écologie et socialisme
(Résolution du
Congrès Mondial de la Quatrième Internationale, 2003)
I.
Préface
II.
Données de la crise écologique
Les
changements climatiques
La
pollution de l'air
La
pollution de l'eau et la dégradation des sols
La
destruction des forêts
La
biodiversité menacée
Les
catastrophes industrielles et le risque nucléaire
III.
Les causes structurelles de la crise écologique
La
crise écologique dans les métropoles impérialistes
La
crise écologique dans les pays dépendants
La
crise écologique dans les anciennes sociétés bureaucratisées
IV.
Mouvement ouvrier et écologie
V. Acquis
et limites du mouvement écologique.
VI. Les
problèmes de l'environnement et la domination bourgeoise
VII.
Experiences d'organisation politique du mouvement écologique
VIII.
La Quatrième Internationale et la crise écologique
IX.
Programme d'action
1. La défense des services publics.
2. La
lutte contre les pollutions.
3. En
défense de l'emploi.
4. La
lutte pour la terre.
5.
Abolir le système de la dette.
6. Long
terme et démocratie.
I.
Préface
- Les problèmes écologiques s'étaient posés à
l'humanité à d'autres époques, mais ils ont acquis à l'heure actuelle une
qualité nouvelle à cause de leur ampleur et de leur gravité. Les dégâts
causés à l'environnement ont souvent des effets irréversibles sur l'homme
et la nature, et la crise écologique qui se profile à l'horizon du 21ème
siècle met en danger la vie de millions de gens.
- Contrairement aux courants dominants du
mouvement ouvrier, qui ont ignoré ou minimisé les problèmes de
l'environnement, les mouvements écologistes et les partis verts ont le
mérite incontestable d'avoir posé ces questions décisives à l'ordre du
jour. Mais les solutions qu'ils mettent en avant ne sont souvent que de
fausses solutions du fait qu'elles ignorent le lien intrinsèque entre
destruction de l'environnement et logique du profit capitaliste. Si on
veut aborder sérieusement les dangers écologiques, il faut justement
sortir du cadre fixé par la recherche du profit, dans la perspective d'une
société socialiste, démocratiquement planifiée.
II.
Données de la crise écologique
- La crise écologique, comme résultat de l'action
humaine sur la nature, a atteint un point où la survie de l'humanité est
potentiellement en question. L'intérêt économique d'une petite minorité
commande, d'une part l'apparition accélérée de nouvelles formes de
production sans évaluation préalable de leurs conséquences écologiques, et
d'autre part le maintien de techniques de fabrication pourtant reconnues
comme nuisibles. Tout cela se produit alors que les progrès de la
technologie augmentent les possibilités d'agir sur la nature, et donc
aussi de la bouleverser et de la détruire.
- .La révolution industrielle liée à l'essor du
capitalisme au XIXème siècle a accru très sensiblement la dissémination
des déchets dans l'atmosphère, en portant sérieusement atteinte à la santé
des travailleurs et des populations urbaines. Plus généralement, les ondes
de choc écologiques d'origine humaine se sont multipliées.
- Mais la crise écologique telle que nous la
connaissons, n'est pas la conséquence linéaire du développement industriel
depuis le 19ème siècle. Elle est le résultat d'un saut qualitatif,
enclenché à l'échelle mondiale par le boom économique capitaliste des
années 1950 et 1960, par la généralisation massive de l'utilisation du
pétrole et par le développement gigantesque de l'automobile, par le
développement de l'industrie chimique et la généralisation de sa
pénétration dans tous les secteurs d'activité, et en particulier dans
l'agriculture avec les engrais et les pesticides. A partir des années 1970,
ce saut qualitatif est devenu plus spectaculaire à la suite de la crise
des économies bureaucratiquement planifiées et surtout, de façon
particulièrement dramatique, à la suite de la combinaison de crise
économique et d'industrialisation sauvage impétueuse dans le "Tiers
Monde".
Les changements climatiques
- Les
activités humaines qui recourent aux combustibles fossiles (production
d'énergie, transports), l'utilisation du bois de chauffe à usage
domestique dans le Tiers monde et la déforestation dramatique qui en
découle, ainsi que les activités agricoles, constituent une cause
essentielle du réchauffement du climat en cours. Ces activités rejettent
environ 7 milliards de tonne par an de gaz à effet de serre dans
l'atmosphère (CO2, CH4, N2O, CFC), dont la moitié n'est pas recyclée par
les océans ou les forêts. L'effet de serre, responsable du maintien de
températures propices à la vie à la surface de la planète, s'en trouve
déséquilibré, ce qui induit de graves perturbations du système climatique
complexe de la planète, dont le réchauffement global n'est qu'un aspect.
En 1989, il a été mesuré que la décennie 80 avait été la plus chaude
jamais enregistrée. En 2000, c'est la décennie 90 qui est apparue comme la
plus chaude jamais enregistrée ! Malgré ces données, il existe encore
des forces bourgeoises pour nier l'importance décisive du changement
climatique et la nécessité d'agir sans délai pour contrecarrer la hausse
des émissions de gaz à effet de serre et
limiter des conséquences déjà irréversibles. Les conséquences dans
de nombreuses régions seront catastrophiques pour l'économie de vastes
communautés humaines. Les perturbations du cycle atmosphérique de l'eau
sont le plus à craindre, modifiant le régime des pluies et de
l'évaporation, et augmentant le nombre et la brutalité des cyclones
tropicaux. La remontée du niveau des mers est probable. Selon son ampleur,
elle mettra en péril des zones insulaires et littorales précises.
- Ce bouleversement climatique va se combiner, au
vu des tendances prévisibles, avec la diminution continue de l 'ozone
stratosphérique et l'augmentation corrélative du flux de rayons
ultra-violets solaires, cancérigènes, atteignant le sol. La destruction de
la couche d'ozone est provoquée par les effets de l'accumulation dans la haute
atmosphère de composés organo-halogénés, les chloro-fluoro-carbones (CFC),
utilisés principalement dans l'industrie du froid et les bombes aérosols.
Même si leur interdiction est aujourd'hui presque complète, les CFC déjà
émis sont loin d'avoir terminé leurs effets destructeurs prévus jusqu'en
2060.
- Les changements globaux dans les régulations au
sein et entre les principales composantes de l'environnement terrestre
(atmosphère, océans, biosphère...) vont se répercuter tout au long du
21ème siècle, sur des échelles de temps variables mais en général très
supérieures aux échelles de temps prises en compte dans les activités
humaines qui en sont à l'origine. Ce fait souligne l'urgence d'intégrer
les enjeux écologiques dans l'organisation d'ensemble des sociétés.
La pollution de l'air
- Une grande variété de substances toxiques est
disséminée dans l'air par les industries, les transports ou la dégradation
de biens de consommation plus ou moins durables. La croissance débridée,
et apparemment incontrôlable, de la circulation automobile en fait la
principale source de dioxyde de soufre et d'oxydes d'azote, qui devance
nettement les chauffages domestiques et industriels. L'aldéhyde formique,
le mercure et l'amiante, par exemple, sont des polluants industriels, mais
ils sont présents également, dans une mesure très importante, dans des
biens de consommation courants, des matériaux de construction pour le
formaldéhyde et l'amiante, des piles électriques (mercure).
- La concentration de ces toxiques dans l'air des
villes peut être mille fois plus grande que celle dans l'air des
campagnes. La pollution de l'air est devenue un véritable fléau des
grandes concentrations urbaines, aussi bien celles des pays riches que
celles particulièrement gigantesques et anarchiques des pays pauvres. Elle
provoque en milieu urbain une augmentation alarmante des maladies
respiratoires : asthme, bronchite, cancers pulmonaires. Des études
européennes ont révélé que plusieurs dizaines de milliers de décès par an
étaient attribuables à la pollution des grandes métropoles de l'Europe de
l'Ouest.
- L'amiante est à l'origine de nombreux cancers
mortels chez les ouvriers des chantiers navals et du bâtiment. A cause du
temps d'incubation de ces cancers, le nombre annuel de décès augmente très
rapidement et révèlent l'ampleur du problème : plus de 100 000 décès liés
à une exposition à l'amiante sont attendus rien qu'en France dans le
premier quart du 21ème siècle. La dénonciation des dangers de l'amiante a
entraîné une réduction très forte de son usage dans les pays
industrialisés riches, et son remplacement par d'autres substances ; mais
dans le "Tiers Monde" son usage croît massivement.
- Le dioxyde de soufre et les oxydes d'azote sont
la cause de l'acidification des pluies qui joue un grand rôle dans la
dégradation des forêts tempérées de l'hémisphère nord.
La pollution de l'eau et la dégradation des sols
- Les déchets, tant d'origine domestique
qu'agricole ou industrielle, débouchent sur les eaux de la planète qui
servent ainsi de gigantesques égouts. Les eaux continentales, fleuves et
lacs, sont les plus touchées, mais par les fleuves et les villes côtières
cette pollution s'étend de plus en plus à la mer. Les conséquences les
plus graves en sont l'accumulation de métaux lourds, mercure, cadmium,
etc., et de composés organiques, hautement toxiques, dans les sédiments de
fond, et surtout l'accumulation dans les eaux de substances engraissantes,
nitrates et phosphates, qui provoquent la prolifération débridée d'algues
et de végétaux aquatiques dont la décomposition épuise ensuite l'oxygène
dissous dans l'eau : d'où une hécatombe d'êtres vivants aquatiques.
- L'état des océans s'aggrave rapidement.
L'augmentation du trafic maritime mondial est en cause, d'autant plus que
l'état de délabrement de nombreux navires provoquent des pertes
importantes. La recherche systématique du plus bas coût par les
multinationales pétrolières est directement responsable de catastrophes
comme les naufrages de l'Exxon Valdez, l'Erika ou le Prestige. A la pollution
visible des marées noires - 70 pétroliers ont fait naufrage en 1996 -
s'ajoutent la quantité astronomique de pétrole qui s'échappe des forages
sous-marins et le dégazage des bateaux. La mer est aussi utilisée pour y
décharger des déchets toxiques, chimiques et radioactifs.
- La pollution des eaux est liée à celle des
sols, à la fois cause et conséquence de certaines pollutions des eaux et
de l'air. On voit là toutes les conséquences de pratiques agricoles
imposées par la pression du marché: exploitations intensives (abus
d'engrais et de pesticides), monocultures, cultures inadaptées aux
écosystèmes et climats locaux etc. L'industrie de guerre, avec ses
munitions radioactives, ces soumarins nucléaires coulés, et ses mines qui
rendent la terre inutilisable, contribu à cette dégradation. C'est à
une destruction massive des sols à l'échelle planétaire que l'on assiste,
dans laquelle se combinent pollutions, épuisement, désertification,
érosion massive, et qui s'interpénètre avec les causes économiques et
sociales de la faim qui frappe 800 millions d'habitants du Tiers Monde.
La destruction des forêts
- Parmi les manifestations les plus dramatiques
de la crise écologique, la destruction mondiale des forêts est
particulièrement inquiétante, à cause de l'ampleur de ses conséquences. En
50 ans, un tiers des surfaces forestières de la planète a disparu. Elle
frappe principalement les pays tropicaux. Dans les pays industrialisés, la
surface forestière reste assez stable mais est atteinte d'un lent
dépérissement dû à la pollution de l'air, des eaux et des sols. Par
contre, dans le "Tiers Monde" c'est le déboisement qui
caractérise la crise écologique. La déforestation s'instaure dans un
cercle vicieux entre pauvreté et dégradation des sols arables. Autre
responsable, la surexploitation des bois tropicaux, sans aucune
préoccupation de gestion durable, qui détruit la biodiversité - les forêts
tropicales abritent plus de 50% des espèces végétales et animales de la
planète - et les resources des populations forestières pour alimenter, à
moindre coût, les marchés occidentaux de la construction ou de
l'ameublement.
- De plus, depuis 1997, une recrudescence
d'incendies frappe l'Amazonie, l'Amérique centrale, la Russie ou l'Asie du
Sud-Est. En Indonésie, des feux de forêt gigantesques, qui ont détruit 10
millions d'hectares en 3 ans, ont affecté 70 millions de personnes et ont
coûté plus de 4,5 millard de dollars. A l'échelle de la planète la
déforestation aggrave l'effet de serre.
La
biodiversité menacée
- L'existence de dizaines de milliers d'espèce
est menacée par les atteintes innombrables que subissent les écosystèmes.
Un quart de la biodiversité mondiale pourrait ainsi disparaitre d'ici 25
ans. Dans certains cas, ces atteintes peuvent entraîner la déstabilisation
des équilibres environnementaux avec des conséquences incalculables sur
les conditions de vie de l'espèce humaine.
- La biodiversité doit être défendue, non par
posture sentimentale ou esthétique, mais au nom de l'espèce auquel nous
appartenons. Ne maîtrisant pas les conséquences des changements
irréversibles qu'il peut faire subir à l'environnement, l'homme doit
veiller à déployer ses activités dans le cadre d'une nature dont les
équilibres écologiques sont respectés.
- Le capitalisme, qui se soucie de la pollution
comme d'une guigne, qui exploite les ressources avec l'unique objectif
d'une rentabilité immédiate quitte à menacer l'existence même des forêts
tropicales, véritables réservoirs d'espèces animales et végétales, ou la
vie marine, qui s'empare d'innovations technologiques sans se soucier
aucunement de leur possible impact écologique comme dans le cas des OGM -
dont la dissémination dans l'environnement est un processus irréversible
et potentiellement dangereux - doit être mis en cause dans ses fondements
par quiconque entend protéger les équilibres écologiques existant.
- La production d'organismes génétiquement
modifiés, au lieu de rester une technique de laboratoire, s'est imposée
comme l'une des biotechnologies-clé utilisées par le capitalisme pour
trouver de nouveaux débouchés et étendre son emprise au niveau le plus
intime et jusqu'ici hors de sa portée d'une activité humaine millénaire :
la reproduction et le contrôle génétique des espèces végétales et
animales.
Les catastrophes industrielles et le risque
nucléaire
- Les conséquences écologiques désastreuses de la
production capitaliste se manifestent également sous forme d'accidents de
grandes dimensions, ou de risque potentiel de tels accidents, dans des
installations industrielles telles que les usines chimiques et les
centrales nucléaires. La catastrophe de Bhopal, ses 15 000 morts et les
souffrances des victimes de l'isocyanate de méthyle qui décèdent encore
par centaines chaque année, en est un des exemples les plus tragiques avec
Tchernobyl.
- A cause de sa nature spécifique, de la portée
incalculable de ses effets néfastes possibles, et surtout de la
persistance de ces effets à très long terme, et du fait que des solutions
alternatives existent, le nucléaire apparaît à juste titre comme une
illustration particulièrement angoissante des choix aberrants qui sont
faits en matière de développement des forces productives.
- Le risque radioactif ne se limite pas au risque
d'accident majeur. L'industrie nucléaire n'a toujours pas résolu, après 40
d'existence, le problème du stockage des déchêts nucléaires. Menacée de
déclin, elle se cherche des vertus écologiques pour relancer de nouveaux
programmes électro-nucléaires, aujourd'hui en panne. L'atome serait la
solution pour réduire les émissions de CO2. Cette assertion occulte les
dangers de la pollution radioactive (rejets autorisés ou accidentels) et
le fait que les transports sont de loin la première source de CO2. De
plus, un tel système énergétique, peu flexible, basé sur de grandes unités
de production et la construction de centaines de nouvelles centrales,
monopoliserait les investissements au détriment d'autres systèmes
(économie d'énergies, énergies renouvelables), encouragerait le gaspillage
énergétique lié aux surcapacités de production et aux pertes sur les
réseaux de distribution, et perpétuerait un modèle de développement
néfaste à long terme.
25.
A ce risque permanent s'ajoute les agressions impérialistes qui ont des
conséquences écologiques très graves du fait de la puissance de destruction des
armes utilisées, de leur potentiel de pollution durable : les guerres du
Vietnam, du Golfe et de Serbie-Kosovo en témoignent.
***
- Tous les éléments de cette crise écologique,
loin de créer de nouvelles urgences qui marginaliseraient les problèmes
économiques, sociaux et politiques "traditionnels", s'y trouvent
au contraire étroitement mêlés.
- La crise écologique se manifeste comme un
phénomène dramatique qui s'étend, provoquant non seulement des
catastrophes locales et partielles, dans certains cas irréversibles, dans
d'autres réversibles à court ou à moyen terme, ou à l'échelle de 2-3
siècles (l'âge de nombreux arbres) mais générant aussi des dangers
globaux, telle la menace de réchauffement climatique ou la réduction de
biodiversité. Tout dépend de ce qui sera consciemment entrepris par les
communautés humaines.
III.
Les causes structurelles de la crise écologique
- Bien qu'il ne puisse se soustraire aux lois de
la nature, le mode de production capitaliste est à différents points de
vue en contradiction fondamentale avec la nature et les processus
d'évolution naturels. Pour le capital, seul l'aspect quantitatif , qui
détermine la relation temps de travail/argent dans le cadre de la loi de
valeur , est décisif : des relations qualitatives et globales ne peuvent
être prises en considération.
- La production capitaliste est basée sur des
processus cycliques à réaliser dans les délais les plus courts possibles
pour que le capital avancé puisse augmenter. Elle doit donc imposer aux
processus naturels un rythme et un cadre qui leur sont étrangers.
L'exploitation des ressources naturelles ne peut pas prendre en
considération le temps nécessaire à leur formation et à leur
renouvellement. L'extension de la production marchande ne peut pas
respecter les modes d'organisation sociale pré-existants. L'occupation de
l'espace nécessaire au bon déroulement de la production, de
l'approvisionnement en énergie et de la distribution, doit se faire sans
tenir compte de l'environnement naturel, de la faune ou de la flore. Ce
n'est donc pas un manque de sagesse du capitalisme qui entraîne la
destruction de l'environnement, mais précisément la rationalité qui lui
est propre. Voilà pourquoi les sociaux-démocrates qui revendiquent une "croissance
qualitative" sont empêtrés dans la logique du capital: croissance
qualitative et loi de valeur s'excluent l'une et l'autre.
- La rationalité capitaliste détermine le
mouvement des capitaux individuels. Mais la concurrence des capitaux entre
eux rend irrationnel le système dans son ensemble : l'intelligence mise en
oeuvre pour améliorer la production tout comme pour économiser les
matières premières, s'arrête aux portes de l'entreprise. C'est
l'environnement qui en fait les frais dans tous les domaines pour lesquels
"personne" ne se sent responsable : pollution des eaux, de l'air
et de la terre. En outre, la concurrence entraîne des crises de
surproduction périodiques qui révèlent qu'une quantité considérable
d'énergie et de matière a été investie dans des marchandises qui ne se
vendent pas. De surcroît, le marché pousse à la fabrication de produits
superflus du point de vue de la valeur d'usage (publicité, drogues
diverses, armements, etc.) mais dont la valeur d'échange rapporte de gros
profits. La concurrence et la course aux profits et aux surprofits sont en
fin de compte à l'origine d'agissements criminels, reconnus comme tels par
la législation capitaliste elle-même: non-respect de la réglementation sur
l'environnement, utilisation de substances toxiques, tests de qualité
insuffisants, falsification d'indications de contenu, abandon de déchets
dans des décharges sauvages, etc.
31.
Le terme de productivisme, popularisé par le mouvement écologiste,
traduit, parfois de manière confuse, un aspect de l'irrationalité du système
capitaliste. Au lieu d'être source de progrès social, le développement de la
productivité se traduit par une intensification de l'exploitation de la force
de travail, des choix de production déconnectés des besoins sociaux et des impératifs
écologiques, et des crises chroniques de surproduction. La production, dans une
marche aveugle, fonctionne comme si elle était à elle-même son propre but.
La
crise écologique dans les métropoles impérialistes
- C'est dans les pays capitalistes développés que
l'exploitation économique, c 'est-à-dire le processus de quantification
économique du substrat naturel, social et historique préexistant est la
plus avancée. La production de marchandises régit désormais tous les
secteurs de la vie sociale, tandis que le processus social de production
se trouve de plus en plus parcellisé et les rapports de propriété, que la
concurrence entre propriétaires de moyens de production empêche de se
figer complètement, de plus en plus centralisés.
- Dans tous les pays impérialistes, ceci a mené
aux mêmes problèmes écologiques majeurs, une preuve de plus que ces
problèmes ne sont pas à considérer comme des "pannes" ou à des
"ratés", mais qu'ils correspondent à cette logique du système partout
dans le monde .
- La
privatisation des services publics,
l'expansion incontrôlée des villes et leur « bétonisation » conduisent à une terrible
dégradation de l'environnement urbain,
avec la disparition des
espaces verts et la destruction des bois et des forêts par les routes et
autoroutes. L'exploitation, presque achevée du dernier centimètre carré au
profit d'une zone industrielle, d'un centre de commerce, d'une
cité-dortoir, d'un parc de loisirs ou d'une zone administrative a allongé
continuellement les déplacements nécessaires alors que la structure des
besoins reste sensiblement la même. La politique des transports, basée sur
la voiture individuelle à essence, a pour conséquence un surnombre
chronique d'automobiles et menace toutes les grandes agglomérations de
paralysie et/ou d'asphyxie.
- En particulier dans le domaine de l'énergie,
les rapports de propriété centralisés ont dicté la construction de grandes
centrales à combustibles fossiles ou nucléaires : un choix néfaste pour
l'atmosphère et en même temps tout à fait irrationnel du point de vue
d'une utilisation économique de l'énergie.
- L'irrationalité du marché et la recherche du
profit sont responsables de façon décisive du problème des déchets. Il est
de plus en plus "avantageux" pour chaque entreprise de jeter, de
mettre à la décharge ou de brûler ce qui est inutile à la production.
Ainsi, les montagnes de déchets, en particulier de déchets toxiques, sont
presque devenues un symbole de la société de surabondance capitaliste. Sans
parler du problème monumental posé par les déchets nucléaires militaires
et des destructions de l'environnement provoquées par les guerres - notamment par les expéditions
militaires impérialistes. Le
capitalisme n'est pas à même de corriger ces « excès ».
- Les conséquences de ces problèmes écologiques
fondamentaux sont: la destruction des sites naturels et l'urbanisation
envahissante, le sur encombrement des routes, la pollution de l'air due à
la voiture individuelle, l'empoisonnement par l'industrie chimique, la
pollution radioactive due à l'énergie nucléaire, les montagnes de déchets
de plus en plus grandes. Le capitalisme n'est pas à même de corriger ces
"déviations". Si les ressources naturelles , comme l'eau, le
bois, les sols, sont "librement" disponibles, sous le
capitalisme elles sont usées, gaspillées et polluées, le plus souvent sans
contrôle. Elles sont - et pas seulement au sens économique - des
"facteurs exogènes". Elles restent conditionnées, c'est-à-dire
elles sont l'objet de la recherche de profit privé. En d'autres termes, la
nature limitée des ressources n'est perçue que par ceux qui sont
contraints à les acheter. Ceux qui les vendent, ont un intérêt fondamental
à l'expansion et s'opposent à toute tentative de les économiser.
- Toute tentative de correction va à l'encontre
de la campagne actuelle des capitalistes en faveur d'une plus grande
dérégulation ; ou bien elles ne sont concevables qu'en partant de la
prémisse fausse que la loi de la valeur serait à même de distinguer d'une
manière quelconque entre de "bons" profits (respectant
l'environnement) et de "mauvais" profits. Ainsi, les pays
impérialistes sont condamnés à un rafistolage toujours en retard sur les
problèmes, qui peut obtenir quelques succès tout au plus au niveau de remèdes
ou de limitations partielles comme l'obligation d'installer des filtres
pour l'épuration des eaux et de l'air, etc.
- La production capitaliste, par ailleurs,
façonne ses consommateurs. Ainsi, le comportement des individus est un
facteur qui aggrave la crise écologique et entrave la sortie de celle-ci.
Un exemple flagrant est ce que l'on pourrait désigner comme « la
dictature automobile », c'est à dire le système, écologiquement
catastrophique, de la voiture individuelle, promu par le marketing de l'industrie
automobile, par l'idéologie individualiste bourgeoisie, par la dégradation
délibérée des transports publics, mais aussi par la structure urbaine des
grandes villes, qui oblige les travailleurs à des grands deplacements. Des
changements individuels de comportement ne peuvent cependant exercer
qu'une influence minime sur la nature fondamentalement destructrice de
l'environnement de la production capitaliste.
La
crise écologique dans les pays dépendants
- La conclusion lucide d'une étude de l'organisation
de l'ONU pour l'environnement selon laquelle les problèmes écologiques du
"Tiers Monde" sont des problèmes de pauvreté , est parfaitement
juste si l'on n'oublie pas que cette pauvreté n'est pas le résultat d'une
fatalité, mais de la politique et de l'action économique des pays
impérialistes. S'il est possible, en défigurant les faits, de présenter la
crise de l'environnement dans les pays impérialistes comme la conséquence
d'une société d'abondance et non comme le résultat de l'économie de marché,
dans les pays dépendants d'Asie, d'Afrique et d'Amérique Latine, le
rapport entre crise économique et crise écologique est absolument
transparent. Pour des millions d'êtres humains, la destruction croissante
de l'environnement et de la biosphère et la lutte quotidienne pour
survivre font partie de la même expérience directe. Plus de 800 millions
de personnes sont sous-alimentées, 40 millions meurent chaque année de
faim ou de maladies dues à la malnutrition. Près de 2 milliards ne
connaissent pas d'approvisionnement régulier en eau potable propre; 25
millions en meurent chaque année. Un milliard et demi d'êtres humains
souffrent d'un manque aigu de bois de chauffage qui est souvent leur seule
source d'énergie. La nourriture , l'eau et le combustible pour se
chauffer, ces trois éléments essentiels de l'existence physique de
l'homme, sont très largement insuffisants dans cette partie du monde.
L'ONU estime de plus qu'environ 500 millions d'hommes sont des
"réfugiés de l'environnement", forcés de quitter leurs régions
d'origine suite à la sécheresse, aux inondations, à l'érosion des terres,
à l'extension de l'agriculture orientée vers l'exportation, etc. C'est un
fait: la crise écologique dans ces parties du monde n'est pas une
"bombe à retardement", ou un problème pour le futur, mais une
crise existentielle bien réelle déjà aujourd'hui.
41.
La principale cause de la misère et de la crise écologique, c'est le
mode de production capitaliste. Les structures bien connues de dépendance de
l'impérialisme et du marché mondial dominé par celui-ci ont soumis la nature
des pays dominés à une exploitation économique beaucoup plus directe et brutale
que dans les pays impérialistes. C'est le cas,
par exemple, de l'exportation
vers le Sud des déchêts industriels ou nucléaires des pays capitalistes
avancés, transformant ceux-ci en
gigantesques poubelles de matériaux toxiques et/ou irradiés. Ou encore de la biopiraterie des entreprises capitalistes – notamment
pharmacéutiques - qui s'approprient et
mettent sous brevet les connaissances traditionnelles des populations
indigènes. La destruction de
l'environnement suivant les besoins du marché mondial et les interêts des
multinationales sont, dans les pays
dependants en contradiction encore plus flagrante, etc...
- La destruction de l'environnement suivant les
besoins du marché mondial et les intérêts des multinationales y est en
contradiction encore plus flagrante avec les structures sociales et les
modes de vie hérités de leur histoire. Dans tous ces pays, l'impérialisme
a façonné les territoires en imposant une infrastructure construite
presque exclusivement autour des centres d'activité économique dépendants
du marché mondial. C'est sur cette base que sont choisis les "centres
de matières premières", les centres d'affaires, les zones
touristiques, les plantations et les pâturages pour une production
orientée vers l'exportation. L'énorme pression sur les hommes victimes de
ces processus, le refoulement des modes de vie différents et de fonctions
sociales "dépassées" vers les régions marginalisées du pays ,
ont été et sont encore sans commune mesure avec les bouleversements dont
l'homme et l'environnement souffrent, à la suite de processus déterminés
par d'autres, dans les métropoles capitalistes.
- Du point de vue écologique, aussi, on peut donc
constater l'effet fatal de la loi du "développement inégal et
combiné" dans les pays dépendants. Le marché mondial porte sa
dynamique destructrice pour l'environnement et ses contradictions les plus
déchirantes même dans les coins le plus "arriérés" du monde. Et
son action y est incomparablement plus dévastatrice, les forces qui s'y
opposent incomparablement plus faibles. On peut distinguer une série de
caractéristiques structurelles de ce mécanisme:
- • L'exploitation directe de matières premières
pour le marché mondial (minerais, bois, coton, caoutchouc etc.) et le
développement parallèle d'infrastructures, de routes, de voies ferrées, de
centrales énergétiques etc.;
- • La transformation de terres en terrains
agricoles ou en pâturages destinés à la production pour l'exportation, par
le truchement d'une politique de défrichements, qui comporte une grande
dépendance des engrais chimiques et des pesticides avec la pollution qui
en découle.
46.
Ces deux processus, font du problème de la terre la question la plus
brûlante dans la plupart des pays dépendants. La voracité des entreprises
d'agrobusiness et les politiques d'ajustement néolibérales conduisent au
déboisement ou l'incendie des forêts tropicales, l'usure, l'érosion ou la
destruction des couches de terre fertiles,
renforçant le risque de modification du climat et l'intensification des
« catastrophes naturelles ». Ce sont souvent les communautés
indigènes qui se mobilisent pour protèger l'environnement - en
Amazonie, en Equateur, en Inde - et agissent comme gardiennes du
patrimoine naturel de l'ensemble de l'humanité, en luttant contre les dégats causés par les multinationales.
- • Une urbanisation provoquée par une structure
économique spécifique et le problème de la terre. Suivant les estimations
de l'ONU, les villes dans les pays dépendants grandissent trois fois plus
vite que celles dans les pays capitalistes industrialisés. Dans ces
villes, les problèmes urbains bien connus sont encore plus catastrophiques
pour la nature et la vie. La pollution de l'air par le trafic automobile
et le chauffage domestique sont une menace aiguë. La qualité de
l'approvisionnement en eau propre et des eaux épurées représente le
deuxième problème des villes dans les pays dépendants. L'élimination des
déchets est le troisième. Dans la plupart des grandes villes d'Asie,
d'Afrique et d'Amérique Latine, les ordures sont simplement entassées ou
brûlées à ciel ouvert.
48.
Le problème des pays dépendants qui est actuellement le plus souvent
souligné, est celui de la dette vis-à-vis des banques et des gouvernements
impérialistes. Sur la période 1990-1995, la déforestation dans les 33 pays
africains classés parmi les pays pauvres les plus endettés a été de 50%
supérieure au destructions de forêts dans les autres pays africains, et de 140%
supérieure comparé au niveau moyen de déforestation dans le monde.
Parallèlement, il n'y a pas de moyens pour financer des mesures de conservation
de la nature. Les institutions financières internationales, comme la Banque
Mondiale et le Fond Monétaire International, font payer de plus en plus à
l'homme et à la nature les conséquences de l'endettement. Dans le secteur
agricole, l'austérité imposée par les plans d'ajustement structurel a entrainé
la suppression des subventions garantissant les prix et la libéralisation des
marchés agricoles. Le défaut d'investissement public accentue les problèmes
d'infrastructures pour les transports ou l'irrigation. Depuis 1994, les accords
de l'OMC ont encore accéléré le démantélement de l'agriculture des pays
dépendants. La recherche effrénée de revenus d'exportation, aux dépends des
cultures vivrières, provoque des crises de sous-alimentation dans plusieurs
pays d'Afrique et d'Asie. La pauvreté aiguë et l'exode rural augmentent tandis
que l'environnement se détériore constamment.
- Tout cela est cyniquement complété par une
série de destructions directes de la nature et de crimes écologiques
commis par les multinationales impérialistes. Ainsi, des unités de
production dangereuses (surtout dans l'industrie chimique) sont
transférées dans les pays dépendants. Là, non seulement la main d'œuvre
est bon marché, mais l'environnement peut aussi être impunément pollué.
- Les gouvernements de la plupart des pays
dépendants sont impuissants devant la crise écologique. Leur attachement
aux intérêts impérialistes et leurs propres privilèges ou intérêts de
classe prolongent la dépendance économique et la crise écologique. Même
certains programmes d'aide internationale (contre la faim, contre les
catastrophes écologiques ou les projets récents d'une annulation partielle
de la dette en échange de mesures de protection de l'environnement) ne
font souvent que contribuer à l'enrichissement des élites au pouvoir.
- La solution de la crise écologique dans les
pays dépendants est inconcevable sans rupture de la dépendance de
l'impérialisme. La recherche, face aux problèmes sociaux urgents, d' une
"modernisation" par les crédits et l'endettement a été une
erreur qui n'a fait que détériorer davantage la situation . Ceci est
d'autant plus vrai pour la crise écologique. Des millions d'hommes sont
contraints par la pauvreté et la dépendance économique à un comportement
quotidien extrêmement destructeur de l'environnement, mais sans lequel
leur simple survie ne serait pas possible. Le processus de révolution
anti-impérialiste, de révolution permanente dans les pays dépendants devra
donc aborder les problèmes écologiques d'une manière consciente, les
intégrer dans le programme de lutte contre le pillage capitaliste. C'est
la condition pour construire avec succès des rapports de production
alternatifs, socialistes.
La crise écologique dans les
anciennes sociétés bureaucratisées
- Malgré la disparition de l'URSS et de la
plupart des sociétés se réclamant du modèle soviétique, il est nécessaire
de revenir brièvement sur leur politique face à l'environnement. Le bilan
écologique de l'URSS et des pays ayant un régime de la planification
bureaucratiquement centralisée, est égal, sinon pire que celui des
métropoles impérialistes, notamment pour ce qui est de la pollution de
l'air, des eaux et des terres, du nucléaire - Tchernobyl ! - et des
problèmes de grandes agglomérations urbaines.
- L'une des raisons de cette situation est le
fait que ces sociétés n'aient pu surmonter que partiellement la loi de
valeur capitaliste et les contraintes objectives sur la production qu'elle
comporte. Dans de nombreux secteurs-clés de la production, la dépendance
du capitalisme et du marché mondial était toujours présente.
L'exploitation des ressources naturelles pour une économie d'exportation
ainsi que la dépendance de produits et de technologies provenant des
industries capitalistes ont provoqué , dans ces sociétés aussi, une
destruction inévitable de l'environnement. Et ceci d'une manière
comparable à celle des pays dépendants.
- L'économie planifiée a été une tentative de
développer une économie qui soit directement sociale. En opposition au
capitalisme où ce n'est qu'au niveau du marché qu'on vérifie l'utilité du travail,
c'est-à-dire la possibilité d'en vendre le produit , les sociétés
non-capitalistes ont essayé de déterminer et de planifier les besoins
sociaux avant la production. Il est évident que cette tentative ne peut
réussir que si tous les besoins et intérêts spécifiques des hommes sont
intégrés dans un processus global de réflexion et de décision démocratique
. Lorsqu'il s'agit de répartir quelque chose qui manque réellement, la
démocratie devient d'autant plus une nécessité vitale. La
bureaucratisation des sociétés de transition a cependant aboli
systématiquement la démocratie. La multitude de besoins sociaux et
nationaux, culturels et économiques des hommes fut standardisée,
normalisée et intégrée par la force dans un plan central dicté d'en haut.
Comme tout aspect qualitatif était enterré avec la démocratie, les
caractéristiques déterminantes de ce plan ne pouvaient qu'être des normes
et des taux de croissance quantitatifs. Ainsi, les sociétés de transition
ont fait une priorité, parfois même plus que les sociétés capitalistes, de
l'augmentation quantitative de la production, l'augmentation étant
ordonnée par décrets et imposée par la répression. La protection des
ressources et de l'environnement n'entrait dans de tels plans ,tout au
plus, que sous forme quantitative (nombre de stations d'épuration, de
filtres, dépenses de certains budgets etc.). Cette planification était dès
le départ truffée d'erreurs et d'immenses fautes de planification (avec un
gâchis correspondant de ressources) qui, faute de contrôle social,
n'étaient repérées qu'au moment où elles étaient reconnues d'"en
haut".
- En outre, les différentes parties du plan
correspondent aux intérêts des différentes fractions de la bureaucratie
qui le fixent. Ainsi est né ce système de gigantisme si caractéristique
pour l'URSS et les autres Etats bureaucratisés. Plus grands, plus vastes
et plus centralisés sont les projets (exemple: détournement des fleuves
sibériens), plus cela signifie de pouvoir pour les bureaucrates. On a vu
apparaître des bureaucrates préoccupés de la défense de l'environnement
depuis les années 70, mais ils étaient sans influence et restaient
enfermés dans de petits départements annexes.
- L'idéologie de la bureaucratie a prôné comme
une obligation l'optimisme et la foi dans le progrès. Les bureaucrates
avançaient la perspective de la "concurrence entre les deux
systèmes" et du "dépassement" des sociétés capitalistes.
Dans ce sens, des modèles de consommation et de modernisation capitalistes
catastrophiques pour l'environnement étaient valorisés et adoptés comme
valeurs idéologiques contribuant à déterminer le cadre du plan. . Seuls
des modèles basés sur une quantification des ressources naturelles
(c'est-à-dire, des modèles comparables à ceux d' économistes bourgeois
conservateurs) étaient acceptés par la bureaucratie.
- Il va sans dire que la crise écologique ne
pourra que s'aggraver dans le contexte de pillage économique et de
capitalisme sauvage qui règne en Russie depuis la disparition de l'URSS,
avec la bénédiction des puissances occidentales et du FMI.
58.
Le cas de Cuba est différent, dans la mesure
où, pour des raisons de necessité, mais
aussi par conviction écologique, l'économie planifiée s'éloigne, à partir des
années 90, du modèle soviétique productiviste et eco-destructeur. Le même vaut
pour le remplacement partiel des voitures par les byciclettes dans la
circulation urbaine.
IV. Mouvement
ouvrier et écologie
- Les écologistes accusent Marx et Engels de
productivisme. Cette accusation est-elle justifiée?
- Non, dans la mesure où personne n'a autant
dénoncé que Marx la logique capitaliste de production pour la production,
l'accumulation du capital, des richesses et des marchandises comme but en
soi. L'idée même de socialisme - au contraire de ses misérables
contrefaçons bureaucratiques - est celle d'une production de valeurs
d'usage, de biens nécessaires à la satisfaction de nécessités humaines.
L'objectif suprême du progrès technique pour Marx n'est pas
l'accroissement infini de biens ("l'avoir") mais la réduction de
la journée de travail, et l'accroissement du temps libre
("l'être").
- Cependant, il est vrai que l'on trouve parfois
chez Marx ou Engels - et encore plus dans le marxisme ultérieur - une
tendance à faire du "développement des forces productives" le
principal vecteur du progrès, et une posture peu critique envers la
civilisation industrielle, notamment dans son rapport destructeur à
l'environnement. Le passage suivant des Gründrisse est un bon exemple de
l'admiration trop peu critique de Marx pour l'œuvre
"civilisatrice" de la production capitaliste, et pour son
instrumentalisation brutale de la nature :
- " Le capital commence donc à créer la
société bourgeoise et l'appropriation universelle de la nature et établit
un réseau englobant tous les membres de la société : telle est la grande
action civilisatrice du capital. Il s'élève à un niveau social tel que
toutes les sociétés antérieures apparaissent comme des développements
purement locaux de l'humanité et comme une idolâtrie de la nature. En
effet la nature devient un pur objet pour l'homme, une chose utile. On ne
la reconnaît plus comme une puissance. L'intelligence théorique des lois
naturelles a tous les aspects de la ruse qui cherche à soumettre la nature
aux besoins humains, soit comme objet de consommation, soit comme moyen de
production".
- Par contre, on trouve aussi chez Marx des
textes qui mentionnent explicitement les ravages provoqués par le capital
sur l'environnement naturel - témoignant d'une vision dialectique des contradictions
du "progrès" induit par les forces productives - comme par
exemple le célèbre passage sur l'agriculture capitaliste dans le Capital :
- "Ainsi elle détruit et la santé physique
de l'ouvrier urbain et la vie spirituelle du travailleur rural. Chaque pas
vers le progrès de l'agriculture capitaliste, chaque gain de fertilité à
court terme, constitue en même temps un progrès dans les ruines des
sources durables de cette fertilité. Plus un pays, les Etats Unis du Nord
de l'Amérique par exemple, se développe sur la base de la grande
industrie, plus ce processus de destruction s'accomplit rapidement. La
production capitaliste ne développe donc la technique et la combinaison du
procès de production sociale qu'en épuisant en même temps les deux sources
d'où jaillit toute richesse : la terre et le travailleur."
- Même chez Engels, qui a si souvent célébré la
"maîtrise" et la "domination" humaines sur la nature,
on trouve des écrits qui attirent l'attention, de la façon la plus
explicite, sur les dangers d'une telle attitude, comme par exemple le
passage suivant de l'article sur "Le rôle du travail dans la
transformation du singe en homme" (1876) :
- "Nous ne devons pas nous vanter trop de
nos victoires humaines sur la nature. Pour chacune de ces victoires, la
nature se venge sur nous. Il est vrai que chaque victoire nous donne, en
première instance, les résultats attendus, mais en deuxième et troisième
instance elle a des effets différents, inattendus qui trop souvent
annulent le premier. Les gens qui, en Mésopotamie, Grèce, Asie Mineure et
ailleurs, ont détruit les forêts pour obtenir de la terre cultivable,
n'ont jamais imaginé qu'en éliminant ensemble avec les forêts les centres
de collecte et les réservoirs d'humidité ils ont jeté les bases pour l'état
désolé actuel de ces pays. (...). Les faits nous rappellent à chaque pas
que nous ne régnons nullement sur la nature comme un conquérant règne sur
un peuple étranger, comme quelqu'un qui est en dehors de la nature, mais
que nous lui appartenons avec notre chair, notre sang, notre cerveau, que
nous sommes dans son sein et que toute notre domination sur elle réside
dans l'avantage que nos avons sur l'ensemble des autres créatures de
connaître ses lois et à pouvoir nous en servir judicieusement".
- Il ne serait pas difficile de trouver d'autres
exemples. Il n'en reste pas moins qu'il manque à Marx et Engels une
perspective écologique d'ensemble. La question écologique est un des plus
grands défis pour un renouveau de la pensée marxiste au seuil du XXIème siècle.
Elle exige des marxistes une révision critique profonde de leur conception
traditionnelle des "forces productives", et une rupture radicale
avec l'idéologie du progrès linéaire et avec le paradigme technologique et
économique de la civilisation industrielle moderne. Malgré ces faiblesses,
la critique marxiste de l'économie politique capitaliste demeure
fondatrice de tout projet émancipateur et le mouvement écologiste ne peut
faire l'économie de s'y confronter.
- Parallèlement au développement du réformisme
dans les rangs du mouvement ouvrier, la réflexion critique de Marx et
Engels concernant les menaces que fait peser la civilisation capitaliste
sur la nature a été mise sous le boisseau. Tout comme il s'est intégré pas
à pas dans la société bourgeoise en acceptant ses principales institutions
(Etat, armée, lois, etc.), le réformisme a repris point par point les
conceptions productivistes de celle-ci. Par exemple, vers le début du
siècle, le Deutscher Metallarbeiterverband (DMV),organisation des ouvriers
de la métallurgie, dominée par la social-démocratie, explique dans une
prise de position significative: "Plus le développement de la
technique sera rapide, plus vite le mode de production capitaliste aura
atteint le point où il se bloquera lui-même et où il devra être remplacé
par un mode de production supérieur."
- .La social-démocratie et le stalinisme, malgré
leurs désaccords sur beaucoup de questions, avaient en commun une
conception productiviste de l'économie et une profonde insensibilité aux
questions de l'environnement. Il faut reconnaître que les courants
révolutionnaires en général - et la Quatrième Internationale en
particulier - n'ont commencé à intégrer la problématique écologique
qu'avec beaucoup de retard...
- La persistance de catastrophes écologiques, la
croissance de mouvements pour la protection de la nature, les succès
partiels de ceux-ci, leurs tentatives de structuration politique (partis
"verts"),etc. ont conduit à des différenciations à l'intérieur
du mouvement ouvrier : dans une série de pays, des syndicats entiers ou du
moins de fortes minorités en leur sein s'opposent à l'utilisation
"pacifique" de l'énergie nucléaire -CGIL en Italie, mineurs
britanniques - et font preuve d'une sensibilité accrue face aux questions
écologiques : CUT au Brésil, SUD en France, les Comissions Ouvrières en
Espagne, IG-Metall en Allemagne,etc.
- On peut distinguer actuellement quatre courants
dans les partis et syndicats qui se réclament des travailleurs :
a)
La fraction "béton" qui veut continuer comme si rien ne
s'était passé. Même cette fraction a dû procéder à des adaptations, vu les
développements catastrophiques pour l'environnement .Elle revendique
aujourd'hui des normes d'émissions et de réglementations nouvelles, mais plaide
pour le maintien de l'énergie nucléaire. Sans modifier ses positions myopes,
elle s'est pourtant déclarée d'accord avec des "réparations"
écologiques, surtout si celles-ci ouvrent de nouveaux marchés.
b)
Un courant technocratique qui croît pouvoir résoudre les problèmes
écologiques par l'utilisation de technologies avancées (high-tech). En réalité,
il ne s'agit le plus souvent que d'un simple transfert des problèmes : que
faire, par exemple, des quantités énormes de résidus de filtrage, de boues
d'épuration et autres déchets ? Peter Glotz du SPD allemand plaide en faveur
d'une coopération avec la fraction "end of the pipe technology" du
grand capital : par une alliance entre "la gauche traditionnelle, les
élites techniques et les minorités critiques des capitalistes bien orientés en
matière de croissance", une innovation socialement dirigée pourrait être
réalisée. Il rejette expressément la remise en cause de la propriété privée des
moyens de production.
c)
Le troisième courant qu'on pourrait appeler "réformiste
écologique", craint lui aussi de parler des rapports de production. Une
fois de plus, on prétend qu' il serait possible de débarrasser le capitalisme,
traité pudiquement de "société industrielle", d'une de ses excroissances,
en l'occurrence, de ses péchés écologiques. Erhard Eppler, en tant que
président de la "commission des valeurs fondamentales" du SPD
allemand, a pu expliquer : "Plus que jamais, la tâche de la
social-démocratie est donc de procéder, par une nouvelle politique de réformes,
à des corrections démocratiques, humaines et écologiques de la société
industrielle."
d)
Le quatrième courant, plutôt minoritaire, mais loin d'être négligeable,
c'est l'éco-socialisme, qui intègre les acquis fondamentaux du marxisme - tout
en le débarrassant de ses scories productivistes. Les éco-socialistes ont
compris que la logique du marché et du profit (de même que celle de
l'autoritarisme techno-bureaucratique des défuntes "démocraties
populaires") sont incompatibles avec les exigences écologiques. Tout en
critiquant l'idéologie des courants dominants du mouvement ouvrier, ils savent
que les travailleurs et leurs organisations sont une force essentielle pour
toute transformation radicale du système.
- En rupture avec l'idéologie productiviste du
progrès - dans sa forme capitaliste et/ou bureaucratique (dite
"socialiste réelle") - et opposé à l'expansion à l'infini d'un
mode de production et de consommation destructeur de l'environnement,
l'éco-socialisme représente dans le mouvement ouvrier et dans l'écologie
la tendance la plus sensible aux intérêts des travailleurs et des peuples
du Sud, celle qui a compris l'impossibilité d'un "développement
soutenable" dans les cadres de l'économie capitaliste de marché.
- Notre objectif , en tant que révolutionnaires,
c'est d'être partie prenante de ce courant et de convaincre les
travailleurs que les réformes partielles sont totalement insuffisantes :
il faut remplacer la micro-rationalité du profit par une macro-rationalité
socialiste et écologique, ce qui exige un véritable changement de
civilisation. Cela est impossible sans une profonde réorientation
technologique, visant au remplacement des sources actuelles d'énergie par
d'autres, non-polluantes et renouvelables, telles que l'énergie solaire.
La première question qui se pose est donc celle du contrôle sur les moyens
de production, et surtout sur les décisions d'investissement et de
mutation technologique.
- Une réorganisation d'ensemble du mode de
production et de consommation est nécessaire, fondée sur des critères
extérieurs au marché capitaliste : les besoins réels de la population et
la sauvegarde de l'environnement. En d'autres termes, une économie
de transition au socialisme fondée sur le choix démocratique des priorités
et des investissements par la population elle-même - et non par les
"lois du marché" ou par un politburo omniscient. Une économie
planifiée, capable de surmonter durablement les tensions entre
satisfaction des besoins sociaux et impératifs écologiques. Une transition
conduisant à un mode de vie alternatif, à une civilisation nouvelle,
au-delà du règne de l'argent, des habitudes de consommation
artificiellement induites par la publicité, et de la production à l'infini
de marchandises nuisibles à l'environnement (la voiture individuelle !).
V. Acquis
et limites du mouvement écologique.
- L'acquis fondamental du mouvement écologique,
qui a provoqué un changement profond dans la prise de conscience des
questions de l'environnement, a été et reste la compréhension de l'ampleur
de la destruction de l'environnement par le capitalisme tardif. La
destruction de la nature a atteint des dimensions qui mettent en péril
l'humanité toute entière. Il s'agit ici, comme dans le cas d' une guerre
nucléaire mondiale, d'une question de survie . Toutefois, à la différence
du danger de destruction nucléaire, c'est une question qui est toujours
"neuve" et qui s'aggrave constamment par des manifestations de
plus en plus évidentes. Cependant,
ce n'est pas parce que la question est réconnue comme vitale pour
l'ensemble de l'humanité, que l'on
doit, comme le proposent la plupart des écologistes, chercher des solutions
interclassistes, en faisant
abstraction de la lutte de classes contre le capital. La distinction entre ceux qui sont
interessés au maintient, quel
qu'en soit le coût, du
système, et ceux qui ont interêt à
son abolition n'est pas effacée,
bien au contraire.
- La remise en question du concept de
"progrès" est, elle aussi, un acquis du mouvement écologique.
Elle a montré les carences de l'analyse marxiste du capitalisme tardif :
on ne peut plus parler comme au début du développement du capitalisme d'un
développement positif de forces de production qui ne seraient que freinées
par le cadre de la propriété privée des moyens de production ou
développées au détriment du prolétariat. Le capitalisme transforme de
plus en plus les forces de production en forces de destruction. Mais
ceci signifie aussi qu'elles ne peuvent pas être "libérées"
telles quelles, c'est-à-dire utilisées dans un système socialiste au
profit de tous, mais qu'une sélection et une analyse critique sont
nécessaires. Il ne s'agit pas seulement d'une question théorique, mais
aussi d'une question éminemment pratique qui comporte la critique de
l'idée de "dépassement" du capitalisme propre à la bureaucratie
stalinienne. De plus, le côté matériel de la production (valeur d'usage) a
été mis en avant pour la première fois par une analyse plus fouillée ,en
posant la question de savoir quels produits sont désirables d'un point de
vue écologique et social etc.
- Après le recul du mouvement de 1968, le
mouvement écologique a de nouveau introduit dans la politique la dimension
"utopique". La discussion sur un changement fondamental du
système social, sur une autre façon de vivre et de produire, est relancée
à partir des nécessités écologiques. Au débat sus-mentionné sur la valeur
d'usage des produits est intégrée la discussion d'une production
socialement utile, de nouvelles idées utopiques à propos d'une société
différente sont exprimées et des "plans de reconversion"
concrets sont esquissés.
- Le premier lieu de développement du mouvement
écologique a été l'Europe. Des mobilisations de masse importantes ont eu
lieu, même dans les pays où le mouvement ouvrier était sur la défensive,
comme l'Autriche, la Suisse ou l'Allemagne. Les formes de lutte combatives
et concrètes, comme des manifestations , des blocus, des occupations de
sites ont favorisé l'essor d'une " culture de résistance ". Si
dans un premier moment l'axe principal des luttes a été la question du
nucléaire, par la suite d'autres thèmes se sont révélés mobilisateurs : le
combat contre la pollution et le refus des OGM. Des événements comme la
crise de la " vache folle " ont sensibilisé l'opinion à la
question de la " mal-bouffe " et des dangers résultant de la
logique de rentabilité du marché capitaliste. En France, l'entrée en scène
de la Confédération Paysanne a crée une dynamique radicale : partant d'une
action symbolique (démontage d'un MacDonald) contre les mesures de rétorsion
américaines face à l'interdiction française d'importation de bœuf aux
hormones, la lutte s'est étendue à une dénonciation de l'OMC, avec le
soutien de syndicats, associations écologiques et partis de gauche, et une
large sympathie de l'opinion publique. Cette sympathie s'est manifestée en
juin 2000 lors du rassemblement de solidarité avec les paysans en procès à
Millau (France).
- Les USA ont aussi connu des mobilisations
écologiques importantes, et la formation d'un mouvement complexe et
hétérogène, allant de la " deep ecology ", qui prétend donner la
priorité aux espèces végétales et animales sur l'humanité, à
l'éco-socialisme. Les récentes mobilisations à Seattle - printemps
2000 - ont montré la puissance de ce mouvement et la disposition de plusieurs
de ses composantes - comme par exemple l'importante association écologique
" Amis de la Terre " - à s'allier avec les syndicats et la
gauche dans le combat contre l'OMC et la marchandisation du monde. Seattle
a aussi permis une première convergence dans la lutte entre mouvements
nord-américains, européens - la Confédération Paysanne française était
représentée par ses porte-parole (José Bové) - et du Tiers Monde.
- Il faut aussi mentionner la présence des
réséaux d'action directe, d'inspiration eco-libertaire, composés de jeunes
très combatifs, qui jouent un rôle important dans toutes les grandes
mobilisations anti-néolibérales.
- Rien ne serait plus faux que de considérer que
les questions écologiques ne concernent que les pays du Nord - un luxe des
sociétés riches. De plus en plus se développent dans les pays du
capitalisme périphérique - le "Sud" - des mouvements sociaux à
dimension écologique.
- Ces mouvements réagissent à une aggravation
croissante des problèmes écologiques d'Asie, Afrique et Amérique Latine,
en conséquence d'une politique délibéré d'"exportation de la
pollution" par les pays impérialistes, et du productivisme effréné
exigé par la " compétitivité ". On voit ainsi apparaître dans
les pays du Sud des mobilisations populaires en défense de l'agriculture
paysanne, et de l'accès communal aux ressources naturelles, menacés de
destruction par l'expansion agressive du marché (ou de l'Etat), ainsi que
des luttes contre la dégradation de l'environnement immédiat provoquée par
l'échange inégal, l'industrialisation dépendante et le développement du
capitalisme (l'"agro-business") dans les campagnes. Souvent, ces
mouvements ne se définissent pas comme écologistes, mais leur combat n'a
pas moins une dimension écologique déterminante.
- Il va de soi que ces mouvements ne s'opposent
pas aux améliorations apportées par le progrès technologique : au
contraire, la demande d'électricité, eau courante, canalisation des
égouts, et multiplication des dispensaires médicaux figure en bonne place
dans leur plate-forme de revendications. Ce qu'ils refusent c'est la
pollution et destruction de leur milieu naturel au nom des "lois du
marché" et des impératifs de l'"expansion" capitaliste.
- Un texte de 1991 du dirigeant paysan péruvien
Hugo Blanco (de la Quatrième Internationale) exprime remarquablement la
signification de cette "écologie des pauvres" : "A première
vue, les defenseurs de l'environnement ou les conservationistes
apparaîssent comme des types gentils, légèrement fous, dont le principal
objectif dans la vie c'est d'empêcher la disparition des baleines bleues
ou des ours pandas. Le peuple commun a des choses plus importantes à
s'occuper, par exemple comment obtenir son pain quotidien. (...)
Cependant, il existe au Pérou un grand nombre de gens qui sont des
défenseurs de l'environnement. Bien sûr, si on leur dit, "vous êtes
des écologistes", ils répondront probablement "écologiste ta
sœur"... Et pourtant : les habitants de la ville d'Ilo et des
villages environnants, en lutte contre la pollution provoquée par la
Southern Peru Copper Corporation ne sont-ils pas des défenseurs de
l'environnement ? (...) Et la population de l'Amazonie, n'est-elle pas
totalement écologiste, prête à mourir pour défendre leurs forêts contre la
déprédation ? De même la population pauvre de Lima, lorsqu'elle proteste
contre la pollution des eaux."
- Le Brésil est un des pays où l'articulation du
social et de l'écologique a atteint des niveaux importants. On assiste à
la mobilisation du Mouvement des Paysans Sans Terre (MST) contre les OGM,
dans un affrontement direct avec le grand trust multinational Monsanto, et
à la tentative des municipalités ou provinces gérées par le Parti des
Travailleurs d'introduire des objectifs écologiques dans leur programme de
démocratie participative. Le gouvernement de la province du Rio Grande do
Sul, proche du MST et de la gauche du PT, veut éliminer les OGM de la
région, au grand dam des riches propriétaires fonciers, qui dénoncent cet
exemple d' "archaïsme " et voient dans la lutte contre les
semences transgéniques une " conspiration pour imposer la réforme
agraire ".
- Les populations indigènes, qui vivent au
contact direct avec la forêt, sont parmi les premières victimes de la
" modernisation " imposée par le capitalisme agraire. Elles se
mobilisent donc dans beaucoup de pays d'Amérique Latine pour défendre leur
mode de vie traditionnel, en harmonie avec l'environnement, contre les
bulldozers de la " civilisation " capitaliste. Parmi les
innombrables manifestations de l'"écologie des pauvres"
brésilienne, un mouvement apparaît comme particulièrement exemplaire, par
sa portée à la fois sociale et écologique, locale et planétaire,
"rouge" et "verte" : le combat de Chico Mendes et de
la Coalition des Peuples de la Forêt en défense de l'Amazonie brésilienne,
contre l'œuvre destructrice des grands propriétaires fonciers et de
l'agro-business multinational.
- Rappelons brièvement les principaux moments de
cet affrontement. Militant syndical lié à la Centrale Unique des
Travailleurs et au Parti des Travailleurs brésilien, se réclamant
explicitement du socialisme et de l'écologie, Chico Mendes organise, au
début des années 80, des occupations de terres par des paysans qui vivent
de la collecte du caoutchouc (seringueiros) contre les latifundistes qui
envoient leurs bulldozers abattre la forêt en vue de la remplacer par des
pâturages. Dans un deuxième moment il réussit à rassembler des paysans,
des travailleurs agricoles, des seringueiros, des syndicalistes et des
tribus indigènes - avec le soutien des communautés de base de l'Eglise -
dans l'Alliance des Peuples de la Forêt, qui met en échec plusieurs
tentatives de déforestation. L'écho international de ces actions lui vaut
en 1987 l'attribution du Prix Ecologique Global, mais peu après, en décembre
1988, les latifundistes lui font payer très cher son combat en le faisant
assassiner par des tueurs à gages.
- Par son articulation entre luttes sociales et
écologie, résistances paysannes et indigènes, survivance des populations
locales et sauvegarde d'un enjeu global (la protection de la dernière
grande forêt tropicale), ce mouvement peut devenir un paradigme des
futures mobilisations populaires dans le "Sud".
- Dans certains pays - notamment en Europe - le
mouvement écologique a réussi à faire adopter de nombreuses réformes ,qui
ont partiellement freiné un accroissement explosif de la destruction de la
nature. Ainsi, par exemple,. il n'y a eu presque plus de nouvelles
centrales nucléaires, la production de certains produits chimiques (CFC,
engrais, etc.) a été limitée, des normes restrictives ont été fixées pour
certaines usines, pour les automobiles, etc. Une industrie de
l'environnement capitaliste s'est développée, des réformes écologiques
entrent même dans le catalogue des revendications des partis bourgeois.
- Pourtant, malgré toutes les tentatives de
réformes et malgré l'industrie de l'environnement, les destructions au
niveau mondial sont plus graves que jamais. La pollution des mers, le
déboisement des forêts tropicales, les changements climatiques, montrent
clairement que la dynamique globale de la crise écologique reste
inchangée. De ce point de vue, cette crise montre la nécessité, par-dessus
toute réforme, d'un changement fondamental de notre société.
- Comme il n'a pas de programme révolutionnaire
cohérent et qu'il ne considère pas les travailleurs comme sujet
révolutionnaire, le mouvement écologique est loin de concrétiser son
aspiration à constituer une nouvelle force sociale, qui puisse occuper ou
hériter la place du mouvement ouvrier. Néanmoins, si on fait abstraction
des groupements explicitement bourgeois ou réactionnaires, numériquement
faibles, le mouvement écologique reste un allié important des
révolutionnaires dans la lutte d'ensemble contre le système capitaliste.
VI. Les
problèmes de l'environnement et la domination bourgeoise
- A cause des effets de la production capitaliste
sur l'environnement, la destruction des fondements naturels de la société
humaine a atteint une dimension nouvelle qui est en soi un problème pour
la domination de la bourgeoisie et son idéologie :
·
la crise écologique est mondiale et, dans un contexte de concurrence
inhérent au capitalisme, elle ne peut qu'être conçue comme un mal commun;
·
certaines causes de la crise écologique remontent dans le temps,
d'autres sont le produit du développement combiné de différents facteurs
séparés; il est donc difficile d'en établir et d'en dater les causes
temporelles et physiologiques. De même, la maîtrise de la crise écologique
nécessite du temps et des investissements qui condamnent au désarroi toutes les
conceptions bourgeoises des cycles input/output ;
·
enfin, contrairement à ce qui est le cas quant à la crise économique
classique, aux conséquences sociales néfastes du capitalisme et même aux suites
d'affrontements militaires, on ne peut faire payer que partiellement l'addition
de la crise écologique aux classes dominées et exploitées. Cependant, il est
incontestable que, surtout dans les pays dépendants, les classes opprimées en
portent le fardeau essentiel. et ceci d'autant plus qu'il y a interaction entre
crise sociale et économique et crise écologique.
- La prise de conscience croissante de la crise
écologique et le mouvement écologique qui s'est formé dès le début des
années 1960, ont représenté une attaque vigoureuse à l'un des concepts les
plus importants de l'idéologie bourgeoise: l'idée selon laquelle l'ordre
social et économique bourgeois serait à même de garantir de façon continue
un "progrès pour tous", ou bien que la soumission continue de la
nature est en soi positive et que tous les problèmes en rapport avec elle
pourraient être résolus.
94. Face au défi
idéologique, des tentatives d'actualisation de l'idéologie bourgeoise ont vu le
jour. La première, mondialement connue, a été le rapport du Club de Rome
("Les limites de la croissance" , 1972), qui démontrait que la
destruction de l'environnement progresse rapidement et proposait une politique
supra-nationale contre la croissance démographique, le gâchis de matières
premières, la destruction de l'environnement etc. Cette étude, et d'autres qui
ont suivi, ont eu un effet à double tranchant. D'une part, l'idéologie
bourgeoise et les scientifiques qui en sont proches reprenaient l'initiative
sur les questions de l'environnement et entamaient la discussion sur les
pronostics et les exigences à mettre en avant. D'autre part, cela confirmait
les visions pessimistes de l'avenir du monde en stimulant davantage le
mouvement écologique. L' ordre existant de l'économie capitaliste mondiale
perdait son auréole de supériorité ; sa finalité et ses mécanismes étaient
remis en question de l'intérieur. En même temps, ces analyses aboutissaient à
des catalogues de revendications plus ou moins élaborés tendant à une
planification mondiale et à une régulation politique de l'économie. Ainsi,
elles entraient directement en conflit avec l'économie de marché capitaliste,
le libéralisme économique et les offensives gouvernementales de dérégulation à
l'ordre du jour partout dans le monde à l'époque.
- Au plus tard au milieu des années 1980, une
deuxième offensive bourgeoise sur le terrain de la défense de
l'environnement s'était avérée nécessaire : il fallait apporter des
solutions ,surtout au niveau de la politique concrète, à de telles
contradictions. Le rapport Brundtland ("Our Common Future"),
adopté par l'assemblée générale de l'ONU en 1988, en est une expression.
Il est déjà entièrement marqué par la conviction bourgeoise que le
capitalisme, tout en portant malheureusement atteinte à l'environnement,
sera en même temps en condition de prendre les mesures de réparation
nécessaires. Il prétendait ainsi rassembler les éléments d'une nouvelle
croissance plus équilibrée ("développement soutenable").
- Les années 1990 ont accentué la contradiction
entre les promesses de nouvelles régulations internationales du
capitalisme mondialisé et la brutalité de ses conséquences sociales et
environnementales. La Déclaration de Rio, issue du sommet de la Terre
(1992), a certes énoncé quelques principes, comme le principe de précaution,
qui représentent une avancée dans la prise de conscience des données de la
crise écologique. Ni l'Agenda 21, un vaste fourre-tout de 2500 mesures, ni
les conventions internationales sur la biodiversité ou les changements
climatiques, n'ont débouché sur les solutions radicales nécessaires.
Tandis que la création de l'OMC soumet plus encore l'environnement aux
effets de la libéralisation du commerce international, ces conventions
sont restées largement en échec. Les proclamations en défense de la biodiversité
sont impuissantes face à la dégradation continue des milieux naturels. Sur
le plan politique, elles se heurtent aux intérêts des multinationales de
l'agrochimie et de la pharmacie qui cherche à s'approprier le vivant par
l'expansion des OGM et le brevetage des génomes.
- Le protocole de Kyoto
(1997) sur l'effet de serre a été rejeté par l'administration Bush
supportée par les lobbies énergétiques. L'accord fragile intervenu en 2001
entre les autres pays impérialistes ne leur impose aucune mesure
domestique de réduction des émissions de gaz à effet de serre et revient à
renoncer aux objectifs déjà très insuffisants inscrits dans le protocole
initial. En effet, le protocole ne propose qu'un objectif de baisse de
5,2% des émissions de CO2, alors qu'il faudrait réduire ces émissions de
plus de 50% pour que la concentration de CO2 dans l'air ne dépasse
pas 550 ppm, le double du niveau de l'ère pré-industrielle, et que la
température moyenne sur le globe ne monte pas de plus de 2°C !
- 125
milliards de dollars sur 10 ans avaient été annoncés à Rio pour ces
politiques de défense de l'environnement à l'échelle internationale. En
1996, seul 315 millions de dollars avaient été investis. Entre les idées
réformistes prônées dans le rapport Bruntland, puis à Rio, et le modèle
ultra-libéral de l'impérialisme dominant, ce dernier l'a pour le moment
emporté. Le sommet de Johannesburg en septembre 2002 s'est traduit par un
cinglant échec : aucune mesure significative internationale n'a été
actée. Par contre ce sommet a montré qu'en quelques années les grandes
multinationales avaient réussi à faire prévaloir leurs vues dans les
enceintes des institutions internationales. Elles ont ainsi disposé d'une
tribune pour promouvoir la privatisation des ressources et des biens
publics au travers de notions telles que les « partenariat
public/privé ».
99.
Les ONG, fortement présentes à Rio et depuis lors, se sont parfois
laissées enivrer par les discours environnementalistes du G7 et des
institutions internationales. Pour l'avenir, elles n'auront guère d'autres
choix qu'entre une intégration complète comme verni écologique du capitalisme
ou le retour à une critique écologiste radicale, qui a été au fondement de
nombre d'entre elles.
- Aujourd'hui, une approche pratique des
problèmes de l'environnement fait partie du programme de tout gouvernement
bourgeois. En général, on s'efforce de fixer des limites à la pollution de
l'air, de la terre et de l'eau. S'y ajoutent des plans progressifs de
réduction des effets dangereux des résidus des processus de production.
Ces plans font péniblement l'objet d'accords internationaux. En fin de
compte, une telle politique n'est que du rafistolage: elle reste toujours
insuffisante pour contrecarrer les destructions qui se produisent réellement
. Les programmes économiques et les orientations politiques concernant
"l'économie écologique de marché" prennent eux aussi de
l'importance. Jusqu'à présent, les tentatives de tourner intrinsèquement
l'économie capitaliste vers un fonctionnement respectueux de
l'environnement n'ont pas dépassé le stade de la théorie.
- Cependant dans le contexte de mondialisation
capitaliste, une vaste offensive est en cours pour imposer un système de
" marchés de droits à polluer " à l'échelle mondiale dans le cadre
de la lutte pour la réduction de la quantité de gaz à effet de serre. Mis
en avant par les Etats-Unis, ce mécanisme a été accepté par l'Union
Européenne. Il comporte de graves dangers qu'il convient de combattre. En
premier lieu, il ouvre la voie à un renforcement de la dépendance des pays
sous-développés par rapport à ceux du Nord : dans un dispositif où chacun
dispose de son quota monnayable de pollution, le pouvoir de décider
appartient à ceux qui disposent de la puissance financière pour marchander
la pollution à leur guise. Les pays du Sud et de l'Est, fortement
endettés, risquent fort de vendre leur quota aux pays du Nord, pourtant
déjà largement les plus pollueurs.
- Ensuite le système vise à transformer la
pollution en marchandise, donc en source de profit. Comment imaginer dans
ces conditions que cela permette une réduction effective de la pollution ?
- Enfin, il faut souligner que ce dispositif,
pièce maîtresse de l'offensive libérale dans le domaine environnemental, a
pour objectif de désamorcer la charge subversive de la critique écologique
dont la logique tend à remettre en cause le fonctionnement d'ensemble du
système capitaliste : il s'agit d'accréditer l'idée que le marché est le
meilleur instrument de lutte contre la pollution, que plus de capitalisme
rendrait le capitalisme intrinsèquement " propre ".
- Cette idée doit être combattue au même titre
que la thèse selon laquelle la protection de l'environnement pourrait
devenir le moteur d'une « nouvelle modernisation de l'économie capitaliste ».
- Un véritable fossé sépare les Etats riches des
Etats pauvres. Si, dans les pays impérialistes riches, on a réussi ces
dernières années à endiguer quelques-uns des phénomènes les plus graves de
pollution et de destruction, dans les pays pauvres, même les moindres
mesures nécessaires échouent face aux problèmes de financement ou face à
l'intérêt de quelques entreprises qui réalisent leurs profits, en grande
partie, justement en dégradant l'environnement.
Devant ces obstacles, des idéologues réactionnaires et aussi certains
écologistes soutiennent parfois l'idée que la surpopulation serait une
cause essentielle des problèmes environnementaux et qu'une politique
coercitive de contrôle démographique est nécessaire dans les pays
sous-développés. Cette thèse est porteuse d'une conception
fondamentalement autoritaire, voire raciste, de l'organisation sociale.
Elle doit être dénoncée avec la plus grande vigueur.
VII. Expériences d'organisation politique du
mouvement écologique
- Dans un
nombre croissant de pays, des partis verts se développent. En Europe
occidentale, ils ont acquis une représentation parlementaire dans des pays
aussi différents que l'Allemagne, la France, l'Autriche, la Belgique, la
Suède ou le Portugal et constitue un groupe significatif du Parlement
Européen avec 47 députés. Ils participent maintenant avec des coalitions
de gauche aux gouvernements de trois pays de l'Union : Allemagne, France
et Belgique. Des partis verts existent de même dans des pays dépendants
(Brésil, Turquie, etc.). Aux USA, la candidature de Ralph Nader aux
élections présidentielles symbolise l'émergence politique, à partir des
luttes anti-mondialisation, d'un front rassemblant défenseurs de
l'environnement, jeunes et syndicalistes.
- Le développement
d'organisations et de partis verts depuis une vingtaine d'années
s'expliquent bien sûr par l'émergence d'une crise écologique à dynamique
globale, mais ne peut se comprendre sans des facteurs politiques
supplémentaires, comme le manque de perspectives générales des directions
traditionnelles du mouvement ouvrier ou l'absence de percée
révolutionnaire en Europe capitaliste après 1968.
- Il est complètement erroné de mettre dans le
même sac les diverses expériences "vertes". Selon les pays, les
cultures politiques, leur origine historique concrète, elles ont des
caractéristiques spécifiques. La palette va d'une forte influence de
forces bourgeoises et petites bourgeoises jusqu'à la cohabitation de
courants gauches, alternatifs, éco-socialistes, en passant par des
groupements verts réformistes. On peut dire d'une façon générale et avec
toute la prudence qui s'impose que :
·
il s'agit de tentatives d'organisation dans la gauche réformiste qui se
situent, le plus souvent, à gauche des directions traditionnelles;
·
bien que leur base sociale soit souvent composée à 75% de salariés, ces
courants ne se considèrent pas comme faisant partie du mouvement ouvrier;
·
tout en étant souvent nés comme des structures électorales informelles
sur des plates-formes centrées sur l'écologie, les mouvements verts ont pris
des positions critiques dans d'autres domaines aussi (politique sociale, course
aux armements, tiers-monde, etc.);
- L' activité des Verts est caractérisée par la
combinaison d'une critique souvent correcte d'injustices sociales
sectorielles et des "stratégies" réformistes illusoires. Dans la
plupart des cas, l'activité gouvernementale ou parlementaire étouffe
quasiment l'activité militante du parti vert, favorise l'apparition de
formes traditionnelles de délégation de pouvoir, et par-là même tend à
désamorcer le caractère radical de son mouvement. Pire, les Verts
allemands, par exemple, sont en passe de perdre toute la charge utopique
contenue dans la critique écologiste, et de se transformer en un simple
"parti de réforme" parmi d'autres. Cette dérive institutionnelle
sera accentuée avec les concessions sur le dossier nucléaire, la guerre du
Kosovo et le cours de plus en plus néo-libéral de la politique du
gouvernement sur le dossier nucléaire, la guerre du Kosovo et
l'accentuation du cours néolibérale de la politique gouvernementale. Pour
autant, il est vain de spéculer sur le rythme et les formes possibles des
évolutions encore à venir dans les partis écologistes et sur la question
de savoir dans quelle mesure la succession de décisions prises par les
Verts pourrait faire système en modifiant ainsi leur caractère.
- Les marxistes révolutionnaires jugent les
acteurs politiques non pas en premier lieu en fonction de leurs
affirmations, de leurs programmes ou de la conscience qu'ils ont
d'eux-mêmes, mais d'après leur fonction réelle dans la lutte de classe. De
façon générale, on peut affirmer que l'apparition d'organisations et de
partis verts n'a pas eu d'effets rétrogrades, mais a, dans nombre de cas,
élargi le champ d'action de la gauche. Loin de les ignorer, il s'agit
plutôt de développer face à eux une politique active : actions communes,
débat sur leurs positions théoriques etc. Dans certains pays, ont surgi
des partis de protestation et des mouvements écologiques qui rassemblent
électoralement et organisent une partie du potentiel critique social. Il
appartient à chaque section de l'Internationale de juger concrètement de
la meilleure forme de coopération avec de tels partis ou mouvements.
VIII. La Quatrième Internationale et la crise
écologique
- Comme nous l'avons vu dans le chapitre 4, nous
trouvons dans la pensée marxiste originelle les prémisses d'une critique
écologique radicale du capitalisme. Mais, comme ce fut le cas pour la
plupart des partis du mouvement ouvrier, cette problématique n'a pas été
abordée dans les premières années d'existence de notre Internationale. Il
serait inutile de la chercher, par exemple, dans le Programme de
transition, qui est le document programmatique de base du congrès de
fondation en 1938. Dans la période qui a suivi la seconde guerre mondiale,
les marxistes révolutionnaires n'ont pas du tout ignoré la destruction de
l'environnement et la pollution de l'air et de l'eau. Mais ces phénomènes
n'étaient considérés que comme l'une des conséquences néfastes d'un
système exploiteur et inhumain et non perçus comme un phénomène global qui
menace de détruire les bases même de toute vie.
- Ceci a changé depuis le début des années
1970, lorsque la tendance auto-destructrice
de la société capitaliste était devenue un sujet largement discuté et
repris, notamment par des idéologues bourgeois du Club de Rome en 1972.
Des articles et des études écrits par des membres de notre mouvement sont
apparus.
- Mais le véritable test pour les organisations
du mouvement ouvrier a été la naissance d'un mouvement populaire contre
l'énergie nucléaire, surtout au Japon, en Europe de l'Ouest et aux
Etats-Unis.
- Pratiquement toutes les sections de la
Quatrième Internationale ont été impliquées dans ces mouvements de masse,
même si très peu de sections ont trouvé les moyens de consolider leur
travail écologique quand le mouvement anti-nucléaire a commencé à
décliner. L'expérience des ces mouvements a cependant frayé son chemin dans
nos discussions pour les congrès mondiaux. Tandis que dans les textes du
Xe congrès, l'écologie ou les problèmes qui lui sont liés ne sont même pas
mentionnés, au congrès suivant, en 1979, la lutte contre l'industrie
nucléaire est considérée comme "une question de survie de la classe
ouvrière" et on déclare que la tâche de l'Internationale et des ses
sections est de "renforcer le mouvement en entraînant les ouvriers
industriels" dans sa lutte. Au congrès de 1985, les positions sont
mieux élaborées. Les documents donnent une analyse plus détaillée pour
chacun des trois secteurs de la révolution mondiale. La résolution
principale appelle l'Internationale et ses sections à avancer de plus en
plus la question écologique dans leur propagande et leurs activités et à
organiser des actions communes avec les mouvements écologistes. En 1990,
un projet de résolution sur l'écologie fut rédigé par une commission
composée de membres de différentes sections de l'Internationale, et
présentée à la discussion du XIIIème Congrès, mais il fut décidé
d'approfondir le débat avant d'adopter un document.
- Aujourd'hui, la IVème Internationale considère
la destruction de l'environnement comme un des principaux dangers qui
menacent l'humanité, un problème qui donne un sens nouveau à la fameuse
formule de Rosa Luxembourg : socialisme ou barbarie. Elle voit dans
l'engagement du mouvement ouvrier et de ses organisations dans la lutte
contre la destruction de la planète sa tâche principale dans ce domaine et
elle s'efforce de frayer le chemin de la collaboration du mouvement social
et du mouvement écologique, non seulement contre les différentes formes de
destruction, mais aussi contre le système qui les détermine. Elle veut
contribuer à la discussion dans ces mouvements et essaye de contrecarrer
les illusions largement répandues sur la possibilité d'un capitalisme
"propre".
- Dans de nombreux pays, l' Internationale
participe activement aux luttes en cours, comme celle contre les OGM ou
contre la destruction de la forêt amazonienne au Brésil. Les sections
européennes sont de plus en plus impliquées dans le mouvement écologique
de leur pays. Dans nos analyses, le problème écologique constitue un des
pôles les plus importants autour desquels la restructuration du mouvement
ouvrier doit s'opérer.
- Tout cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu
de problèmes avec l'intégration de ces "nouveaux" thèmes dans
l'activité de notre mouvement. Beaucoup de camarades ont continué à
considérer les problèmes écologiques comme une contradiction du capitalisme
parmi d'autres . Ils ne les ont pas conçus comme des problèmes étroitement
liés aux luttes quotidiennes pour la survie de la classe ouvrière, contre
des conditions de vie et de travail inhumaines, contre le danger de
guerre. La plupart des sections n'ont commencé à se poser les problèmes
écologiques que lorsqu 'ils ont fait les gros titres de la presse à la
suite des actions d'autres forces. Il s'en est suivi que le débat au sein
de l'Internationale a été relativement lent. Tandis que d'autres courants
et individus discutent de la question de l'écologie et du socialisme
depuis des dizaines d'années, les marxistes révolutionnaires sont restés
plutôt silencieux. Il est de plus en plus clair que les marxistes doivent
faire un effort spécial pour appliquer leur méthode aux questions posées.
Il n'est pas possible de se limiter à prendre quelques éléments de la
pensée écologique et de les peindre un peu en rouge.
- La IVème Internationale ne veut pas seulement
contribuer aux discussions sur la politique écologique concrète. Elle veut
aussi faire les pas en avant politiques et organisationnels nécessaires
aux actions de masses. Car ce n'est que par l'action du mouvement de masse
que les conditions actuelles pourront être changées.
IX. Programme d'action
- Aujourd'hui, il existe à travers le monde une
multitude d'initiatives et de mouvements contre le pillage et la
destruction de la nature. La IVème Internationale soutient ces initiatives
et ces mouvements et y participe parfois d'une façon critique, car les
positions générales de certains écologistes sont souvent plutôt confuses.
Les expériences du mouvement écologique montrent que seules de larges
mobilisations et de protestations de masse permettent de gagner l'opinion
publique et d'obtenir de succès réels.
a) Propositions
120.
Rappelons ici quelques problèmes écologiques fondamentaux qui doivent
être résolus sous peine de disparition de l'humanité. Toutes ces questions ne
peuvent être abordés qu' à l'échelle internationale. C'est sur ce terrain que
nous voulons concentrer nos forces - par exemple, dans le cadre de campagnes
transnationales -, avancer nos propositions et montrer par quels moyens
celles-ci peuvent être réalisées.
121.
Ces mobilisations peuvent se faire autour des propositions suivantes,
qui ne se veulent nullement exhaustives :
Revendications :
·
rupture radicale , dans les pays du Tiers-Monde, avec le système
agricole exploiteur de la production pour l'exportation , système qui est source
de faim et de misère;
·
contre l'agro-business capitaliste destructeur de l'environnement et
générateur de crises sanitaires graves (ex. la « vache folle ») ;
·
sortie immédiate du cycle nucléaire;
·
non à la destruction des forêts tropicales et à la dégradation des
forêts dans les pays industrialisés;
·
les mers, les fleuves, les lacs ne doivent plus être considérés comme
poubelles;
·
contre le brevetage capitaliste du vivant. Moratoire sur les OGM ;
·
non à l'appropriation privée de biens publics, tels que l'eau
·
halte à la destruction accélérée des espèces vivantes et sauvegarde de
la bio-diversité.
Alternatives
·
dans le Tiers-Monde, un système
de production agricole qui garantisse d'abord la satisfaction des besoins
élémentaires de la population;
·
utilisation rationnelle et planifiée de l'énergie face au pillage des
sources d'énergie non-renouvelables: développement de sources d'énergie
alternatives comme l' énergis solaire et l'énergie éolienne, la biomasse etc;
·
organisation de l'exploitation agricole selon des critères écologiques;
·
face au développement du transport individuel, développement des
transports en commun, et des chemins de fer;
·
une politique radicale tendant à éviter les déchets et à les recycler:
des installations de filtrage, d'épuration etc. ne suffisent pas à elles seules
, il faut une conversion industrielle fondamentale qui évite à priori la
pollution à la source.
Comment
réaliser ces alternatives ?
122.
Il faut lutter pour:
·
une réforme agraire profonde dans les pays du Tiers-Monde ;
·
l' annulation intégrale de la dette des pays sous-développés ;
·
le développement de plans d'énergie alternatifs élaborés par le
mouvement ouvrier et le mouvement écologique en collaboration avec des
scientifiques progressistes ;
·
la levée du secret d'entreprise ( qui permet ,par exemple, de chacher
les emissions toxiques et l'obligation de tenir des registres spécifiant les
matières premières et produits utilisés, libre accès à ces registres ;
·
la mise sur pîed d'un "contre-pouvoir écologique" par le
truchement du contrôle social de la production ;
·
une production répondant à des critères écologiques ,basée sur le
principe de la satisfaction des besoins, et non sur le principe des profits ou
sur le pouvoir de la bureaucratie ;
·
une société socialiste, libre, démocratique, pluraliste et
autogestionnaire, respectant l'environnement.
b) Convergences entre l'ecologie et le social
- Dans une large mesure, crise écologique et
crise sociale sont alimentées par des mécanismes identiques. Intérêts des
grands lobbies économiques, dictature toujours plus exclusive des "
marchés ", ordre mondial incarné par l'OMC, le FMI, la BM et le G8,
etc., contribuent à l'épuisement conjoint des humains et de la nature. Des
facteurs communs étant à l'œuvre dans les crises écologique et sociale
contemporaines, des remèdes communs peuvent et doivent être avancés : il
faut briser l'étau du " libéralisme économique " pour placer au
centre des choix besoins humains et contraintes écologiques. D'où cette
communauté de combat que l'on retrouve entre l'écologique et le social,
ces terrains immédiats de convergences.
1. La défense des
services publics.
- L'exemple des transports illustre combien une
logique de service public est nécessaire pour répondre de façon cohérente
aux impératifs sociaux et écologiques. En Europe, la logique libérale
exige la réduction du réseau ferroviaire aux modes et aux lignes "
rentables ", favorisant pour le reste l'accroissement du " tout
routier ". Les exigences sociales (transports publics bon marché,
réseau complet irriguant le territoire, normes de salaires et de travail
acceptables) comme écologiques (réduction des modes de transports les plus
polluants, physiquement les plus destructeurs et énergétiquement les plus
coûteux) nécessitent le développement des transports en commun dans une
logique de service public. Il en va de même en bien d'autres domaines.
- Mais ce constat ne clôt pas le débat sur
l'organisation contemporaine d'un service public. En effet, les monopoles
d'Etat sont susceptibles d'élaborer leur politique en fonction d'objectifs
non-démocratiques (dans l'énergie, par exemple, liens entre pétroliers et
intervention impérialiste en Afrique, ou liens entre nucléaire civil et
militaire), selon des modes de gestion et des modèles productifs
étroitement capitalistes, en fonction de normes de rentabilité calquées
sur celles des monopoles privés.
2.
La lutte pour l'eau et contre les pollutions.
- On prend de plus en plus conscience du coût
humain (atteintes à la santé, hausse des prix, etc.) et naturel (atteintes
à la biodiversité) des pollutions, ainsi que du rôle que jouent nombre
d'intérêts économiques établis dans leur aggravation. Prépondérance de
l'automobile, pollution atmosphérique et problèmes croissants de santé
dans les centres urbains. Prépondérance de l'agro-industrie et pollution
brutale des eaux, ou pollution difficilement réversible des nappes
phréatiques. Prépondérance du lobby nucléaire et accumulation pour de très
longues durées des déchets radioactifs, en France et dans d'autres pays.
Prépondérance de grands intérêts privés et augmentation socialement
insupportable du coût de l'eau potable au Nord - et absence massive
d'accès à l'eau potable au Sud... Dans chacun de ces domaines, combat
écologique et combat social exigent d'opposer une logique alternative à
celle de groupes économiques dominants.
127.
La question de l'eau est déjà l'objet de luttes sociales de masse, dans
les pays du Nord (Espagne) comme dans
ceux du Sud (Bolivie). Il s'agit de
combattre aussi bien contre les privatisations
que contre les pollutions,
résultant des pratiques industrielles et agro-industrielles
capitalistes. C'est une question clé du mouvement altermondialiste, qui a
déjà mis la lutte pour l'eau à l'ordre du jour de différents Forums régionaux
et mondiaux.
- La gravité des problèmes de pollution et de
santé publique contribue à faire évoluer les consciences. Il devient plus
difficile de présenter les enjeux dits écologiques comme des questions
marginales, étrangères aux questions sociales, comme des préoccupations
élitaires, un luxe pour petit-bourgeois. En Europe, la crise de la vache
folle représente probablement un point d'inflexion majeur, analogue à
Tchernobyl pour le nucléaire : elle a mis en pleine lumière l'acuité du
danger intrinsèquement contenu dans le mode de production incarné par
l'agro-industrie.
- Il faut également combattre sans concession les
solutions illusoires telles que les marchés de droits à polluer que les
pays du Nord cherchent à imposer à la planète. La pollution ne doit pas se
marchander, mais être éradiquée.
3.
En défense de l'emploi.
- Une politique de protection de l'environnement
est porteuse d'emplois dans de nombreux secteurs. Il y a plus. Des
logiques économiques dominantes, qui surexploitent la nature, créent aussi
le chômage. C'est clairement le cas avec l'agro-industrie qui désertifie
les campagnes du double point de vue des espaces (réduction drastique de
la variété des paysages et de la biodiversité) et humain (réduction
drastique de l'emploi et exode rural). C'est aussi le cas dans l'industrie
automobile qui licencie massivement tout en augmentant sa capacité de
production et qui impose sa dictature sur les modes de transports,
d'aménagement du territoire ou de développement urbain. Des logiques
socio-économiques alternatives permettent de définir un mode de production
à la fois moins prédateur vis-à-vis de la nature ou du mode de vie, et
plus riche en emplois.
- En particulier, il est important de formuler un programme écologique en
lien avec le mouvement syndical,
autour de thèmes comme :
a) le rapport entre santé
des travailleurs et environnement :
les productions toxiques nuisent aussi bien aux ouvriers qu'à la
nature ; b) nécessité d'un contrôle ouvrier sur la production, pour imposer des techniques non
polluantes ; c) la reconversion écologique de
l'industrie, des transports et de l'agriculture comme politique créatrice
d'emplois. Il ne s'agit pas de garantir les postes de travail actuels -
centrales nucléaires,
usines d'armement - mais de
garantir à tous un emploi et un revenu, quelle que soit la restructuration
nécessaire de la production.
4.
La lutte pour la terre
- Il s'agit d'un des vecteurs les plus essentiels
de la convergence entre mouvements sociaux et écologiques à l'échelle
internationale. Ce n'est pas un hasard si les mouvements paysans les plus
radicaux du point de vue social sont aussi ceux qui ont la conscience écologique
la plus avancée. Il s'agit de lutter contre l'agro-business pollueur, avec
ses OGM, ses engrais et ses pesticides qui empoisonnent l'environnement,
en refusant l'agriculture capitaliste destructrice du sol et des forêts.
Dans les pays du Sud, ce combat est inséparable de celui pour une réforme
agraire radicale, contre la monopolisation de la propriété foncière par
les latifundistes, et pour une redistribution de la terre. Mais la lutte
pour une agriculture alternative, respectant l'environnement, et fondée
sur le travail paysan, les coopératives, les collectivités rurales ou les
communautés indigènes est un défi planétaire, qui concerne aussi bien le
Tiers-Monde que les métropoles capitalistes. Un des acteurs les plus
conséquents dans cette bataille pour la terre est la "Via
Campesina", réseau international de la gauche paysanne, qui regroupe
des mouvements aussi importants que le MST brésilien ou la Confédération
Paysanne française. Ces mouvements sociaux sont porteurs d'une autre
conception de la production agricole, visant à satisfaire les besoins
sociaux de la population plutôt que ceux du marché capitaliste mondial, et
respectant le droit des peuples à se nourrir eux-mêmes.
5.
Abolir le système de la dette
- Le " développement par l'endettement
", impulsé à l'origine par les puissances financières du Nord, a
débouché sur un système de contrôle de la politique économique des pays
débiteurs (surtout du Sud) et le renforcement des pouvoirs du FMI et de la
BM (y compris au Nord). Le diktat du service de la dette et les canons
ultra-libéraux de l'OMC ont des conséquences dramatiques pour les sociétés
humaines (destructions des protections sociales, des cultures
vivrières...), ainsi que sur la nature (destruction des ressources
naturelles pour l'exportation...). Les mécanismes fondamentaux de ce
système de domination doivent donc être combattus tant du point de vue
social qu'écologique.
- Les règles commerciales instaurées par le GATT,
puis l'OMC, renforcent la domination des grandes multinationales du Nord.
En imposant l'ouverture des marchés locaux à leurs produits, elles
accentuent les dépendances (y compris alimentaires), minent les équilibres
sociaux et accroissent irrationnellement les échanges internationaux,
nourrissant ainsi la crise énergétique et écologique.
6.
Long terme et démocratie
- La question écologique exige la prise en compte
de contraintes à très long terme, les rythmes naturels appartenant à des
temps bien différents de celui, nécessairement court, du marché. De
nombreux besoins sociaux (éducation, santé, etc.) réclament aussi, pour
être correctement traités, un temps plus long que celui du " marché
roi " - c'est d'ailleurs l'une des principales raisons d'être du
service public au sens vrai. Contraintes écologiques et besoins humains
exigent conjointement de nos politiques alternatives qu'elles intègrent
ces temps longs et très longs qui relèvent de la solidarité
intergénérationnelle. L'écologie, après la défense des besoins sociaux,
donne une légitimité nouvelle à la notion de planification, car qu'est-ce
que prendre en compte le long terme si ce n'est planifier ? Mais
l'écologie a aussi contribué à la critique au fond des expériences
bureaucratiques conduites à l'Est.
- Cette indispensable rencontre entre
l'écologique, le démocratique et le social est-elle possible ? Oui, parce
que les crises écologique et sociale contemporaines ont une origine
commune, dans le capitalisme précisément. A causes communes, solutions
communes. Loin d'être intrinsèquement " négatif ", l'anticapitalisme
permet ici de percevoir le terrain de rencontre des combats écologiques et
sociaux. Il aide de même à définir des alternatives communes, positives et
solidaires. Il éclaire à la fois les causes et les solutions. En revanche,
si elle se refuse à intégrer la critique du capitalisme, l'écologie
politique risque de s'affaisser, de perdre toute radicalité et de se
replier sur les propositions élitistes, finalement antidémocratiques,
socialement inégalitaires, à la fois impotentes et injustes.
- Il s'agit bien d'un lien, pas d'une simple
identification de l'écologie à sa portée sociale. La pensée écologiste
introduit en effet une dimension majeure que l'on ne retrouve pas telle
quelle dans la pensée sociale : l'analyse des rapports entre sociétés
humaines et nature. C'est son apport original, son terrain propre. Disons
donc qu'il ne faut ni " rabattre " la question écologique sur le
seul terrain social ni ignorer l'antagonisme social au nom des enjeux
écologiques planétaires.