famille, c'est sans aucun doute la nécessité
pour la bureaucratie de maintenir des relations hiérarchiques stables et
d'imposer une discipline à la jeunesse qui se traduise en autant de points
d'appui pour imposer son pouvoir et son autorité. »
Dans la foulée de ce processus contre-révolutionnaire, les anciennes lois
tsaristes contre l'homosexualité furent réintroduites après qu'on les eût
dépoussiérées. Le renforcement de la famille permit à la bureaucratie de
perpétuer une importante division au sein de la classe ouvrière : la division
entre l'homme, considéré comme « chef et gagne-pain de la famille », et la
femme, responsable des tâches liées à l'entretien du foyer, quelles que soient
par ailleurs ses autres activités.
De manière plus générale, cela signifia le maintien de la division entre
vie privée et vie publique, avec l'isolement qui en résulte, aussi bien pour
les hommes que pour les femmes. Le renforcement de la famille nucléaire
renforça aussi la bureaucratie par l'encouragement que cela représentait à des
attitudes de repli de chaque famille sur elle-même et, dans le cadre d'une
politique générale de planification allant dans tous les sens sauf dans le sens
de la satisfaction des besoins des travailleurs, cela permet à la bureaucratie
de réduire les coûts des services sociaux.
La situation créée par la révolution prolétarienne et par la
contre-révolution stalinienne en Union soviétique n'a pas été systématiquement
reproduite dans tous les Etats ouvriers déformés d'Europe de l'Est et d'Asie.
Des différences importantes reflètent les disparités existant d'un pays, voire
d'une région, à l'autre, sur le plan historique, culturel, économique ou
social. Cependant, en dépit de variations dans le degré de participation des
femmes au processus de production, dans le nombre de crèches ou d'autres services
sociaux, le maintien des inégalités économiques et sociales des femmes ainsi
que la politique visant à renforcer et à justifier le travail domestique des
femmes reste la politique officielle dans tous les Etats ouvriers déformés.
4. En 1970, selon les statistiques officielles d'Union soviétique, 90 % de
toutes les femmes de 16 à 54 ans habitant les villes travaillaient à
l'extérieur de la maison. En moyenne, néanmoins, les femmes soviétiques passent
de 4 à 7 heures par jour à des tâches domestiques en plus des huit heures
qu'elles effectuent dans leur travail salarié.
Le maintien, pour les femmes de la responsabilité des tâches domestiqués
impliquant l'éducation des enfants, la cuisine, le nettoyage, la lessive et le
soin de veiller aux besoins de tous les autres membres de la famille,
représente la base économique et sociale sur laquelle se fondent les
désavantages et les préjugés concernant les femmes, ainsi que les
discriminations qui en résultent sur le plan du travail et du salaire. Cela
influence profondément la façon dont les femmes se perçoivent elles-mêmes, leur
rôle dans la société, et les objectifs qu'elles se fixent.
Une enquête faite en Tchécoslovaquie à la fin des années 1960 révèle que
près de 80 % des femmes interviewées acceptaient l'idée de rester à la maison
jusqu'à ce que leur enfant ait atteint l'âge de trois ans, si leur mari était
d'accord et que le salaire de ce dernier soit suffisant pour subvenir aux
besoins de la famille. C'est à peine surprenant si l'on considère que, durant la
même période, sur 500 femmes interrogées qui avaient une position de cadre sur
le plan professionnel, la moitié déclaraient qu'elles effectuaient la totalité
des travaux domestiques à la maison (elles y passaient de 4 à 5 heures par
jour).
Alors que 50 % des salariés en URSS sont des femmes, ces dernières sont
confinées avant tout dans des travaux mal payés, peu qualifiés, dans les
secteurs « féminins » de l'industrie et dans les services. C'est ainsi que 43,6
% de l'ensemble des femmes actives travaillent encore dans l'agriculture, alors
qu'un quart d'entre elles est employé dans le textile. Dans le primaire et le
secondaire, 80 % des enseignants sont des femmes, et elles représentent la
totalité du personnel dans les maternelles. En 1970, seuls 6,6 % de l'ensemble
des entreprises industrielles étaient dirigées par des femmes. D'après les
statistiques de 1966, la moyenne des salaires féminins en URSS était de 69,3 %
de ceux des hommes, contre 64,4 % en 1924 !
En 1970, dans l'ensemble des pays de l'Est, l'écart salarial allait de 27 à
30 % en dépit des lois sur l'égalité des salaires qui ont été passées dans ces
pays depuis des décennies. Cela reflète le fait que les femmes ne font pas le
même travail que les hommes. Non seulement elles continuent à être orientées
vers les emplois « féminins » moins bien payés, non seulement elles ont souvent
des qualifications supérieures aux postes qu'elles occupent, mais parmi les
femmes qui effectuent un apprentissage débouchant sur des emplois qualifiés et
mieux payés (notamment dans l'industrie lourde), très peu d'entre elles
continuent à travailler dans ces secteurs par la suite. Les responsabilités
familiales font qu'il est difficile de se tenir à jour face aux nouveaux
développements dans une spécialité donnée. Les lois protectrices déterminant
des conditions de travail particulières pour les femmes ont aussi souvent des
effets discriminatoires qui les empêchent d'occuper des postes identiques à
ceux des hommes.
En 1976, plus de 40 % de tous les scientifiques soviétiques étaient des
femmes, mais il n'y en avait que trois parmi les 243 membres de l'Académie des
sciences en URSS. Du point de vue des responsabilités politiques seules huit
femmes étaient membres du comité central du PC soviétique sur 287 élus, et il
n'y en avait aucune au bureau politique.
En URSS et dans les pays de l'Est, tout comme dans les pays capitalistes
avancés, les sciences médicales et la technologie ont suffisamment progressé
pour permettre d'alléger considérablement le double fardeau qui repose sur les
femmes. Cependant, l'absence de tout contrôle démocratique sur la production de
la part des travailleurs ainsi que la domination de la caste bureaucratique
privilégiée sont à la source de distorsions entre le processus productif et la
planification économique qui provoquent de forts ressentiments. De ce point de
vue, les femmes ressentent le poids de la bureaucratie encore plus que les
hommes dans la mesure où ce sont elles qui sont obligées de combler les
carences existant sur le plan économique en accomplissant une double journée de
travail.
Durant la dernière décennie, la potentialité explosive de ce ressentiment a
contraint différentes castes bureaucratiques à planifier une augmentation dans
la production des biens de consommation ainsi qu'une amélioration des services
sociaux. Mais le niveau des biens de consommation à disposition continue à être
bien en deçà des besoins et des aspirations qui vont croissant. Les services
sociaux, eux aussi, demeurent inadéquats. Les statistiques officielles montrent
par exemple qu'en 1978 en URSS, même si le nombre de crèches était plus élevé
que dans les pays capitalistes avancés, celles-ci ne pouvaient cependant
accueillir que 13 des 35 millions d'enfants en âge préscolaire.
En Tchécoslovaquie et en Pologne au début des années 1970, il n'y avait de
place dans les maternelles que pour 10 % des enfants de moins de trois ans, et,
respectivement, pour 37 et 45 % des enfants de trois à six ans. Et ceci, alors
même que les femmes représentent de 40 à 45 % de la main d'oeuvre active dans
ces pays. En dépit de toutes les difficultés que suppose une telle situation
pour les travailleuses, certains officiels staliniens remettent à l'honneur la
théorie de la « division naturelle du travail » entre hommes et femmes. En Tchécoslovaquie
et en Hongrie, la « solution » mise en avant pour pallier les carences des
services sociaux et, en même temps, pour tenter de renverser la tendance à la
baisse de la natalité, c'est en quelque sorte un a salaire ménager » accordé
aux mères d'un ou de deux enfants de moins de trois ans. En Tchécoslovaquie, ce
système s'accompagne d'une augmentation substantielle de l'allocation de
naissance pour chaque enfant (presque l'équivalent d'un mois de salaire). De
telles mesures tendent évidemment à faire pression sur les femmes pour qu'elles
restent à la maison, compte tenu de la double journée qui s'ajoute à leur
travail extérieur.
Le nombre de laveries publiques est insignifiant (en Tchécoslovaquie, en
Pologne et en URSS, elles ne couvrent que de 5 à 10 % des besoins).
Parallèlement, le nombre d'hommes et de femmes qui mangent dans des
restaurants publics a énormément diminué depuis les années 1950. Vu l'élévation
des prix et la mauvaise qualité, seuls 20 % de la population tchécoslovaque
prennent leurs repas à l'extérieur de la maison - comparés aux 50 % de la
période précédente.
Tous ces éléments vont dans le sens d'enfermer les femmes à la maison, une
tendance renforcée par la propagande de la bureaucratie en faveur du travail à
temps partiel. En Allemagne de l'Est, par exemple, cela s'exprime par la
journée de congé mensuelle attribuée aux femmes pour qu'elles puissent
effectuer leurs tâches domestiques. Bien sûr, ce « privilège particuliers n'est
accordé qu'à elles.
En octobre 1977, la même tendance réactionnaire se traduisait par
l'incorporation, dans la Constitution soviétique en révision, d'un amendement à
l'article 35, censé garantir l'égalité des droits de la femme. La Constitution
amendée prévoit « la réduction graduelle de la durée de la journée de travail
pour les femmes ayant des enfants en bas-âge s. Les dirigeants soviétiques
expliquèrent que cette nouvelle disposition dans la Constitution reflétait la
ligne du parti et de l'Etat soviétique tendant à améliorer la situation des «
femmes en tant que travailleuses, mères, éducatrices et ménagères ».
Le renforcement de la division sociale du travail entre hommes et femmes se
traduit également par la politique gouvernementale dans ces pays où tout est
mis en oeuvre pour tenter d'augmenter le taux de natalité afin de satisfaire
les besoins en main-d’œuvre. (L'Allemagne de l'Est est le seul pays à faire
exception à l'heure actuelle). Au moment même où il est devenu plus facile
d'avorter pour les femmes des pays capitalistes, la tentative d'imposer une
croissance de la population a entraîné des mesures restrictives concernant
l'avortement dans toute l'Europe de l'Est.
De fait, les bureaucraties staliniennes ont récusé la conception de Lénine
et des autres dirigeants de la Révolution russe selon laquelle l'accès sans
restriction à l'avortement est un droit démocratique élémentaire des femmes.
Alors que l'avortement est généralement légal en URSS et dans les pays de
l'Est, les castes dirigeantes n'ont cessé de restreindre ce droit, plaçant
souvent les femmes dans des conditions humiliantes et leur imposant des
sanctions sur le plan économique lorsqu'elles cherchent à avorter (comme le
refus d'un congé payé en cas d'avortement ou le refus de considérer celui-ci
comme un acte médical gratuit).
A l'exception de la Pologne, la plupart des pays de l'Est ont explicitement
rejeté jusqu'à il y a peu de temps, toute perspective d'éducation sexuelle ou
d'information massive sur les moyens contraceptifs. Les centres de Planning
familial étaient quasiment inexistants, et l'accès aux moyens de contraception
tels que la pilule ou la stérilisation était strictement limité (en
Tchécoslovaquie, au début des années 1970, seuls 5% des femmes usaient de
telles méthodes). Mais aucune de ces mesures n'est parvenue à renverser la tendance
à la diminution des naissances ou à faire décroître le nombre des avortements.
Confrontés à ce « problème », les bureaucrates font preuve de beaucoup
d'imagination pour inventer des moyens encourageant les femmes à avoir plus
d'enfants. Ils ont recours à tout, sauf à la socialisation des tâches
domestiques. En Pologne, ils ont étudié la possibilité d'introduire un «
salaire ménager », ou d'imposer une taxe sur le revenu des ménagères refusant
d'avoir des enfants, ou de repousser l'âge de la retraite des femmes de 60 à 65
ans pour alimenter un fonds destiné aux allocations maternité, ou encore
d'abaisser l'âge de la retraite des femmes à 55 ans pour leur permettre de
prendre part à la garde des enfants en bas âge. En Chine, par ailleurs, la
bureaucratie stalinienne a introduit des mesures économiques spéciales qui
pénalisent les couples ayant plus de deux enfants, afin de tenter de limiter la
croissance de la population. Le droit de choisir est subordonné aux décisions
économiques prises par la bureaucratie.
Dans tous les pays d'Europe de l'Est, et en Chine, la politique de la
bureaucratie tend à renforcer la répression sexuelle. Les restrictions extrêmes
sur le plan du logement ; le type d'éducation dispensé aux enfants dès leur
plus jeune âge ; le refus fréquent de louer des chambres d'hôtel aux couples
non-mariés ; les pressions pour que le gens se marient plus tardivement, sont
autant d'éléments qui reflètent les moeurs dominantes sur le plan social et
l'opposition de la bureaucratie à toute forme de libération sexuelle. Compte
tenu de la place qu'elles occupent au sein de la famille, les femmes sont bien
entendu les premières à faire les frais de cette politique et de ces normes
répressives.
5. Les femmes des Etats ouvriers dégénérés ne verront pas leur pleine
libération sans une révolution politique qui arrache son pouvoir à la caste
bureaucratique et restaure la démocratie ouvrière. Bien qu'il y ait encore peu
d'indications concernant une élévation du niveau de conscience à propos de
l'oppression des femmes, il n'y a pas de barrière étanche entre les pays
capitalistes et les Etats ouvrier, spécialement entre l'Europe de l'Ouest et
l'Europe de l'Est.. Les femmes des Etats ouvriers seront inévitablement
influencées par la radicalisation des femmes d'autres pays et par les
revendications que ces dernières mettent en avant.
La lutte des femmes pour leur libération sera un élément important du
processus de remise en cause pour renverser les régimes bureaucratiques et
établir une démocratie socialiste. Les revendications touchant à la
socialisation des tâches domestiques en particulier sont un aspect déterminant
du programme de transition pour la révolution socialiste à venir.
D'un certain point de vue, en comparaison avec les pays capitalistes
avancés, l'indépendance économique et le statut des femmes dans les Etats
ouvriers offre un exemple positif. Mais l'histoire de l'Union soviétique montre
aussi de manière frappante que la famille est la pierre angulaire de
l'oppression des femmes. Aussi longtemps que la servitude domestique des femmes
est maintenue et encouragée par les mesures économiques et politiques
officielles, aussi longtemps que les fonctions de la famille ne sont pas
réellement prises en charge par des institutions sociales supérieures, toute insertion
véritablement égale des femmes dans la vie productive et sociale est
impossible. La responsabilité des femmes dans les tâches domestiques est à la
source des inégalités auxquelles elles sont confrontées dans la vie
quotidienne, dans l'éducation, au travail et dans la politique.
6. La contre-révolution stalinienne en ce qui concerne les femmes et la
famille, le degré important d'inégalité qui touche les femmes en Union
soviétique particulièrement, plus de 60 ans après la Révolution d'Octobre
constituent aujourd'hui l'un des obstacles pour gagner au marxisme
révolutionnaire les femmes qui se radicalisent dans d'autres pays. Comme sur
beaucoup d'autres points, la politique stalinienne est souvent confondue avec
le léninisme, plutôt que d'être reconnue pour ce qu'elle est : la négation du
léninisme. Les femmes qui luttent ailleurs pour leur libération regardent
souvent ce qui se passe en URSS et dans les Etats ouvriers déformés en disant :
« Si c'est là ce que le socialisme représente pour les femmes, nous n'en avons
nul besoin. » Beaucoup d'anti-marxistes utilisent la situation des femmes dans
ces pays pour « prouver » que le chemin qui mène à la libération des femmes ne
passe pas par la lutte des classes. La bataille pour gagner les dirigeantes
féministes dans d'autres pays du monde est donc étroitement liée au
développement de la révolution politique dans les Etats ouvriers déformés ou
dégénérés, aussi bien qu'à notre capacité à mettre en avant une image
différente du socialisme pour lequel nous, en tant que marxistes authentiques,
nous nous battons.
LA IV•
INTERNATIONALE ET LA LUTTE POUR LA
LIBERATION DES FEMMES
NOTRE
ORIENTATION
1. La IV• Internationale salue et soutient la montée d'une nouvelle vague
de luttes menées par les femmes pour mettre un terme à leur oppression
séculaire. En nous battant en première ligne, nous faisons la preuve que le
parti mondial de la révolution socialiste peut fournir une direction capable de
mener jusqu'au bout la lutte pour la libération des femmes. Notre objectif est
de gagner la confiance et la direction de la masse des femmes en leur
démontrant que notre programme et nos orientations de lutte de classes mèneront
à l'élimination de l'oppression des femmes en suivant la voie de la révolution
prolétarienne victorieuse et de la reconstruction socialiste de la société.
2. Cette orientation de la 1V° Internationale s'inscrit dans la longue
tradition du marxisme-révolutionnaire. Elle se fonde sur les considérations
suivantes
a) L'oppression des femmes est apparue durant la transition de la société
pré-classiste à la société de classes. Elle est indispensable au maintien' de
la société de classes en général et du capitalisme en particulier. Donc, la
lutte de la masse des femmes contre leur oppression est un aspect de la lutte
contre la domination de classe capitaliste.
b) Les femmes représentent à la fois une composante importante de la classe
ouvrière et un puissant allié potentiel de la classe ouvrière dans la lutte
pour le renversement du capitalisme. Sans la révolution socialiste, les femmes
ne peuvent instaurer les conditions préalables à leur libération. Sans la
mobilisation de la masse des femmes dans la lutte pour leur propre libération,
la classe ouvrière ne peut accomplir ses tâches historiques. La destruction de l'État
bourgeois, l'éradication de la propriété capitaliste, la transformation des
bases et des priorités économiques de la société, la consolidation d'un nouveau
pouvoir d'Etat basé sur l'organisation démocratique de la classe ouvrière et de
ses alliés et la lutte permanente pour éliminer toutes les formes d'oppression
dans les relations sociales héritées de la société de classes, tout cela ne
peut être mené à bien, en dernière instance, sans la participation et la
direction conscientes d'un mouvement autonome de libération des femmes.
Ainsi notre soutien à la construction d'un mouvement de libération des
femmes indépendant est partie prenante de la stratégie du parti ouvrier
révolutionnaire. Il découle du caractère même de l'oppression des femmes, des
divisions sociales créées par le capitalisme lui-même et de la façon dont elles
sont utilisées pour diviser et affaiblir la classe ouvrière et ses alliés dans
la lutte pour l'abolition de la société de classe.
c) Toutes les femmes sont opprimées en tant que femmes. Les luttes sur des
aspects spécifiques de l'oppression des femmes se mènent forcément avec la
participation de femmes de différentes classes et couches sociales. Même
certaines femmes bourgeoises, en se révoltant contre leur oppression en tant
que femmes peuvent rompre avec leur classe et être gagnées au camp du mouvement
ouvrier révolutionnaire qui incarne la voie de leur libération.
Comme Lénine le soulignait dans ses discussions avec Clara Zetkin, la lutte
sur des aspects de l'oppression des femmes ouvre la possibilité de toucher au
coeur l'ennemi de classe, de « susciter et d'accroître le malaise,
l'inquiétude, les contradictions et les conflits au sein de la bourgeoisie et
de ses amis réformistes... Tout affaiblissement de l'ennemi équivaut à un renforcement
de notre camp ».
Il y a un élément encore plus important du point de vue du parti marxiste-révolutionnaire
: la révolte contre leur oppression en tant que femmes peut souvent représenter
un point de départ dans la radicalisation de couches décisives de femmes de la
petite bourgeoisie, dont la classe ouvrière doit gagner le soutien.
d) Si toutes les femmes sont opprimées, les effets de cette oppression sont
différents pour les femmes en fonction de leur classe. Celles qui subissent la
plus grande exploitation économique sont généralement celles qui souffrent
aussi le plus de leur oppression en tant que femmes. Ainsi le mouvement de
libération des femmes ouvre la voie de la mobilisation de nombreuses femmes
parmi les plus opprimées et les plus exploitées qu'on ne pourrait peut-être
toucher si rapidement au travers des luttes de la classe ouvrière.
e) Si toutes les femmes sont affectées par leur oppression en tant que
femmes, le mouvement de masse de libération des femmes que nous nous efforçons
de construire doit être fondamentalement prolétarien dans sa composition, son
orientation et sa direction. Seul un tel mouvement qui s'enracine dans les
couches les plus exploitées des femmes de la classe ouvrière, sera capable de
mener le combat pour la libération des femmes jusqu'au bout et sans
compromission, en s'alliant aux forces sociales dont les intérêts de classe
sont parallèles à ceux des femmes ou les recoupent. Seul un tel mouvement sera
capable de jouer un rôle progressiste dans des conditions d'exacerbation de la
lutte de classes.
f) Dans cette perspective à long terme, les luttes des femmes dans les
syndicats et au travail ont une importance spéciale car elles reflètent les
relations vitales entre le mouvement des femmes et le mouvement ouvrier, et leur
impact réciproque. Ceci se reflète dans la radicalisation croissante des femmes
de la classe ouvrière à l'heure actuelle, dans la compréhension toujours plus
grande des forces du mouvement de libération des femmes qu'elles doivent
s'orienter vers les luttes des travailleuses, et dans la volonté de certains
secteurs de la bureaucratie syndicale de plusieurs pays de commencer à prendre
des initiatives à propos des revendications des femmes. Tous ces éléments
indiquent le caractère et la composition futurs du mouvement de libération des
femmes, ainsi que la nature de classe des forces qui se mettront à sa tête pour
lui donner une direction.
g) Les luttes des femmes contre leur oppression en tant que sexe sont
intimement liées à celles des travailleurs en tant que classe, sans pour autant
en dépendre complètement ni s'y identifier. Les femmes ne peuvent conquérir
leur libération qu'en s'alliant à la force organisée de la classe ouvrière.
Mais cette nécessité historique ne signifie nullement que les femmes devraient
attendre pour mener leurs luttes, quelles qu'elles soient, que la bureaucratie
ouvrière en place soit remplacée par une direction révolutionnaire qui reprenne
le drapeau de la libération des femmes. Pas plus que les femmes n'ont à
attendre que la révolution socialiste ait créé les bases matérielles
nécessaires pour en finir avec leur oppression. Au contraire, les femmes en
lutte pour leur libération n'ont à attendre de personne qu'on leur montre la
voie. C'est à elles de prendre la tête dans le déclenchement des luttes et pour
les faire progresser. Ce faisant elles joueront un rôle dirigeant au sein de
l'ensemble du mouvement ouvrier et contribueront à créer le type de direction
ayant une orientation de lutte de classe indispensable pour progresser sur tous
les fronts.'
h) Le sexisme est l'une des armes les plus puissantes utilisées par la
classe dirigeante pour diviser et affaiblir le mouvement ouvrier. Mais il ne se
contente pas de diviser et d'opposer les hommes et les femmes. Il s'enracine
dans le caractère même de la société de classe, et dans les innombrables
manières dont l'idéologie bourgeoise est inculquée à chaque individu dès sa
naissance. Les patrons dressent chaque secteur de la classe ouvrière contre
tous les autres. Ils encouragent l'idée que l'égalité des femmes ne peut être
obtenue qu'aux dépens des hommes - en enlevant aux hommes leurs emplois, en
abaissant leurs salaires et les privant du confort domestique. La bureaucratie
réformiste du mouvement ouvrier joue bien sûr aussi sur ces divisions pour
maintenir son contrôle. C'est un frein qui pèse aussi bien sur les femmes que
sur les hommes, par-delà les clivages de sexe. L'éducation de la masse des
travailleurs, hommes et femmes, par la propagande, l'agitation, et l'action à
propos des besoins des femmes, constitue une part essentielle de la lutte pour
dégager la classe ouvrière de l'emprise de l'idéologie bourgeoise
réactionnaire. C'est un élément indispensable de la politisation et de
l'éducation révolutionnaire du mouvement ouvrier.'
i) La classe ouvrière ne peut atteindre la pleine possession de sa force de
son pouvoir et de son unité que si le mouvement ouvrier commence à battre en
brèche ses profondes divisions internes. Ce résultat ne sera atteint que si les
travailleurs arrivent à comprendre que ceux d'entre eux qui se trouvent au
sommet de l'échelle salariale ne doivent pas leurs avantages matériels relatifs
au fait que d'autres subissent des discriminations et sont particulièrement
opprimés. Ce sont au contraire les patrons qui profitent de telles
stratifications et de telles divisions. Les intérêts de classe de tous les
travailleurs sont les mêmes que ceux qui s'expriment dans les revendications et
les besoins des couches les plus opprimées et les plus exploitées de la classe
: les femmes, les nationalités opprimées, les travailleurs immigrés, les
jeunes, les inorganisés, les chômeurs. Le mouvement des femmes a un rôle
particulièrement important à jouer pour éduquer la classe ouvrière et lui faire
comprendre cette vérité.
j) La lutte pour amener le mouvement ouvrier organisé à reprendre en charge
les revendications des femmes s'inscrit dans la lutte pour amener la classe
ouvrière à réfléchir d'un point de vue de classe et à agir politiquement. C'est
un axe central de la bataille pour transformer les syndicats en instruments de
lutte révolutionnaire au service des intérêts de toute la classe ouvrière. En
combattant les efforts des patrons visant à maintenir la division au sein de la
classe ouvrière, nous nous efforçons de gagner la base des syndicats, et en
particulier les jeunes travailleurs les plus combatifs. Plus nous serons
capables de remporter cette bataille, plus nous verrons la bureaucratie
syndicale se diviser. Ceux qui refusent de défendre les intérêts de la grande
majorité des plus opprimés et des plus exploités se verront peu à peu écartés.
La lutte du parti révolutionnaire pour conquérir l'hégémonie et la
direction au sein de la classe ouvrière est inséparable de la lutte pour
convaincre la classe ouvrière et ses organisations de reconnaître et d'appuyer
les luttes des femmes comme partie prenante de leurs propres luttes.
k) La lutte contre l'oppression des femmes n'est pas une question
secondaire ou marginale. C'est un problème vital pour le mouvement ouvrier,
surtout dans une période d'accentuation de la polarisation de classe.
Parce que la place des femmes dans la société de classe engendre beaucoup
d'angoisses et de craintes très profondes, et parce que l'idéologie qui cimente
le statut d'infériorité des femmes garde une puissante emprise en particulier à
l'extérieur de la classe ouvrière, les femmes restent une cible privilégiée
pour toutes les organisations cléricales, réactionnaires et fascistes. Que ce
soient les démocrates-chrétiens, la Phalange, ou les adversaires du droit à
l'avortement, la réaction fait spécialement appel au soutien des femmes, en
prétendant s'adresser à leurs besoins spécifiques, en profitant de leur
dépendance économique sous le capitalisme, et en promettant de soulager les
femmes du fardeau encore plus lourd qu'elles portent dans toutes les périodes
de crise sociale.
Depuis le slogan « Kinder-Kirche-Küche » du mouvement nazi jusqu'à la
mobilisation des femmes bourgeoises par les démocrates-chrétiens au Chili lors
de la manifestation des casseroles vides en 1971, l'histoire a prouvé à maintes
reprises que la mystique réactionnaire de la maternité et de la famille est
l'une des armes les plus puissantes que la bourgeoisie ait forgée au service de
la réaction.
Une fois de plus le Chili a tragiquement démontré que si le mouvement
ouvrier échoue à présenter et à défendre un programme et une orientation
révolutionnaires qui répondent aux besoins de la masse des femmes, nombre de
femmes de la petite bourgeoisie ou même de la classe ouvrière seront soit mobilisées
dans le camp de la réaction, soit neutralisées en tant que soutien potentiel du
prolétariat.
Les changements objectifs dans le rôle économique et social des femmes, et
la radicalisation nouvelle des femmes avec les changements de mentalités et d'attitudes
qu'elle a entraînés, compromettent les chances de la réaction de l'emporter.
C'est une source nouvelle d'optimisme révolutionnaire pour la classe ouvrière.
Le caractère massif de la prise de conscience féministe en Espagne, qui
représente une des composantes les plus significatives de la montée de la lutte
des classes après la mort de Franco, prouve aussi la rapidité avec laquelle
l'emprise idéologique de l'Eglise et de l'Etat peut commencer à s'effriter dans
une période de fermentation révolutionnaire, même dans des secteurs de la
population où elle était très forte.
I) Si la victoire de la révolution prolétarienne peut créer les bases
matérielles de la socialisation du travail domestique et jeter les bases de
l'égalité économique et sociale complète des femmes, cette reconstruction
socialiste de la société, qui posera toutes les relations humaines sur des
bases nouvelles, ne s'accomplira pas immédiatement et automatiquement.
Pendant la période de transition vers le socialisme, la lutte pour extirper
toutes les formes d'oppression héritées de la société de classe continuera. Par
exemple, la division sociale du travail en tâches féminines et masculines doit
être éliminée dans toutes les sphères d'activité depuis la vie quotidienne
jusqu'aux entreprises. Il faudra prendre des décisions concernant la
répartition des ressources insuffisantes. Il faudra mettre sur pied un plan
économique qui tienne compte des besoins sociaux des femmes et qui contribue à
une socialisation accélérée des tâches domestiques. Le maintien de
l'organisation autonome des femmes sera une précondition pour parvenir
démocratiquement à des décisions économiques et sociales correctes. Ainsi, même
après la révolution, le mouvement autonome des femmes jouera un rôle
indispensable comme garant de la capacité de la classe ouvrière dans son
ensemble, hommes et femmes, à mener à bien la transformation sociale.
Notre stratégie de lutte de classe pour la lutte contre l'oppression des
femmes, notre réponse à la question : comment mobiliser ta classe ouvrière aux
côtés des femmes et la masse des femmes aux côtés de la classe ouvrière a trois
aspects : nos revendications politiques, nos méthodes de lutte, et notre
indépendance de classe.
NOS REVENDICATIONS
A travers l'ensemble du corps de revendications que nous mettons en avant -
qui traitent toutes les questions, depuis la liberté d'association politique,
jusqu'au chômage et à l'inflation, en passant par l'avortement et la prise en
charge des enfants, le contrôle ouvrier et l'armement du prolétariat - nous
cherchons à articuler les besoins, les luttes et le niveau de conscience de la
masse des travailleurs aujourd'hui avec le point culminant dé la révolution
socialiste. Comme partie intégrante de ce programme de transition, nous
avançons des revendications qui répondent à l'oppression spécifique des femmes.
Notre programme est orienté vers les questions sur lesquelles les femmes
peuvent entrer en lutte pour desserrer l'étau de leur oppression et remettre en
cause les privilèges de la bourgeoisie. Il tient compte de tous les aspects de
l'oppression des femmes : légale, économique, sociale, sexuelle, et offre des
réponses à tous ces problèmes.
Ces revendications s'adressent à ceux qui sont responsables des conditions
économiques et sociales dans lesquelles s'enracine l'oppression des femmes la
bourgeoisie, son gouvernement et ses agents. Nous fixons au mouvement de
libération des femmes des objectifs clairs. Nous avançons nos revendications et
notre propagande de façon à montrer comment une société qui ne serait plus
fondée sur la propriété privée, l'exploitation et l'oppression transformerait
radicalement la vie des femmes dans tous les domaines.
Cet ensemble de tâches et de mots d'ordre inclut des revendications
immédiates, démocratiques et transitoires. Certaines peuvent être et seront
arrachées à la bourgeoisie au cours de la lutte qui mènera à la révolution
socialiste. De telles victoires sont source d'inspiration, de confiance accrue
et d'indépendance. D'autres revendications seront partiellement satisfaites.
Les plus fondamentales rencontreront jusqu'au bout la résistance de ceux qui
contrôlent la propriété et la richesse. Elles ne seront satisfaites que par la
conquête du pouvoir et la reconstruction socialiste de la société.
En luttant pour ces revendications -- aussi bien celles qui apportent des
solutions à l'oppression spécifique des femmes que celles qui répondent aux
autres besoins des nationalités opprimées et de la classe ouvrière dans son
ensemble -- la massé des femmes arrivera à saisir les liens entre l'oppression
et la domination de classe dont elles sont victimes.
Nos revendications orientées vers l'élimination de l'oppression spécifique
des femmes sont centrées sur les points suivants
1. EGALITE TOTALE,
LEGALE, POLITIQUE ET SOCIALE POUR LES FEMMES
Pas de discrimination fondée sur le sexe. Droit pour toutes les femmes de
voter, de s'engager dans une activité publique, de former ou d'adhérer à des organisations
politiques, de vivre et de voyager où bon leur semble, d'entreprendre toute activité
de leur choix. Abrogation de toutes les lois et règlements impliquant des
discriminations à l'égard des femmes. Extension aux femmes de tous les droits
démocratiques conquis par les hommes.
2. DROIT DES FEMMES A CONTROLER LEUR
PROPRE CORPS
Seule la femme a le droit de choisir si elle veut ou non prévenir ou
interrompre une grossesse. Ce qui implique le rejet des plans de contrôle des
populations qui sont des instruments du racisme ou des préjugés de classe et
qui tentent de rejeter la responsabilité des maux de la société de classe sur
la masse des ouvriers et des paysans.
a) Abrogation de toutes les restrictions gouvernementales en matière
d'avortement et de contraception, y compris pour les mineures, les
travailleuses immigrées et toutes celles qui sont privées des droits civiques.
b) Avortement libre et gratuit ; ni stérilisation forcée, ni aucune
ingérence du gouvernement dans le droit des femmes à choisir si et quand elles
veulent des enfants. Droit de la femme à toute méthode d'avortement ou de contraception
de son choix.
c) Gratuité de la contraception et information la plus large. Centres de
contraception et d'éducation sexuelle financés par l'Etat dans les écoles, les
quartiers, les hôpitaux et les entreprises.
d) Priorité dans la recherche médicale au développement de contraceptifs
pour les hommes et les femmes, efficaces et sans aucun danger; suppression de
toute expérimentation médicale et pharmaceutique sur les femmes sans leur
consentement, sans qu'elles aient été pleinement informées ; nationalisation de
l'industrie pharmaceutique.
3. SUPPRESSION DES LOIS FAMILIALES BOURGEOISES ET FEODALES, HYPOCRITES, AVILISSANTES ET CONTRAIGNANTES
a) Séparation de l'Eglise et de l'Etat.
b) Suppression de tous les mariages forcés, de la vente et de l'achat des
femmes. Abrogation de toutes les lois contre l'adultère. Abolition des lois
accordant aux hommes des « droits conjugaux » sur leurs femmes. Suppression de
toutes les lois séculaires ou religieuses sanctionnant les abus, la violence
physique ou même le meurtre des épouses, soeurs et filles coupables de
prétendus crimes contre « l'honneur masculin ».
c) Abolition de toutes les lois interdisant le mariage entre hommes et
femmes de différentes races, religions ou nationalités.
d) Mariage par libre consentement et enregistrement civil.
e) Droit automatique au divorce à la demande de l'un des deux époux.
Allocation d'Etat et formation professionnelle pour les femmes divorcées sans
ressources.
f) Abolition du concept d' « illégitimité ». Suppression de toute
discrimination à l'encontre des mères célibataires et de leurs enfants.
Suppression du régime quasi-carcéral en vigueur dans les centres réservés aux
mères célibataires et aux autres femmes qui n'ont nulle part où aller.
g) La prise en charge matérielle et l'éducation des enfants doivent reposer
sur la société plutôt que sur les parents. Abolition de toutes les lois qui
donnent aux parents des droits de propriété et un contrôle total sur les
enfants. Promulgation et stricte application de lois contre les mauvais
traitements infligés aux enfants.
h) Suppression de toutes lois pénalisant les prostituées. Suppression de
toutes les lois qui renforcent la discrimination hommes-femmes en matière
sexuelle. Suppression de toutes les lois qui pénalisent les jeunes pour
activités sexuelles.
i) Abolition des mutilations de femmes au travers de la pratique de
l'infibulation ou de la clitoridectomie.
) Abrogation de toutes les lois contre les homosexuels. Suppression de
toute discrimination à l'encontre des homosexuels, en matière d'emploi, de
logement et de garde des enfants. Suppression de l'image caricaturale des
homosexuels dans les manuels et les médias, et de la représentation des
relations homosexuelles comme perversion contre nature.
k) Les violences faites aux femmes - souvent entérinées par des lois
familiales réactionnaires - sont une réalité quotidienne que toutes les femmes
vivent sous une forme ou une autre. Quand ce n'est pas sous ta forme extrême du
viol ou des coups, il y a la menace toujours présente de l'agression sexuelle
implicite au travers de la circulation très large de littérature pornographique
et des remarques et gestes obscènes que les femmes subissent constamment dans
la rue et au travail.
Nous exigeons la suppression des lois reposant sur la présomption que les
femmes victimes de viol sont les coupables ; ouverture de centres -
indépendants de la police et de la justice - pour accueillir, conseiller et
aider les femmes battues, violées, et les autres femmes victimes de violences
sexuelles ; amélioration des transports publics, de l'éclairage des rues, et
autres services publics pour une meilleure sécurité des femmes qui sortent seules.
Les violences contre les femmes sont le produit empoisonné des conditions
générales, économiques et sociales, de la société de classe. Elles augmentent
inévitablement pendant les périodes de crise sociale. Mais nous nous efforçons
d'inculquer aux femmes et aux hommes l'idée que la violence sexuelle ne peut
être extirpée sans changer les fondements sur lesquels repose la dégradation
économique, sociale et sexuelle des femmes. Nous dénonçons l'utilisation
raciste et anti-ouvrière des lois contre le viol qui frappe les hommes des
nationalités opprimées. Nous repoussons les revendications avancées par
certaines féministes visant à infliger des peines sévères aux violeurs
condamnés ou à renforcer l'appareil répressif de l'État, dont les flics sont
connus pour être parmi les plus brutaux à l'égard des femmes.
Nous nous
opposons à toute censure littéraire, même quand elle prend pour prétexte la
nécessité de lutter contre la pornographie.
4. TOTALE INDEPENDANCE ECONOMIQUE DES FEMMES
a) Garantie d'emploi avec salaire au tarif syndical, pour toutes les
femmes qui veulent travailler, associée à une échelle mobile des heures de travail
et des salaires pour combattre l'inflation et le chômage chez les hommes et les
femmes. Abaissement du temps de travail pour tous
b) Abolition des lois discriminatoires déniant aux femmes le droit de
recevoir et de disposer de leurs propres salaires et propriétés personnelles.
c) A travail égal, salaire égal. Pour un salaire national minimum basé sur
la grille des syndicats.
d) Pas de discrimination contre les femmes dans les métiers, professions,
catégories de travail, apprentissages, stages de formation.
e) Mesures préférentielles accordées pour l'embauche, la formation, la
promotion, y compris l'ancienneté, pour les femmes et les autres catégories
surexploitées de travailleurs, visant à battre en brèche les effets de la
discrimination systématique qui s'exerce à leur encontre depuis des siècles.
Pas de mesures préférentielles pour les hommes dans les secteurs
traditionnellement masculins du commerce et de l'industrie.
f) Congés maternité payés, pour le père et la mère, sans perte de l'emploi
ni de l'ancienneté.
g) Attribution aux hommes comme aux femmes de congés payés pour soigner les
enfants malades.
h) Extension aux hommes de la législation qui protège les femmes en leur
accordant des conditions de travail particulières et plus avantageuses, afin
d'améliorer les conditions de travail à la fois pour les hommes et les femmes,
et d'empêcher un usage de cette législation de protection qui soit
discriminatoire à l'égard des femmes.
i) Age de la retraite égal pour les hommes et les femmes, chacun étant libre
de prendre ou non sa retraite.
j) Pour celles et ceux qui travaillent à temps partiel, garantie du même
salaire horaire et des mêmes avantages que les travailleurs à plein temps.
k)
Dédommagement au tarif syndical pour toute la durée du chômage pour les femmes
et les hommes, y compris les jeunes qui ne peuvent s'insérer dans le marché du
travail, sans considération du statut matrimonial ou du statut professionnel
antérieur. Garantie des indemnités de chômage face à l'inflation par
augmentations automatiques.
5. EGALITE D'ACCES A L'EDUCATION
a) Admission libre et gratuite pour toutes les femmes à toutes les
institutions scolaires 'et toutes les branches de formation y compris la
formation permanente. Mesures préférentielles d'admission des femmes dans
certaines branches afin de favoriser leur entrée dans des secteurs
traditionnellement masculins et leur accès à des formations et des métiers dont
elles ont jusqu'ici été exclues.
b) Suppression de toutes pressions sur les femmes les incitant à se préparer
à un e travail de femmes » tel que le ménage, le secrétariat, le métier
d'infirmière ou d'enseignante.
c) Stages spéciaux de recyclage pour aider les femmes à réintégrer le
marché du travail.
d) Suppression dans les manuels et les média de la représentation des
femmes comme objets sexuels, et créatures stupides, émotives et sans défense.
Cours consacrés à l'enseignement de la véritable histoire des luttes des femmes
contre leur oppression. Cours d'éducation physique pour apprendre aux femmes à
développer leur force et à affirmer leurs capacités physiques.
e)
Suppression des expulsions d'étudiantes enceintes ou de mères célibataires et
de la ségrégation dans les centres spéciaux.
6. REORGANISATION DE LA SOCIETE POUR EN FINIR AVEC L'ESCLAVAGE DOMESTIQUE DES
FEMMES
On ne peut «r abolir » la famille en tant que cellule économique par
décret. On ne peut que la remplacer à terme. Le but de la révolution socialiste
est de créer des solutions alternatives économiques et sociales qui soient
supérieures à l'institution familiale actuelle et mieux à même de faire face
aux besoins auxquels répond aujourd'hui, si médiocrement que ce soit, la
famille, afin que les relations personnelles découlent d'un libre choix et non
de la contrainte économique.
A la propagande et à l'agitation ultra-gauches pour l' « abolition » de la
famille, nous opposons
a) Ecoles et crèches ouvertes 24 heures sur 24, gratuites et financées par
le gouvernement, bien situées et d'accès pratique, ouvertes à tous les enfants
de la petite enfance jusqu'à la prime adolescence avec un personnel mixte formé
à cet effet sans considération du revenu des pare s de leur situation
professionnelle ou de la situation matrimoniale. Suppression de toutes les
pratiques éducatives sexistes ; contrôle des usagers sur les soins et
l'éducation donnés aux enfants.
b) Soins médicaux gratuits pour tous, et équipements d'accueil réservés aux
enfants malades.
c) Développement systématique de services sociaux bon marché et de qualité
tels que cafétérias, restaurants, possibilités de repas tout prêts à emporter,
ouverts à tous, de laveries collectives, d'entreprises de ménage et de
nettoyage.
d) Programme financé par le gouvernement de construction accélérée de
logements sains et spacieux pour tous ; pas de loyer supérieur à 10 % du revenu
; pas de discrimination à l'encontre des femmes célibataires ou des femmes
ayant des enfants.
Ces revendications indiquent les problèmes qui seront au centre de la lutte
des femmes pour leur libération, et mettent en valeur l'imbrication de cette
lutte avec les revendications avancées par d'autres couches opprimées de ta
société et avec les besoins de l'ensemble de la classe ouvrière. C'est en se
battant sur ce terrain qu'on éduquera la classe ouvrière à comprendre le
sexisme et à le combattre sous toutes ses formes et sous tous ses aspects.
Le mouvement de libération des femmes soulève maints problèmes. L'évolution
du mouvement a déjà prouvé que toutes les questions n'auront pas la même
importance à tout moment. Quelles revendications avancer à un moment donné
d'une lutte ; quelle est la meilleure façon de formuler des revendications
spécifiques pour les rendre accessibles aux masses et les mobiliser ; à quel
moment avancer de nouvelles revendications pour faire avancer la lutte ? La
réponse à ces problèmes tactiques est du ressort du parti révolutionnaire,
c'est l'essence de la politique.
NOS METHODES DE LUTTE
1. Nous utilisons les méthodes prolétariennes de mobilisation et d'action
pour obtenir la satisfaction de ces revendications. Toute notre démarche
consiste à amener les masses à se mettre en mouvement, à entrer en lutte, quel
que soit leur niveau de conscience au départ. Les masses ne tirent pas des
leçons de la seule vertu d'un discours ou de l'action exemplaire menée par
d'autres. Seule leur participation directe développera, accroîtra et
transformera la conscience politique des masses. Seule leur propre expérience
ralliera des millions de femmes au combat révolutionnaire et leur fera
comprendre la nécessité d'en finir avec un système économique fondé sur
l'exploitation.
Notre objectif est d'apprendre aux masses à compter sur leurs propres
forces unies. Nous utilisons les élections et les autres institutions de la
démocratie bourgeoise pour présenter clairement notre programme au plus grand
nombre possible de travailleurs. Mais nous opposons l'action de masse
extra-parlementaire - manifestations, meetings, grèves, occupations - à la
confiance dans les élections, les groupes de pression, les Parlements, les
institutions, et les politiciens bourgeois et petit-bourgeois qui y passent
leur temps.
Nos méthodes de lutte de classe ont pour but de susciter les initiatives de
la grande majorité des femmes ; de les rassembler ; de briser leur isolement au
foyer ; de combattre leur manque de confiance en leurs propres capacités, leur
intelligence, leur indépendance et leur force. En luttant à leurs côtés, nous
tendons à montrer que l'exploitation de classe est la source de l'oppression
des femmes et que l'élimination de cette exploitation est la seule voie de leur
émancipation.
De même que nous nous efforçons de développer la conscience de classe du
mouvement de libération des femmes, nous nous efforçons de faire prendre en
charge par le mouvement ouvrier la lutte contre tous les aspects de l'oppression
des femmes.
Dans toutes les luttes, nous cherchons à amener les femmes à prendre
conscience de l'inégalité de classe qui renforce l'oppression des plus
exploités. Nous essayons d'amener le mouvement à s'orienter d'abord et avant
tout vers la mobilisation des femmes de la classe ouvrière et des nationalités
opprimées. A travers le système de revendications que nous avançons et la
propagande que nous développons, nous tâchons d'orienter la lutte dans une
direction anticapitaliste. Nous mettons en lumière les implications de classe
des revendications et nous dénonçons la logique du profit et les conditions de
la société de classe qui limitent la capacité de la bourgeoisie à concrétiser
et à respecter les concessions mêmes qui lui ont été arrachées par la lutte.
2. L'oppression des femmes en tant que sexe constitue la base objective
pour la mobilisation des femmes en lutte dans le cadre de leurs organisations
propres. C'est pourquoi la IV• Internationale apporte son soutien et contribue
à la construction du mouvement de libération des femmes.
Par mouvement des femmes, nous entendons toutes les femmes qui s'organisent
à un niveau ou un autre contre l'oppression que leur impose la société groupes
femmes, groupes de conscience, groupes de quartiers, groupes d'étudiantes,
groupes d'entreprises, commissions syndicales, organisations des femmes des
nationalités opprimées, groupes de féministes lesbiennes, cartels de campagne
sur des revendications spécifiques. Le mouvement des femmes se caractérise par
son hétérogénéité, son impact sur toutes les couches de ta société, et par le
fait qu'il n'est rattaché à aucune organisation politique en particulier, même
si divers courants se manifestent en son sein. D'autre part, certains groupes
et comités unitaires, bien que dirigés et soutenus par des femmes, sont ouverts
aux hommes aussi, comme l'organisation nationale des femmes aux Etats-Unis
(NOM, et la Campagne nationale pour l'avortement en Grande Bretagne (NAC).
Alors que la plupart des groupes femmes sont apparus au départ en marge des
organisations de masse de la classe ouvrière, la radicalisation croissante
parmi les femmes de la classe ouvrière a amené un nombre toujours plus grand
d'entre elles à s'organiser au sein de leurs organisations de classe. En
Espagne, de nombreuses femmes ont adhéré aux CO (Commissions ouvrières)
impulsant l'animation des comités féminins de ce syndicat. En France, des
milliers de femmes participent aujourd'hui aux commissions féminines syndicales
et aux groupes du Planning familial, ainsi qu'aux groupes femmes en général. En
Bolivie, les femmes de mineurs ont formé des comités de ménagères affiliés à la
COB (Centrale syndicale de Bolivie). Mais tout cela fait partie de cette
réalité mouvante et encore très peu structurée qu'on appelle le mouvement
indépendant ou autonome des femmes.
Indépendant ou autonome ne signifie pas pour nous indépendant de la lutte
des classes ou des exigences de la classe ouvrière. Au contraire, seule la
fusion des objectifs et des revendications du mouvement des femmes avec les
luttes de la classe ouvrière permettra le rassemblement des forces nécessaires
pour atteindre les buts des femmes.
Par indépendant ou autonome, nous voulons dire que le mouvement est
organisé et dirigé par des femmes ; qu'il considère la lutte pour les droits et
les exigences des femmes comme une priorité absolue, et qu'il refuse de
subordonner cette lutte à d'autres intérêts, quels qu'ils soient ; qu'il n'est
subordonné aux décisions ou à l'orientation d'aucune tendance politique ni
d'aucun groupe social ; qu'il est décidé à mener jusqu'au bout la lutte par
tous les moyens, et avec toutes les forces qui se révéleront nécessaires.
Certes, la totalité du mouvement ne remplit pas ces critères au même degré,
mais telle est bien la nature du mouvement de femmes que nous cherchons à
construire.
3. Les groupes non-mixtes représentent un aspect décisif de la forme
organisationnelle dominante dans le mouvement des femmes. Ceux-ci sont apparus
sur pratiquement tous les terrains depuis les écoles et les églises jusqu'aux
usines et aux syndicats. Ce phénomène reflète la volonté des femmes de prendre
la direction de leurs propres organisations où elles peuvent apprendre, se
révéler et jouer un rôle dirigeant sans crainte d'être dépréciées ou régentées
par les hommes ou d'avoir à rivaliser avec eux d'entrée.
Avant que les femmes puissent diriger les autres, il leur faut se
débarrasser de leurs sentiments d'infériorité et de leur tendance à
sous-estimer leurs propres capacités. Il leur faut apprendre à 'se diriger
elles-mêmes. Les groupes féministes qui refusent consciemment et délibérément
d'intégrer des hommes aident bien des femmes à faire les premiers pas pour se
débarrasser de leur mentalité d'esclave, pour acquérir la confiance, la fierté
et le courage d'agir comme des êtres politiques. Les petits « groupes de
conscience » qui sont apparus partout comme une des formes les plus répandues
de la nouvelle radicalisation aident maintes femmes à réaliser que leurs
problèmes ne viennent pas de leurs carences personnelles, mais sont des
produits sociaux, communs à d'autres femmes.
S'ils fonctionnent en cercle fermé et se limitent à la discussion interne
comme substitut à l'entrée en action aux côtés des autres, les groupes
non-mixtes peuvent devenir un obstacle à la progression politique des femmes
qui y participent.
Cependant, ils ouvrent souvent aux femmes la possibilité de rompre pour la
première fois leur isolement d'acquérir de l'assurance, et d'entrer en action.
La volonté des femmes de s'organiser en groupes non-mixtes est aux
antipodes de la pratique suivie par de nombreux partis de masse staliniens qui
mettent sur pied des organisations de jeunesse distinctes pour les hommes et
les femmes dans le but de réprimer l'activité sexuelle et de renforcer les
attitudes stéréotypées selon les sexes - autrement dit l'infériorité des
femmes. Les groupes non-mixtes autonomes qui se sont formés à ce jour expriment
en partie la défiance que bien des femmes éprouvent à l'égard des organisations
réformistes de masse de la classe ouvrière, qui ont échoué si lamentablement à
lutter pour leurs exigences.
Notre soutien et notre travail de construction du mouvement autonome de
libération des femmes distinguent aujourd'hui la IV' Internationale de maints
groupes sectaires qui prétendent s'en tenir à l'orthodoxie marxiste telle
qu'elle apparaît dans leurs interprétations des résolutions des quatre premiers
congrès de la III° Internationale. De tels groupes rejettent la construction de
toute organisation de femmes sauf celles qui sont rattachées directement au
parti et sous son contrôle politique.
Nous soutenons et nous construisons des groupes de libération des femmes
non-mixtes. Aux « marxistes » qui prétendent que tes organisations et les
réunions non-mixtes divisent la classe ouvrière selon des clivages de sexe,
nous répondons que ce ne sont pas ceux et celles qui luttent contre leur
oppression qui sont responsables de la création ou du maintien des divisions.
Le capitalisme divise la classe ouvrière selon la race, le sexe, l'âge, la nationalité,
la qualification et par tous les moyens possibles. Notre tâche consiste à
organiser et soutenir les luttes des couches les plus opprimées et les plus
exploitées qui avancent des revendications reflètent les intérêts de toute la
classe et qui sont appelées à prendre la tête de la lutte pour le socialisme.
Ce sont ceux qui souffrent le plus de l'ordre ancien qui combattront le plus
énergiquement pour un monde nouveau.
4. Les formes de notre intervention peuvent varier considérablement selon la situation concrète où se trouvent nos
organisations. Notre tactique est dictée par notre objectif stratégique, qui
est d'éduquer et de faire entrer en action des forces beaucoup plus larges que
nous-mêmes, en particulier des forces décisives de la classe ouvrière, de
participer à la construction d'un mouvement de femmes de masse, de renforcer
l'aile « lutte de classe » du mouvement des femmes et de recruter les meilleurs
cadres au parti révolutionnaire.
Parmi les facteurs à prendre en considération, il faut compter l'étendue de
nos propres forces ; la taille, la nature et le niveau politique des courants
de libération des femmes ; la force des courants libéraux, sociaux-démocrates,
staliniens et centristes auxquels nous devons nous confronter et le contexte
politique général où nous intervenons. Le choix entre l'organisation de groupes
de libération des femmes sur la base d'un programme socialiste large,
l'intervention dans les organisations existantes du mouvement de libération des
femmes, la construction de cartels larges sur des thèmes spécifiques, l'intervention
dans les commissions syndicales ou dans toute autre organisation de masse ; la
combinaison de plu sieurs de ces interventions, ou une intervention sous des
formes complètement différentes, sont des questions tactiques. Quelle que soit
la forme organisationnelle que nous adoptions, la question fondamentale à
trancher est la même : quels thèmes et quelles revendications avancer dans la
situation donnée afin de mobiliser le plus efficacement les femmes et leurs
alliés dans la lutte ?
5. Il n'y a pas de contradiction entre, d'une part, le soutien et la
construction d'organisations non mixtes pour lutter pour la libération des
femmes ou pour des revendications spécifiques touchant à l'oppression des
femmes, et, d'autre part, la construction de comités de masse unitaires
regroupant hommes et femmes dans la lutte pour les mêmes revendications. Les
campagnes pour le droit à l'avortement en ont fourni un bon exemple. Les femmes
seront la colonne vertébrale de telles campagnes, mais puisque cette lutte se
mène pour les intérêts de la masse des travailleurs, notre orientation consiste
à gagner au mouvement le soutien de toutes les organisations de la classe
ouvrière et des opprimés.
6. Notre orientation, qui vise à mobiliser dans l'action la masse des
femmes, peut souvent se concrétiser le mieux dans la période actuelle, par des
campagnes sur des revendications concrètes suscitant le soutien le plus large
possible, sur la base d'actions de front unique. Cela est d'autant plus vrai si
l'on considère la faiblesse relative des sections de la 1V• Internationale et
la force relative des libéraux et de nos adversaires réformistes pratiquant une
politique de collaboration de classes. Pour nombre d'hommes et de femmes, la
participation à des actions de ce genre a été le premier pas vers le soutien
aux objectifs politiques du mouvement de libération des femmes. Les campagnes
unitaires pour l'avortement dans de nombreux pays fournissent un exemple de ce
type d'intervention.
A travers de telles interventions de type front unique, nous pouvons faire
peser une force maximum contre les gouvernements capitalistes et faire prendre
conscience aux femmes et à la classe ouvrière de leur propre force. Dans la mesure
où les libéraux, « amis x des femmes, les staliniens, les sociaux-démocrates,
et les bureaucrates syndicaux refuseront de soutenir ces campagnes unitaires
répondant aux besoins des femmes, ils s'isoleront et se démasqueront par leur
propre inaction, leur opposition ou leur volonté de subordonner les exigences
des femmes à leur recherche d'alliances avec les secteurs dits « progressistes
» de ta bourgeoisie. Et si la pression des masses les oblige à soutenir ces
actions, cela ne pourra qu'élargir l'audience de masse de ces campagnes et
accroître les contradictions au sein des organisations libérales et
réformistes.
Comme on a déjà pu le voir très clairement à propos de la question de
l'avortement, ces campagnes unitaires jouent un rôle particulièrement important
dans le renforcement des liens entre le mouvement autonome des femmes et le
mouvement ouvrier, car ce sont elles qui pèsent le plus pour obliger la
bureaucratie ouvrière à réagir.
7. Parce que notre orientation est de construire un mouvement de femmes sur
des bases ouvrières de par sa composition et sa direction, et à cause de
l'imbrication entre la lutte pour la libération des femmes et la transformation
des syndicats en instruments de défense réelle des intérêts de toute la classe,
nous accordons une importance particulière aux luttes menées par les femmes
dans les syndicats et au travail. Notre but est d'amener les femmes à avoir'
une participation active dans les syndicats comme dans le mouvement de
libération des femmes. Là, comme ailleurs dans la société capitaliste, les
femmes sont soumises à la domination masculine, à la discrimination en tant que
sexe inférieur qui est sorti de son t rôle naturel». Mais le nombre croissant
dé femmes présentes dans la force de travail et la prise de conscience de plus
en plus massive de la double oppression dont elles sont victimes ont déjà
apporté des changements significatifs dans les attitudes des femmes
travailleuses, en renforçant leur volonté de s'organiser, de se syndiquer et de
lutter pour leurs droits.
Les femmes travailleuses participent à de nombreuses luttes sur des
revendications générales qui touchent aux besoins économiques et aux conditions
de travail de tous les travailleurs. Souvent, elles soulèvent aussi les besoins
particuliers des femmes travailleuses tels que l'égalité des salaires, les
allocations maternité, les crèches et la priorité à l'embauche et à la
formation. Ces deux types de revendications sont décisifs pour la lutte pour ta
libération des femmes comme pour la classe ouvrière en général. Ces luttes et
ces revendications émanant des femmes travailleuses pèseront davantage avec
l'approfondissement de la lutte des classes sous l'impact de la crise
économique. Elles auront un impact toujours plus grand sur le mouvement de
libération des femmes.
La plupart des femmes qui participent à ces luttes ne se considèrent pas
comme féministes au départ. Elles pensent simplement qu'elles ont droit à un
salaire égal quand elles font le même travail qu'un homme, ou elles croient
qu'elles ont le droit d'être employées dans un secteur traditionnellement «
masculin ». A ce stade, elles ont plutôt tendance à rejeter énergiquement le
qualificatif de féministes.
Les femmes travailleuses qui sont amenées à participer à des luttes dans
l'entreprise sont confrontées aux mêmes problèmes et aux mêmes conditions qui
ont suscité l'émergence du mouvement autonome des femmes. Elles ont souvent à
faire face à des agressions sexistes et à des abus organisés et provoqués par
leurs chefs et leurs contremaîtres. Même lorsque de telles agressions
proviennent de leurs compagnons de travail, c'est souvent le résultat d'une
atmosphère entretenue par le patron. Les femmes sont parfois confrontées à la
tâche difficile de devoir lutter pour convaincre le syndicat de les défendre
contre les agressions dont elles sont victimes de la part de la direction du
personnel. Elles ont à convaincre leurs compagnons de travail que lorsqu'ils
rendent la vie difficile à une femme sur son lieu de travail, ils font le jeu
du patron et facilitent sa politique du r diviser pour régner ». Quand les
femmes commencent à jouer un rôle actif, à prendre des responsabilités de
direction, à prouver leurs capacités de direction à elles-mêmes et aux autres,
à acquérir de l'assurance et à jouer un rôle indépendant, elles progressent
dans la compréhension des objectifs mis en avant par la lutte du mouvement de
libération des femmes. La présentation correcte de revendications et
d'objectifs clairs et concrets par le mouvement féministe est indispensable
pour gagner l'audience et la participation de millions de femmes travailleuses,
dont la prise de conscience politique commence quand elles essayent d'affronter
leurs problèmes, en tant que femmes qui doivent aussi prendre un emploi pour
vivre.
8. Le poids et le rôle croissants des femmes dans le mouvement ouvrier ont
un impact important sur la conscience de nombreux travailleurs, qui se mettent
à considérer les femmes davantage comme des partenaires égales dans la lutte et
moins comme des créatures faibles qu'on doit choyer et protéger.
Dans ce cadre, les revendications pour la priorité à l'embauche, la
formation, et la promotion professionnelle des femmes dans les secteurs
traditionnellement masculins de l'économie ont une importance particulière.
a) Elles remettent en question la division dans la classe ouvrière selon
des clivages de sexes, divisions entretenues et maintenues par les patrons pour
affaiblir la classe ouvrière et garantir le bas niveau des salaires et des
conditions de travail de toute la classe.
b) Elles contribuent à apprendre à la fois aux travailleurs et aux
travailleuses à évaluer les effets matériels de la discrimination contre les
femmes, et la nécessité de mesures délibérées pour battre en brèche les effets
de siècles de subordination forcée.
c) Quand les femmes commencent à combattre la division sexuelle
traditionnelle du travail et à imposer l'égalité des droits à l'emploi et leur
capacité à accomplir des travaux « masculins » aussi bien que les hommes, elles
sapent les préjugés et les attitudes sexistes dans la classe ouvrière et elles
remettent en cause la division sociale du travail dans tous les domaines.
Les luttes qui ouvrent aux femmes l'accès à des secteurs d'enseignement, à
des professions et des postes de direction jusque-là hégémoniquement masculins,
posent de façon on ne peut plus claire le problème du statut inférieur des
femmes et de son abolition. De pair avec les revendications qui posent le
problème des droits démocratiques élémentaires des femmes et celles qui
s'orientent vers la socialisation du travail domestique accompli par les
femmes, telles que l'extension et l'amélioration des crèches, elles ont un puissant
impact éducatif dans la classe ouvrière.
9. Ces revendications ont aussi une importance particulière car elles font
partie de la lutte pour transformer les syndicats en instruments
révolutionnaires de lutte de classe et remettent en cause les penchants
sexistes de la bureaucratie ouvrière. La bureaucratie syndicale s'appuie sur
les couches les plus privilégiées des travailleurs qui considèrent
habituellement les revendications préférentielles comme une menace contre leurs
prérogatives immédiates. Les éléments les plus conscients de la bureaucratie
s'opposent donc obstinément aux revendications avancées par les secteurs les
plus opprimés et les plus exploités de la classe ouvrière qui visent à battre
en brèche les divisions profondes au sein de la classe. Un aspect important de
notre orientation stratégique pour le développement d'une aile gauche de lutte
de classe dans le mouvement ouvrier consiste à utiliser le poids croissant de
forces telles que le mouvement de libération des femmes pour poser les
problèmes sociaux et politiques cruciaux où le mouvement ouvrier devrait jouer
un rôle moteur. Plus la base des syndicats apportera son soutien à de telles
luttes, plus la politique anti-féministe – et donc anti-ouvrière des
bureaucrates deviendra évidente, et plus de nouvelles forces s'affirmeront
comme direction alternative.
10. Organiser les femmes travailleuses présente beaucoup de difficultés.
Précisément à cause de leur oppression en tant que femmes, elles sont moins
susceptibles de se syndiquer ou d'avoir une solide conscience de classe. Leur
participation à la force de travail est souvent temporaire. Le double fardeau de
leurs responsabilités et des corvées domestiques est épuisant et prend du
temps, leur laissant moins d'énergie pour l'activité politique et syndicale.
L'insuffisance criante des crèches rend leur participation aux réunions
particulièrement difficile.
C'est pourquoi, la lutte pour convaincre les syndicats de reprendre en
charge les revendications spécifiques des femmes, est inséparable de la lutte
pour la démocratie syndicale. La démocratie syndicale implique non seulement
des questions telles que le droit pour les syndiqués de décider sur tous les
problèmes, d'élire toutes les instances dirigeantes et les permanents, et le
droit de former des tendances, mais aussi des mesures spéciales qui permettent
aux femmes de participer à part entière : crèches organisées par le syndicat
pendant les réunions, commissions syndicales qui traitent spécifiquement des
besoins des femmes, droit de se réunir dans des réunions non-mixtes si
nécessaire, modalités spéciales de réunion pendant les heures de travail, et
mesures pour assurer une représentation appropriée des femmes dans toutes les
instances dirigeantes. Dans le mouvement ouvrier, la remise en question des
attitudes et pratiques sexistes fait partie intégrante de la lutte pour la
démocratie syndicale et la solidarité de classe.
11. Si nous accordons une importance particulière aux luttes des femmes
travailleuses, nous ne négligeons pas pour autant l'oppression subie par les
ménagères. Au contraire, nous présentons consciemment un programme qui réponde
aux problèmes aigus que rencontrent les femmes au foyer, dont l'écrasante
majorité sont des femmes de la classe, ouvrière, qui passeront une partie de
leur vie sur le marché du travail, en plus de leur obligation d'assumer les
responsabilités domestiques. Nous leur offrons la perspective d'échapper à
l'esclavage abrutissant du travail ménager, à l'isolement qu'il impose à chaque
femme individuellement, à la dépendance économique des femmes au foyer, avec la
peur et l'insécurité qu'elle engendre. Nous proposons notre programme de
socialisation du travail ménager et d'intégration des femmes à égalité dans la
force productive de travail comme alternative aux solutions offertes par la
réaction : glorification du travail ménager et de la maternité, propositions de
dédommager les femmes de leur esclavage domestique par le biais du salaire
ménager ou des projets similaires a priori séduisants.
Alors que le capitalisme en crise se décharge de plus en plus des fardeaux
économiques sur la cellule familiale, ce sont souvent les ménagères qui
jonglent avec le budget familial pour faire face aux nécessités vitales ; ce
sont elles qui sont les premières à descendre dans la rue pour protester contre
le manque de vivres ou l'inflation rampante. De tels mouvements peuvent
représenter un premier pas vers la prise de conscience politique et l'action
collective pour des milliers de femmes. Ces mouvements de protestation
interpellent le mouvement ouvrier et lui offrent la possibilité de s'y joindre
et de leur fournir une direction et des perspectives ; ils peuvent se répandre
comme une traînée de poudre. Les revendications pour des comités de contrôle
des prix regroupant travailleurs et consommateurs offrent un terrain de lutte
commun au mouvement ouvrier, aux ménagères en lutte et aux autres consommateurs.
A la différence des ménagères, cependant, les femmes travailleuses sont
déjà partiellement organisées par le marché du travail. Leur place dans la
classe ouvrière, dans le mouvement ouvrier, et leur statut économique les
mettent en position de jouer un rôle de direction et de pivot dans les luttes
des femmes et de l'ensemble de la classe ouvrière.
12. Il n'y a pas de contradiction entre la construction du mouvement
autonome des femmes, la construction de syndicats, et celle d'un parti marxiste-révolutionnaire
d'hommes et de femmes.
La lutte pour le socialisme exige les trois à la fois. Ils remplissent des
fonctions différentes. Le mouvement féministe de masse mobilise les femmes dans
la lutte pour leurs exigences dans le cadre de leurs propres organisations. Les
syndicats sont les organisations élémentaires pour la défense économique de
l'ensemble de la classe ouvrière. Le parti marxiste - révolutionnaire, par son
programme et sa pratique offre une direction à la classe ouvrière et ses
alliés, y compris les femmes, et oriente sans compromission tous les fronts de
la lutte des classes vers une action combinée qui vise à l'établissement d'un
gouvernement ouvrier et à l'abolition du capitalisme.
Il n'y a pas de fondement objectif pour une organisation de femmes
marxistes-révolutionnaires séparée. Ce n'est que si les femmes et les hommes
partagent à égalité les droits et les responsabilités dans les rangs et la
direction d'un parti qui développe des positions et une pratique politiques
représentant les intérêts de tous les opprimés et les exploités, que le parti
pourra conduire la classe ouvrière à accomplir ses tâches historiques.
Nous soutenons qu'il n'y a pas de problèmes concernant exclusivement les
femmes. Toutes les questions qui concernent la moitié féminine de l'humanité
relèvent aussi de problèmes sociaux plus larges d'un intérêt vital pour la
classe ouvrière dans son ensemble. Si nous avançons des revendications qui
touchent à l'oppression spécifique des femmes nous n'avons pas de programme
séparé pour la libération des femmes. Nos revendications sont partie intégrante
de notre programme de transition pour la révolution socialiste.
13. Le programme du parti révolutionnaire fait la synthèse des leçons que
l'on peut tirer des luttes contre toutes les formes d'exploitation et
d'oppression économique et sociale. Le parti exprime les intérêts historiques
du prolétariat à travers son programme et sa pratique. Ainsi, non seulement il
tire les leçons de la participation de ses militantes au mouvement de libération
des femmes, mais il a un rôle indispensable à jouer. A travers notre travail de
construction du mouvement des femmes, nous approfondissons la compréhension du
parti à propos de l'oppression des femmes, et de la lutte contre cette
oppression. Et nous nous battons aussi pour gagner des forces toujours plus
larges à une stratégie efficace pour la libération des femmes, c'est-à-dire, à
une perspective de lutte de classes.
Nous n'exigeons pas un accord sur notre programme comme condition préalable
à la construction d'un mouvement autonome des femmes. Au contraire, un
mouvement sur des bases larges, au sein duquel toute une gamme d'expériences
personnelles et d'orientations politiques peuvent se confronter dans le cadre
de débats et de discussions démocratiques, ne peut que renforcer l'assurance et
la combativité politique du mouvement ; il accroît la possibilité de développer
une orientation correcte.
Cependant nous ne nous battons pas pour l'unité organique de toutes les
composantes du mouvement des femmes à tout prix. Nous luttons pour l'unité la
plus large possible dans l'action, sur la base des revendications et de
pratiques qui reflètent authentiquement les besoins objectifs des femmes. C'est
là le programme qui répond aux intérêts de la classe ouvrière.
Au sein du mouvement de libération des femmes, nous essayons de rassembler
celles qui partagent notre orientation de lutte de classes dans un courant le
plus large possible. Une lutte résolue contre toutes les formes d'oppression
impose de combattre dans la plus grande clarté toute tentative de dévoyer des
luttes de femmes dans la voie des impasses réformistes et la gestion de
l'austérité, ou encore dans la voie des solutions individuelles. Nous nous
efforçons de recruter les plus conscientes et les plus combatives pour le parti
révolutionnaire.
Notre but est de conquérir la direction du mouvement de libération des
femmes en montrant aux femmes, par notre pratique, que nous détenons le
programme et l'orientation qui peuvent mener à leur libération. Ce n'est pas
une position sectaire. Il ne s'agit pas non plus d'une tentative de
manipulation pour dominer ou contrôler le mouvement de masse. Au contraire,
cela reflète notre conviction que la lutte contre l'oppression des femmes ne
peut être victorieuse que si le mouvement féministe progresse dans une
direction anticapitaliste. Une telle évolution n'est pas automatique. Elle
dépend des revendications que nous avançons, de la nature de classe des forces
vers lesquelles le mouvement féministe s'oriente et des formes d'action qu'il
entreprend. Seules l'intervention consciente du parti révolutionnaire et sa
capacité à conquérir la confiance et la direction des femmes en lutte pour leur
libération offrent des garanties que la lutte des femmes sera, à terme, victorieuse.
14. Nous nous intéressons à tous les aspects de l'oppression des femmes.
Cependant, en tant que parti politique qui s'appuie sur un programme
représentant les intérêts historiques de la classe ouvrière et de tous les
opprimés, notre tâche première est de contribuer à orienter le mouvement des
femmes vers une action politique qui puisse effectivement mener au renversement
de la propriété privée dans laquelle s'enracine l'oppression. A partir de
chaque aspect de l'oppression des femmes, nous nous efforçons de mettre sur
pied des revendications et des actions qui remettent en question la politique
sociale et économique de la bourgeoisie et indiquent les solutions qui seraient
possibles si toute politique sociale n'était pas définie en vue de réaliser des
profits maximum.
Notre conception de la lutte pour la libération des femmes en tant que
question éminemment politique nous met souvent en conflit avec les courants
petits- bourgeois des féministes radicales, qui opposent le développement de
nouveaux « modes de vie » individuels à l'action politique dirigée contre
l'Etat. Elles s'en prennent aux hommes plutôt qu'au capitalisme. Elles opposent
l'éducation des hommes en tant qu'individus pour les rendre moins sexistes, à
l'organisation contre le gouvernement bourgeois qui défend et soutient les
institutions de la société de classes responsables de la domination masculine
et de l'oppression des femmes. Souvent, elles tentent de construire d'utopiques
« contre-institutions » à l'intérieur de la société de classes.
En tant que révolutionnaires, nous reconnaissons que les problèmes que bien
des femmes cherchent à résoudre de cette façon sont réels et sérieux. Notre
critique n'est pas dirigée contre les individus qui essayent de trouver une
issue personnelle face aux pressions intolérables que la société capitaliste
leur impose. Mais nous soulignons que, pour la masse des travailleurs, il n'y a
pas de solution « individuelle ». Ils doivent lutter collectivement pour
changer la société avant que leur « mode de vie » ne connaisse des changements
significatifs. En dernière instance, il n'est pas de solution purement
personnelle pour aucun d'entre nous. Les échappatoires individuelles sont une
forme d'utopie qui ne peut mener qu'à la désillusion et à la dispersion des
forces révolutionnaires.
NOTRE INDEPENDANCE DE CLASSE
1. L'indépendance politique est le troisième aspect de notre stratégie de
lutte de classes pour la lutte contre l'oppression des femmes. Nous n'ajournons
ni ne subordonnons aucune revendication, action ou lutte de
femmes pour nous conformer aux exigences ou aux centres d'intérêts; politiques
des forces politiques bourgeoises ou réformistes avec leur théâtre
parlementaire et leurs manoeuvres électorales.
2. Nous luttons pour préserver l'indépendance des organisations et des
luttes de libération des femmes par rapport aux forces et aux partis bourgeois.
Nous nous opposons aux tentatives de détournement des luttes des femmes vers la
construction de commissions femmes au sein des partis capitalistes ou orientées
vers la politique bourgeoise, comme tel a été le cas aux USA, au Canada -et en
Australie. Nous sommes contre la formation d'un parti politique de femmes comme
celui qui est apparu en Belgique, et tel que l'ont prôné certains groupes
féministes en Espagne et ailleurs. L'élection de davantage de femmes à des
responsabilités publiques sur la base d'un programme libéral bourgeois ou
petit-bourgeois radical, s'il reflète un changement d'attitudes, ne peut rien
pour faire avancer les intérêts des femmes.
La libération des femmes fait partie de la lutte historique de la classe
ouvrière contre le capitalisme. Nous nous efforçons de faire prendre conscience
de ce lien aux femmes et à la classe ouvrière. Mais nous ne rejetons pas le
soutien de personnalités ou de politiciens bourgeois qui expriment leur accord
avec une de nos revendications ou un de nos objectifs. C'est notre camp qu'ils
renforcent et non le leur. C'est leur contradiction, pas la nôtre.
3. Nous cherchons à créer une unité d'action sur certaines revendications ou campagnes
spécifiques, avec les forces les plus larges possible, en particulier avec les
partis de masse de la classe ouvrière. Mais nous rejetons l'orientation
politique des partis staliniens et sociaux-démocrates. La politique et
l'attitude de ces deux courants dans la classe ouvrière sont fondées sur la
préservation des institutions du système capitaliste, y compris la famille,
même s'il leur arrive de soutenir verbalement les luttes des femmes contre leur
oppression. Tous deux sont prêts à subordonner les exigences des femmes à
n'importe quelle négociation pour un accord de collaboration de classes à un
moment donné, que ce soit avec la monarchie en Espagne, avec les
démocrates-chrétiens en Italie, ou les partis bourgeois d'opposition en
Allemagne de l'Ouest ou en Grande-Bretagne. Les staliniens ne se lassent jamais
de répéter aux femmes que la route du bonheur passe par « la démocratie avancée
» ou la « coalition antimonopoliste ». Ils conseillent aux femmes de ne pas
exiger plus que la « démocratie » (c'est-à-dire le capitalisme) ne peut
accorder. Les sociaux-démocrates, surtout quand ils dirigent des plans «
d'austérité .Y pour la bourgeoisie, ne tardent jamais à appliquer les
réductions des dépenses dans les services sociaux qu'exige la bourgeoisie,
mesures qui frappent souvent le plus durement les femmes.
4. C'est seulement par une rupture programmatique et organisationnelle sans
compromission avec la bourgeoisie et toutes les formes de collaboration de
classes que la classe ouvrière et ses alliés, y compris les femmes en lutte
pour leur libération, peuvent se mobiliser pour former une force puissante et
pleine d'assurance, capable de mener la révolution socialiste à son terme. La
tâche du parti marxiste-révolutionnaire est de fournir une direction pour
éduquer les masses, y compris le mouvement des femmes, par l'action et la
propagande dans cette perspective de lutte de classes.
LES TACHES DE LA IV°
INTERNATIONALE AUJOURD'HUI
1. La nouvelle émergence du mouvement de libération des femmes a connu des
développements inégaux à l'échelle mondiale, et la prise de conscience
féministe a eu un impact à des degrés divers. Mais la vitesse avec laquelle les
idées révolutionnaires et les leçons des luttes se transmettent d'un pays à
l'autre, et d'un secteur de la révolution mondiale à l'autre, garantit
l'extension continue des luttes de libération des femmes. La remise en question
de plus en plus généralisée du rôle traditionnel des femmes crée un climat
favorable à la formation et la propagande marxistes, ainsi qu'à une pratique
concrète de soutien à la libération des femmes. A travers notre presse et nos
activités de propagande, la IV° Internationale a de plus en plus de
possibilités d'expliquer la source et la nature de l'oppression des femmes,
notre programme pour en finir avec cette oppression en même temps qu'avec la
société de classes où elle s'enracine, et la dynamique révolutionnaire de la
lutte des femmes pour leur libération.
2. La participation de nos sections et des organisations sympathisantes au
mouvement de libération des femmes dans de nombreux pays a montré qu'il existe
un potentiel considérable pour organiser et mener des campagnes sur des
problèmes soulevés au cours de la lutte contre l'oppression des femmes. Ces
campagnes offrent souvent des possibilités - surtout à nos camarades femmes -
d'acquérir une expérience précieuse et de jouer un rôle dirigeant dans le
mouvement de masse. Elles permettent souvent 'aux camarades, même en nombre
relativement restreint, de jouer un rôle politique significatif et de gagner
une influence au sein de forces beaucoup plus larges. Notre soutien et notre
participation active au mouvement de libération des femmes nous ont déjà valu
beaucoup de nouvelles adhésions.
L'orientation des sections et des organisations sympathisantes de la 1V•
Internationale est d'engager nos forces dans la construction du mouvement de
libération des femmes et des campagnes d'intervention sur des thèmes
spécifiques tels que l'avortement, les crèches, le droit à l'emploi et d'autres
aspects de notre programme.
Nous stimulons aussi la solidarité internationale dans le mouvement des
femmes et, là où c'est possible, la coordination internationale de campagnes
d'action sur des thèmes communs.
3. Outre notre participation à toutes les diverses formes d'organisation
indépendante qui sont apparues comme partie prenante de la radicalisation des
femmes, il nous faut intégrer la propagande et l'activité sur Ca libération des
femmes dans tous nos secteurs d'intervention, depuis les syndicats jusqu'au
milieu étudiant. C'est surtout parmi la jeunesse (étudiantes, jeunes
travailleuses, jeunes femmes au foyer) que nous trouverons la plus grande
réceptivité à nos idées et à notre programme, et la plus grande volonté d'agir.
La responsabilité de l'intervention femmes n'incombe pas aux camarades
femmes seules, bien qu'elles soient appelées à la diriger. Comme pour toutes
les autres questions, la totalité des militants et de la direction doit être au
courant de notre travail, participer collectivement à l'élaboration de notre
ligne politique et prendre en charge nos campagnes et notre propagande dans
tous les secteurs de la lutte des classes où nous intervenons. Les camarades
hommes, tout comme les camarades femmes, aideront à faire progresser cet
objectif.
4. Pour organiser et prendre en charge un travail femmes systématique, les
sections de la IVe Internationale devraient mettre sur pied des commissions ou
fractions composées des camarades qui sont impliqués dans cette intervention.
Ces fractions incluraient les camarades hommes aussi bien que les femmes, selon
l'intervention à laquelle ils participent. Elles devraient aider les instances
de direction concernées à prêter une attention régulière à tous les aspects de
notre travail concernant les questions et les revendications mises en avant par
le mouvement de libération des femmes, y compris les propositions relatives à
l'éducation interne de nos propres militants.
En mettant en place de telles commissions et fractions, responsables avec
les directions de la discussion et de l'application d'un travail systématique,
nous pouvons tirer parti au maximum des opportunités d'intervention qui nous
sont offertes et rendre nos militants pleinement conscients de l'importance
politique de la lutte de libération des femmes.
5. Une formation systématique sur l'histoire de l'oppression des femmes et
leurs luttes, ainsi que les questions théoriques et politiques en jeu, devrait
être mise sur pied dans les sections de la IV° Internationale. Cette formation
ne devrait pas être limitée à des écoles de formation épisodiques mais devenir
partie intégrante de la vie quotidienne de l'organisation. Elle doit faire
partie de la formation politique de tous les militants, dans le cadre de leur
acquisition et de leur approfondissement de la compréhension des positions
fondamentales du marxisme-révolutionnaire.
Nous n'avons aucunement l'illusion que les sections puissent être des îlots
de la future société socialiste flottant dans un marais capitaliste, ou que des
camarades puissent individuellement échapper totalement à l'éducation et au
conditionnement qui découlent de la bataille quotidienne pour survivre dans la
société de classes. Des attitudes sexistes s'expriment parfois dans les rangs de la IV° Internationale. Mais
c'est une condition d'appartenance à la IV° Internationale que le comportement
des camarades et des sections soit en harmonie avec nos principes de base. Nous
formons les membres de la IV° Internationale à une compréhension pleine et
entière de l'oppression des femmes, de sa nature et des voies pernicieuses par
lesquelles elle s'exprime. Nous luttons pour créer une organisation où un
langage, des plaisanteries, des violences et autres actes phallocratiques ne
soient pas tolérés, pas plus que des attitudes et des manifestations de racisme
ne sauraient être admises sans réaction.
6. Les militantes de nos organisations sont confrontées à des problèmes
particuliers, à la fois matériels et psychologiques, issus de leur oppression
dans la société de classes. Elles doivent souvent consacrer autant de temps aux
tâches domestiques que les autres femmes, surtout si elles ont des enfants.
Elles n'échappent pas à ce manque d'assurance, cette timidité, cette crainte
d'accéder aux directions, que l'on apprend aux femmes depuis la naissance à
considérer comme « naturels ». Ces obstacles au recrutement, à l'intégration et
à l'accession aux directions des camarades femmes doivent être discutés et
traités consciemment dans le parti.
Comme pour toutes les autres questions, la direction doit prendre en charge
ce problème
a) Il faut accorder pleine attention à la formation, la progression
politique et l'accession aux directions des camarades femmes. Ce devrait être
un souci constant de toutes les structures de direction, à tous les niveaux des
sections et de l'internationale. Il faut veiller à s'assurer que l'on
encourage, et surtout, que l'on aide les femmes à assumer des responsabilités
qui les incitent à développer pleinement leurs capacités : prise en charge de la
formation, de la rédaction d'articles, des rapports politiques, du rôle de porte-parole
et de candidates pour l'organisation, de direction de l'intervention. Seules de
telles mesures volontaristes peuvent permettre aux cadres femmes de se
développer au maximum et garantir que, lorsqu'elles sont élues à des instances
de direction à tous les niveaux, il s'agisse d'un développement réel de cadres
politiques dirigeantes, solides et sûres d'elles-mêmes, et non d'une mesure
artificielle qui peut se révéler nocive, et pour les camarades concernées, et
pour l'ensemble de l'organisation.
Dans un tel cadre de développement conscient des directions, nous nous
efforçons d'augmenter au maximum le nombre de femmes dans les instances de
direction centrales de nos sections, des organisations sympathisantes et de
l'internationale. Ce processus sera facilité par le fait qu'un nombre croissant
de camarades se trouvera à l'avant-garde des travailleuses luttant pour avoir
accès aux emplois dont les femmes sont traditionnellement exclues au sein du
prolétariat industriel. La confiance en elles-mêmes qu'elles gagnent en faisant
partie des secteurs les plus puissants et les mieux organisés de la classe
ouvrière ; le respect que cela leur vaut, tant de la part des travailleurs que des
autres travailleuses ; l'expérience qu'elles acquièrent en tant que dirigeantes
de notre classe : ce sont là des éléments décisifs pour la transformation de la
conscience du parti et pour le développement des camarades femmes en .tant que
dirigeantes de toute l'organisation.
b) Pour les camarades femmes en particulier, les difficultés créées par les
énormes carences en matière de crèches subventionnées par l'Etat sont très
souvent un obstacle à leur pleine participation aux réunions et autres
activités
Au fur et à mesure que les sections connaissent une croissance et que leur
composition devient plus ouvrière, nous recruterons plus de camarades qui ont
des enfants.
Dans nos activités publiques et à travers notre intervention dans le
mouvement de masse, nous cherchons à faire prendre conscience à des forces
sociales plus larges de la nécessité de crèches organisées. Nous essayons de
gagner le soutien du mouvement ouvrier et nous mettons la priorité sur la lutte
pour des équipements collectifs (crèches...) organisés et subventionnés par
l'Etat.
Nous nous battons pour que les organisations ouvrières de masse comme les
syndicats organisent les réunions à des heures qui facilitent la participation
des femmes et qu'elles utilisent leurs ressources pour mettre en place des
garderies.
Sur le plan interne, les camarades doivent être conscients en permanence
des charges supplémentaires et des obstacles qui découlent des inégalités
sociales et économiques engendrées par le capitalisme, surtout pour les femmes
et les camarades des nationalités opprimées. Ce sont des problèmes que nous
prenons en considération.
Dans cette perspective, la direction est tenue de chercher avec les
camarades qui ont des responsabilités familiales, des solutions collectives
leur permettant de surmonter les obstacles auxquels elles sont confrontées dans
leur activité politique.
Par exemple, quand on demande à un/une camarade qui a des enfants de
devenir permanent(e), la direction est responsable de discuter et d'essayer de
résoudre les problèmes particuliers qui se posent, financiers ou autres.
En même temps, nous reconnaissons qu'il y a des limites à ce que le parti
peut faire. Le parti lui-même ne peut assurer l'obligation matérielle
d'éliminer les inégalités sociales et économiques engendrées par la société de
classes. Nous ne pouvons assurer les services sociaux que le capitalisme ne
prend pas en charge. Le parti n'a pas pour obligation générale d'organiser des
crèches afin d'éliminer toute inégalité dans la situation des camarades, pas
plus que des tâches relatives à la garde des enfants ne peuvent être imposées à
un(e) quelconque camarade. Une telle approche modifierait le but et le
caractère mêmes du parti, en tant qu'organisation politique. Ce qui nous lie,
c'est notre détermination commune à détruire le système qui perpétue
l'inégalité, notre accord sur le programme pour atteindre un tel objectif et
notre loyauté envers le parti qui se base sur ce programme.
Le processus d'éducation de nos propres militants ira de pair et sera
facilité par l'implication croissante de nos sections dans la lutte pour la
libération des femmes. L'impact de cette lutte sur la conscience et l'attitude
de tous les camarades est déjà profond. La place nouvelle qu'occupe la question
de l'oppression des femmes dans l'Internationale, qui reflète notre implication
dans la lutte pour la libération des femmes, est un événement d'importance
historique. L'assurance, la maturité politique, et les capacités de direction
croissantes des camarades femmes de la IV° Internationale représentent une
avancée significative des forces effectives de la direction révolutionnaire à
l'échelle mondiale.
La montée nouvelle des luttes de femmes à l'échelle internationale et
l'émergence d'un puissant mouvement de libération des femmes qui précède des
luttes révolutionnaires pour le pouvoir est un événement de première importance
pour le parti mondial de la révolution socialiste. La puissance politique de la
classe ouvrière s'en trouve accrue, ainsi que la probabilité de succès de la
révolution internationale dans l'accomplissement final de ses tâches-, de
reconstruction socialiste. La montée du mouvement de libération des femmes est
une garantie supplémentaire contre la dégénérescence bureaucratique des
révolutions à venir.
La lutte pour libérer les femmes de la servitude où la société de classes
les a placées est une lutte pour libérer toutes les relations humaines des
entraves de la contrainte économique et pour lancer l'humanité sur la voie d'un
ordre social supérieur.
NOVEMBRE 1979
RESOLUTION SUR
LES REUNIONS INTERNES DE FEMMES
Ces dernières années, un certain nombre de sections de la IV°
Internationale ont adopté des résolutions autorisant la tenue de réunions
non-mixtes - c'est-à-dire de réunions internes ouvertes aux seules camarades
femmes.
Alors que nous soutenons et défendons le droit des femmes à tenir de telles
réunions dans les organisations non-léninistes, nous sommes opposés à de tels
regroupements au sein du parti révolutionnaire.
L'apparition de réunions non-mixtes dans plusieurs sections reflétait
l'existence de problèmes politiques très réels, ainsi que les carences de la
direction,
Cela s'exprimait par un manque de sensibilité face à l'ampleur des
problèmes spécifiques auxquels sont confrontées les camarades femmes, par une
incapacité à comprendre l'importance du mouvement de libération des femmes et
la place qu'il occupe dans la lutte de classes, par la lenteur à répondre à la
montée du mouvement féministe ou la résistance à attribuer des tâches aux
camarades dans le travail de libération des femmes et à intégrer ce dernier
dans toutes les sphères de notre activité politique. A cause de ces erreurs,
nous avons malheureusement perdu des cadres de valeur et raté des opportunités
politiques. Ce type de situation a plus d'une fois entraîné une explosion
d'amertume de la part des camarades, en particulier des femmes, conscientes que
ce sont souvent des attitudes sexistes qui sont à la base de ces erreurs, ce
qui complique d'autant la tâche pour parvenir à les corriger.
Dans un effort pour tenter de changer une telle situation, des camarades
femmes de plusieurs sections ont demandé le droit de se réunir dans des
réunions non-mixtes, dont tous les camarades hommes soient exclus, pour
discuter de la situation interne au parti.
Notre soutien au droit des femmes à tenir de telles réunions dans les
organisations du mouvement de masse découle du fait que les autres
organisations ne se fondent pas sur un programmé marxiste-révolutionnaire qui
représente les intérêts historiques des femmes et de la classe ouvrière. Leurs
directions ne sont pas démocratiquement élues pour défendre un tel programme.
Il y a une contradiction, par exemple, entre les intérêts de la bureaucratie
syndicale et tes exigences des syndiqués et des femmes. Dans ce contexte, le
droit des femmes à organiser des réunions non-mixtes devient une question de
démocratie élémentaire et fait partie de la lutte pour donner une orientation
politique de lutte de classes au syndicat.
Mais le parti marxiste-révolutionnaire ne peut accomplir les tâches
historiques qu'il s'est fixées que s'il est capable d'unir dans ses rangs et sa
direction les représentants les plus conscients et les plus combatifs de la
classe ouvrière et surtout de ses couches les plus opprimées et exploitées.
Pour ce faire, il doit surmonter les divisions profondes entretenues par le
capitalisme et forger une organisation qui ait une confiance profonde dans sa
compréhension et son engagement communs face à ses tâches. Cela est concrétisé
dans le programme du parti marxiste-révolutionnaire qui synthétise les
expériences, les revendications et l'imbrication entre les luttes de tous les
exploités et les opprimés, et qui les intègre dans une orientation stratégique
visant à la révolution prolétarienne.
C'est de ce programme que nous faisons découler nos normes
organisationnelles. De même que nous n'avons qu'un seul programme, nous n'avons
qu'une seule catégorie de militants. Chaque camarade, homme ou femme, ouvrier
ou petit-bourgeois, jeune ou vieux, cultivé ou illettré, a les mêmes droits
quand il s'agit de déterminer le programme du parti et son intervention, les
mêmes responsabilités en ce qui concerne l'application de ces décisions. Le
programme politique et la ligne d'intervention du parti ainsi que son
fonctionnement interne doivent être discutés et tranchés démocratiquement, avec
la participation de tous ses membres.
Toutes les fractions, commissions, tendances ou autres structures internes
doivent être organisées démocratiquement, c'est-à-dire ouvertes à tous les
militants responsables d'une intervention particulière, ou à tous les militants
qui se reconnaissent dans la plate-forme d'une tendance, sans considération de
sexe, de race, d'âge, de langue, d'origine de classe ou de quoi que ce soit.
Mais dans un parti marxiste-révolutionnaire, quelles que soient ses
faiblesses et ses carences, il n'y a pas de contradiction intrinsèque entre le
programme, la direction et la base. C'est pourquoi l'organisation de réunions
non-mixtes va à l'encontre de la démocratie interne du parti et de la
construction du type d'organisations dont nous avons besoin pour mettre en
oeuvre notre programme de classe.
Dans la mesure où elles sont généralement créées dans le but exprès de
discuter uniquement des problèmes internes, les réunions non-mixtes sont
incapables d'impulser un processus permettant de résoudre les contradictions
internes. Ceci ne sera possible qu'à travers l'adoption d'une ligne correcte et
d'une intervention dans le mouvement de masse pour construire le parti. Seule
une telle démarche permettra l'éducation et l'évolution des membres de
l'organisation.
Des expériences répétées ont montré - en pratique comme en théorie - que la
création de réunions non-mixtes ne contribue pas à résoudre les problèmes qui
ont conduit à leur formation. Elles créent plutôt une dynamique centrifuge,
donnant l'impression que le parti est une fédération de groupes aux intérêts
conflictuels, chacun défendant son propre programme et ses propres priorités
plutôt qu'une organisation unie sur la base d'un programme commun et d'une
répartition des tâches. Souvent les réunions non-mixtes renforcent l'attitude
selon laquelle c'est aux camarades femmes seules qu'il incomberait de résoudre
les problèmes. De telles réunions poussent les femmes à se replier sur elles-mêmes
de manière négative. Elles renforcent les frustrations et la désorientation
politique aussi bien des camarades hommes que des camarades femmes, et souvent
elles accélèrent plutôt qu'elles n'empêchent le départ des femmes de
l'organisation. Comme elles ne se fondent pas sur la démocratie interne, les
réunions non-mixtes mettent aussi en question le centralisme dans l'action.
Elles sont en contradiction avec notre programme et avec nos normes
organisationnelles de centralisme démocratique.
Une forte pression pour organiser de telles commissions est un signal
d'alarme indiquant que c'est la direction qui n'a pas su faire face à la
difficulté politique de former le parti sur tous les aspects de la lutte pour
la libération des femmes et sa place dans l'intervention du parti. Les
problèmes ne peuvent être résolus en condamnant les camarades femmes qui
cherchent une solution. La réponse doit être fondamentalement d'ordre
politique, et non organisationnel ; et c'est à la direction de prendre la
responsabilité de corriger les erreurs, autant qu'il lui incombe de prendre en
charge la formation et l'orientation. Les problèmes qui existent ne peuvent
être résolus que par une discussion politique approfondie se concrétisant par
a) existence d'un travail femmes suivi, intégré à tous les secteurs
d'intervention
b) des mesures conscientes pour le développement d'un cadre qui puisse
intégrer les camarades femmes et surmonter les habitudes et attitudes sexistes.
NOVEMBRE 1979