La série commence par une contribution de
femmes de trois continents. Mariela Barbosa (Uruguay),
La restructuration et l’intégration de
l’économie capitaliste mondiale — y compris la récente obligation de la
politique d’ajustement structurel englobant des mesures d’austérité, la
privatisation de l’économie et la déréglementation du marché — et les avancées
actuelles vers l’établissement de regroupements commerciaux officiels par
l’intermédiaire de l’ALENA, de l’Union européenne et de MERCOSUR, ont un impact
particulier sur les femmes dans les pays capitalistes avancés et dans les pays
dépendants. Ce qui est également important, c’est que ces transformations
économiques et leur rôle de sape de la force politique de la classe ouvrière
internationale dépendent précisément du maintien de l’oppression et de
l’exploitation des femmes. Ce dernier point doit être bien saisi pour
comprendre la dynamique fondamentale en cause.
En résumé, les regroupements commerciaux
officiels, avec leurs buts d’“harmonisation” vers le bas des politiques
sociales et économiques pour supprimer les barrières à la libre circulation du
capital, la recherche du travail bon marché et du profit maximum, codifient et
approfondissent simplement des tendances existantes.
Malgré qu’il y ait des variations
régionales, nous pouvons dégager des implications générales pour les femmes et
des aspects des discriminations par sexe de l’intégration économique.
Le travail des femmes. En général, les implications de
l’intégration économique pour les femmes ont été l’encouragement à la
prolétarisation des femmes à l’échelle mondiale, en les forçant à travailler et
en utilisant en même temps leur rôle dans la famille et la société pour
justifier insécurité et discrimination et le retour de beaucoup de services à
la sphère “privée” de la famille, sur les épaules des femmes.
La restructuration capitaliste
internationale implique aujourd’hui le développement de l’industrie d’exportation
par des multinationales alors que des parties du processus de production
(généralement celles qui demandent beaucoup de travail non qualifié) sont
localisées dans des zones libres à travers le tiers monde. Ces zones
représentent des modèles locaux de ce que les nouveaux blocs commerciaux vont
créer sur une base régionale plus large. Des industries dans des zones libres
dépendent de l’exploitation de la main-d’oeuvre féminine pour procurer
l’augmentation de plus value et de profits qui est le but de la restructuration
globale. De ce fait, une couche significative des femmes du tiers monde est
intégrée dans la production industrielle dans les secteurs les plus modernes de
l’économie, mais dans des conditions d’exploitation maximale. Cependant, ce développement
s’est aussi accompagné par une énorme expansion du secteur informel dans lequel
travaillent la plupart des femmes, y compris celles qui ont été licenciées par
les industries multinationales à cause de leur âge ou de grossesses. En fait,
le travail des femmes dans le secteur informel est utilisé pour garantir le
“bas prix” et la “flexibilité” du travail masculin et féminin dans le secteur
industriel et de procurer une soupape de sécurité pour des ajustements
périodiques dans ce secteur. Cette tendance vers le travail dans le secteur
informel est accélérée par la commercialisation croissante et l’orientation
vers l’exportation de l’agriculture locale, un changement qui sape fréquemment
le rôle des femmes dans l’économie fermière plus traditionnelle.
Dans les centres capitalistes avancés, il
y a eu un déplacement du marché du travail du secteur industriel vers le
secteur des services, poussant un grand nombre de femmes dans le “ghetto”
sous-payé “des cols blancs”. Ce glissement s’est accompli sans ruptures
importantes par l’instauration de la division du travail par sexe dans la
famille. C’était donc les femmes qui jouèrent le rôle clé en maintenant les
liens familiaux pendant les périodes de chômage et de stress économique, et
aussi se montrèrent prêtes à accepter les travaux sous-payés pour la survie de
la famille. Cette expansion du secteur de services s’est combinée avec une
nouvelle phase du développement industriel aux Etats-Unis, au Canada et en
Europe occidentale, largement dépendante du travail de femmes immigrées. Ces
femmes, vulnérables à cause de facteurs combinés de sexe, race et de leur
statut d’immigrées, travaillent souvent dans de petites entreprises ou à la
maison. Une telle fragmentation et le caractère occasionnel du travail industriel
des femmes, qui s’accompagne à la tendance au travail temporaire et à temps
partiel dans le secteur des services, est un élément central dans la stratégie
du capital de création d’une force de travail “aléatoire” ou “flexible”.
Les politiques d’ajustement structurel, et l’augmentation du chômage qui en résulte, ont conduit à exclure les femmes de l’économie officielles d’une façon disproportionnée, tout en augmentant leur besoin de trouver un quelconque travail rémunéré. Elles se sont donc tournées vers le secteur non-officiel où les femmes sont de plus en plus forcées d’accepter des travaux de journaliers, vendeur de rues ou prostituées. Dans certains pays du tiers monde, le chômage a atteint de telles proportions que les hommes et les femmes sont maintenant en compétition pour les emplois non-officiels, supprimant de ce fait ce filet de sécurité pour les femmes.
Les accords de commerce vont presque
certainement accélérer ces développements, conduisant à une “maquiladorisation” du travail féminin aussi bien dans les
sociétés des pays capitalistes avancés que dans celles du tiers monde. Un de
leurs buts principaux — en dehors d’assurer des règles pour le flux des
capitaux et l’investissement, en réglementant fortement d’autres choses comme
les brevets — est de généraliser l’élimination de règles sur les conditions de
travail et des relations de travail, en utilisant l’argument que leur maintien
constituerait des “pratiques commerciales inélégantes”. On verra sûrement alors
des attaques contre des droits tels que:
• le droit à des conditions de travail
sûres et décentes. Des circonstances dangereuses dans les industries et
services où sont concentrées les femmes existent déjà — par exemple, le danger
dû aux produits toxiques dans les firmes d’électronique, le feu dans des
ateliers de confection, et l’augmentation du stress chez les employés utilisant
les ordinateurs.
• l’âge de la retraite peut être
“harmonisé”, comme cela a déjà été prévu en Uruguay, où MERCOSUR a
augmenté l’âge de la retraite des femmes de sept à neuf ans, pour s’aligner sur
le Brésil.
• les congés de maternité avec salaire, de
même que les garderies, des droits légaux au Mexique, pourraient être supprimés
par ALENA.
• des programmes d’action positive, un
droit durement acquis pour les gens de couleur et les femmes aux USA et au
Canada, pourraient être supprimés comme une charge inacceptable pour les
capitalistes de ces deux pays, “affectant” leur compétitivité.
Dans le secteur agricole, ALENA et l’Union
européenne encourageront la domination de l’“agrobusiness”, conduisant à des
pertes de leur base économique pour les femmes de paysans.
Santé et bien-être. Ces changements dans les conditions de
travail et la sécurité au travail affectent la santé des femmes et le bien-être
général des membres de la famille (et spécialement les jeunes et les personnes
âgées) pour lesquels les femmes ont une responsabilité particulière.
L’augmentation des prix et le chômage affectent la capacité des femmes à
satisfaire les besoins essentiels, alors que des restrictions dans les dépenses
publiques et le démantèlement des services sociaux diminuent l’aide à
l’éducation, les soins de santé et les garderies. Ces développements sont
particulièrement néfastes aux femmes à cause de leur rôle conscient dans la
reproduction sociale et biologique. En même temps, l’Etat demande aux femmes de
“reprendre le flambeau” et de procurer sur une base privée des services qui
étaient antérieurement fournis par le gouvernement, et en cela faisant avancer
le projet d’ajustement structurel.
ALENA en particulier conduit à provoquer
de nouveaux problèmes de santé chez les femmes étant donnés qu’il ouvre la voie
à la suppression de lois existantes sur l’environnement comme “pratiques
commerciales inacceptables”. Par exemple, dans certaines communautés près de la
frontière mexicaine, le problème des déchets toxiques est lié à des cancers de
l’appareil génital de la femme et à de sérieux problèmes foetaux comme les
enfants encéphaliques. Avec l’affaiblissement général des réglementations sur
l’environnement, ces problèmes pourraient se répandre dans toute l’Amérique du
Nord. Simultanément, ALENA va poser un problème aux programmes nationaux de
santé du Canada et du Mexique et rendre plus difficile l’établissement d’un tel
programme aux USA. Etant donné que ceci affecte l’ensemble de la classe
ouvrière, les femmes, principales utilisatrices du système de santé et
responsables de la santé familiale, seront particulièrement touchées. Dans
l’Union européenne aussi, les soins de santé et d’autres aspects de
l’État-providence pourraient disparaître graduellement.
Avantages sociaux et droits fondamentaux. En étroite relation avec la santé et le
bien-être, il y a les effets de la restructuration économique et des nouvelles
politiques commerciales sur les avantages sociaux que les femmes ont obtenus de
haute lutte ce dernier quart de siècle, au moins partiellement. Ceci inclut le
droit à une conception libre (y compris le droit à l’avortement), le droit à un
salaire égal, et le droit d’être à l’abri de violences et harcèlements sexuels.
Alors que la crise économique générale a
déjà affecté sérieusement les droits des femmes, les accords commerciaux sapent
potentiellement ces droits d’une façon progressive. Ceci est largement de
résultat des structures de décision dominées par les multinationales proposées
par ces accords, qui se superposeront aux organes législatifs et exécutifs
légaux. Ceci combiné avec l’accent mis sur les “pratiques commerciales
inacceptables” crée une situation favorable à la suppression des mesures en
faveur de l’égalité des femmes dans l’économie. Alors que les raisons pour
attaquer ces droits peuvent avoir une base économique, il faut remarquer que
ces droits renforcent la position des femmes dans plusieurs secteurs de la
société. Leur affaiblissement pourrait remettre en question le statut des
femmes comme citoyennes. Les possibilités pour un tel développement sont
particulièrement claires en Amérique du Nord où ALENA n’offre aucune garantie
au sujet de ces droits. En Europe la situation est plus contrastée du fait que
Sexualité. La manipulation de la sexualité des femmes est un des moyens que la
restructuration capitaliste utilise pour l’oppression des femmes. Ceci arrive
de diverses façons. D’abord, les attaques contre les droits sexuels et de
maternité comme discuté plus haut. En ce sens, de telles attaques peuvent être
considérées non seulement comme un effet du changement économique mais
préparent aussi la voie à d’autres restructurations en rendant les femmes plus
vulnérables en termes sociaux et économiques. Deuxièmement, on peut trouver de
nombreuses situations où l’entrée et le départ des femmes du marché du travail,
comme les conditions de leur surexploitation, sont justifiées par l’image de
leur sexualité. Ceci est, par exemple, très fréquent dans les usines où les
femmes sont considérer comme “sans sexualité” et par conséquent “libres” d’être
exploitées, ou au contraire demandent à être contrôlées strictement — y compris
par l’organisation physique du lieu de travail utilisant la peur de violences
sexuelles — pour garantir leur pureté sexuelle, et donc limitant leur autonomie
et leur mobilité. Finalement, il y a des circonstances particulières — comme le
développement du commerce sexuel en Europe, en Asie et en Amérique Latine,
l’augmentation de la mortalité due à la dot en Inde, et des politiques de
population discriminatoires comme à Singapour — dans lesquelles où la sexualité
des femmes est contrôlée de façon à favoriser la stratégie économique d’hommes
individuels ou du capital dans son ensemble.
Idéologie. Les transformations idéologiques qui accompagnent l’intégration
globale ont également un impact sur les femmes. Ceci présente aussi différents
aspects. Il y par exemple, la manipulation des images et des normes sexuelles
discutées ci-dessus. Est important aussi la valorisation idéologique de
l’individualisme et de la privatisation qui accompagne les changements récents
dans les relations économiques. À cause du rôle traditionnel des femmes dans la
famille, un tel développement idéologique les affecte différemment — et dépend
aussi de leur collaboration souvent inconsciente aux changements culturels.
Enfin, il y la possibilité que ALENA et l’Union européenne joueront un rôle de
sape des aspirations à une lutte nationale progressive. Ceci à son tour
pourrait avoir des implications spéciales pour les femmes, car c’est par de
telles luttes que les revendications des femmes sont souvent émises et
satisfaites. Par exemple, pour préparer l’implantation de ALENA, il y a déjà
des pressions pour réviser l’histoire officielle de